

J’avoue entretenir une relation plus qu’ambivalente avec ce qu’il est convenu d’appeler l’outsider music, cette étiquette fourre-tout qui tend à agréger les créations musicales des figures marginales ou déviantes, produites dans une confidentialité initiale qui nourrit ensuite le culte des réhabilitations rétrospectives. Le malaise a surgi un jour de 2008 dans la cour de La Maroquinerie, lorsque j’y aperçus Daniel Johnston, quelques minutes avant le début d’un concert, excellent au demeurant. Debout mais chancelant, le regard vide, un verre de vin à la main, il semblait indifférent au monde et au liquide carmin qui s’échappait de ses lèvres mollement entrouvertes et dégoulinait à flots continus sur son t-shirt blanchâtre. Depuis lors, la posture m’a toujours paru inconfortable qui consiste à contempler pour ses seules propriétés esthétiques une œuvre aussi inextricablement liée aux pathologies de son auteur, à savourer sans réserve le spectacle de la maladie, qu’elle soit mentale ou pas, en s’efforçant de faire abstraction de sa réalité pourtant incontournable. Le documentaire consacré par Isabelle Dupuis et Tim Geraghty à Peter Grudzien fait resurgir ces interrogations tout en proposant une réponse formellement irréprochable et moralement satisfaisante. Continuer la lecture de « FAME 2019 : The Unicorn d’Isabelle Dupuis et Tim Geraghty »


En matière de musique comme en toute chose, l’évidence ne s’impose pas toujours avec la brutalité instantanée du coup de foudre. Elle finit parfois par surgir au terme d’un cheminement tortueux, parsemé d’erreurs et de doutes. En l’occurrence, tout a commencé par une première rencontre manquée lorsque, sollicité pour chroniquer à sa sortie
Ils racontent que leur histoire commune est née d’une rencontre fortuite dans le hall d’un studio canadien. Difficile pourtant de retenir la thèse du simple aléa tant, pour l’occasion, c’est bien le destin qui semble avoir pris les traits du hasard. 
Le terme de perfection pop figure depuis trop longtemps au registre des poncifs de la critique musicale pour que l’on songe à l’utiliser sans quelques précautions réticentes. D’autant plus que, la plupart du temps, il en est venu à qualifier des œuvres où la recherche pointilleuse de la reconstitution historique et le respect compassé des formats canoniques de la chanson finissent par étouffer les velléités d’expression personnelle et spontanée. Nulle trace de ce type de dévotion stérile à un âge d’or supposé sur ce premier album de
Inconscience ou provocation ? Culot pur et simple ou plutôt absence presque totale de sens du timing et des modes ? Difficile, un quart de siècle après les événements, de rendre compte de la curieuse combinaison d’ingrédients susceptible d’expliquer la naissance d’un groupe au patronyme de chochottes – les bouquets de fleurs, sérieusement ! – et aux accents résolument pop à Seattle, alors même que les premiers frémissements du grunge commencent tout juste à s’y faire sentir.