Quand on a la chance de partir, l’été est souvent ce moment où l’on délaisse, malgré nous, nos habitudes musicales. On se retrouve à écouter la musique des endroits où l’on va et la musique des autres, surtout. Elle devient un fond sonore, quand elle n’est pas carrément subie. J’ai des souvenirs, ado, en vacances en famille et sans portable, du soulagement physique ressenti lorsqu’une chanson que j’aimais passait enfin à la radio. C’est l’effet que m’a fait Disaster Trick, le cinquième album de Horse Jumper of Love paru à la mi-août.
Deeper, ça a d’abord été pour moi une révélation sur scène, en novembre dernier à la Boule Noire. « C’est trop bien, non ? », « Il chante un peu comme Robert Smith, tu trouves pas ? » ; je cherchais confirmation autour de moi. J’avais assez apprécié ce que j’avais écouté pour avoir la curiosité d’aller au concert, mais je n’avais pas imaginé être aussi impressionnée. Parce que Deeper, c’est un peu générique comme nom, des nouveaux groupes de post-punk il y en a plein, et puis on ne sait pas trop à quoi ils ressemblent, ces gars-là.C’est qu’ils jouent de cette musique pressée, à guitares aiguisées et motifs répétés à laquelle il est si tentant de mettre une étiquette. C’est peut-être cette voix qui fait la différence en trahissant – pour le meilleur – la sensibilité mélodique du groupe ; il y a en tout cas, aux premières résonances de chaque titre, cette efficacité immédiate et cette pensée : « Ah non, c’est elle ma préférée ».Au micro, c’est Nic Gohl, chanteur et guitariste, leader par défaut d’un quatuor dans lequel aucun ne prend plus de place que l’autre ou ne cherche à paraître différent de ce qu’il est. Continuer la lecture de « Deeper : « Aujourd’hui, c’est presque une insulte d’être qualifié de post-punk » »
Et voilà, l’été nous tombe sur la gueule, avec sa moiteur, sa torpeur et ses grands rayons qui brûlent. Malgré une attention un peu défaillante due à son arrivée, on tenait à vous partager cette playlist ce samedi matin en particulier, avec l’ombre de cette catastrophe électorale qui plane dangereusement au-dessus de nos têtes. Comme pour vous donner du courage pour éviter le pire. Alors quoi qu’il arrive, restons groupés, aimons-nous et résistons. En musique. (TS)
Nous découvrions fin avril, quatre ans après L’enfant casanier, le second EP de Côme Ranjard, que l’on a pu apercevoir également il y a peu aux côtés de Eggs sur scène. Quatre chansons printanières en français, témoignant dans la sophistication de leurs arrangements d’un réel souci du détail ; à l’image du titre éponyme, Intraterrestre. Un premier single que notre collègue Alexandre Gimenez-Fauvety qualifiait dans notre playlist mensuelle « d’intrigant », et il y a en effet dans ces accords de guitare, dans ces sonorités, un peu de cette atmosphère troublante perçue dans les Inédits 1970 d’Higelin ou, plus récemment, chez Julien Gasc. Continuer la lecture de « Côme Ranjard est-il vraiment Intraterrestre ? »
Une voix et un visage que nous connaissons depuis plus de dix ans déjà et pourtant, James Hoare présentait en début de mois, sous le nom de Penny Arcade, son premier album en solitaire. Membre de certains des groupes les plus marquants de la scène indie pop des années 2010 – Veronica Falls, Ultimate Painting ou Proper Ornaments –, l’Anglais s’était ces derniers temps retiré de l’effervescence de la capitale britannique pour se rapprocher de ses origines, à l’ouest du pays. On le retrouve avec Backwater Collage, un disque mélodieux, au son très clair et lumineux, tout en douceur et en lenteur ; mellow, dirait-on chez lui. C’est aux fondements de sa culture musicale qu’il revient aussi lorsqu’il commente les dix titres qu’il a sélectionnés pour nous. Il y a dans ses paroles des récurrences qui font sourire tant elles reflètent son identité musicale : la guitare comme colonne vertébrale, la nécessité du do it yourself, le minimalisme en maître-mot.
Certaines personnes semblent atterries d’un autre espace-temps. Jessica Pratt, avec sa silhouette sombre et son visage baigné de lumière, comme échappée d’un tableau en clair-obscur, est de celles-ci. Ce n’est pas que dans son apparence, mais aussi dans la sérénité qu’elle dégage, dans la lenteur de ses mouvements. Alors quand elle évoque son coup de cœur pour Anatomie d’une chute, on est un peu décontenancés : on vit bien sur la même planète, on va au cinéma voir les mêmes films et on n’en peut plus de cette pluie qui ne s’arrête pas. C’est quand elle nous parle de sa tendance à la discrétion, à percevoir des fantômes et à vivre soit dans le passé, soit dans le futur, que l’on replonge dans l’image que l’on se fait d’elle depuis douze ans maintenant : une artiste mystérieuse si ce n’est mystique, abreuvée de folk et de rock sixties, révélée au sein de la scène freak-folk de San Francisco grâce notamment à Tim Presley et son label Birth Records, le premier à l’avoir accueillie. Jessica Pratt dévoilait hier un sublime quatrième album, Here in the Pitch, sur lequel rôdent les spectres de Burt Bacharach et Scott Walker ; rien de baroque toutefois, juste l’essentiel : des mélodies et de la mélancolie.