#unknownpleasures40 (3)

En 1979, je vole une voiture et je décide de traverser la Manche pour aller voir Joy Division en concert. Bizarrement, la traversée en ferry se passe bien et j’arrive sans encombre à Manchester, impatient de voir ce groupe dont tout le monde parle dans la cour de l’école. Oui, car j’ai oublié de vous le dire : en 1979, j’ai neuf ans.

Vous allez me dire qu’à neuf ans, on ne vole pas de voiture, on ne sait pas conduire, on ne prend pas le ferry et on ne taille pas la route jusqu’à Manchester. Vous ajouterez que personne ne parlait de Joy Division dans la cour de l’école à Vincennes où j’étais en CM1 et vous savez quoi, vous avez sans doute raison.

Mais est-ce qu’on peut se recentrer, parce que vous me faites perdre le fil ?

Merci.

A-ton déjà posé acte artistique plus violent et plus total qu’Unknown Pleasures, un disque qui laisse à penser que le plaisir, à Manchester, ça consiste à se masturber avec du papier de verre ? En 1979, il y a déjà eu le punk, mais il est presque mort et le rock prog est partout avec ses guitares dégueulasses, ses synthés qui vont continuer de vomir tout au long des années 1980 et ses morceaux qui n’en finissent pas, et soudain quatre prolos qui doivent connaître trois notes (et pas sûr qu’ils les connaissent autrement que sous des noms évocateurs tels que « deuxième corde, troisième case ») ruinent l’idée même d’un enregistrement. On imagine la tronche des mecs dans l’usine de pressage, ces cathédrales de technologie conçues pour délivrer à l’amateur éclairé un produit sans défaut, léché et enregistré avec le meilleur matériel pour une expérience d’écoute toujours améliorée et qui se prennent Disorder dans la gueule. Est-ce qu’ils ont appelé le label pour leur dire que le master avait un défaut ? Est-ce qu’ils se sont juste dit « qu’ils se démerdent ces connards » ? J’en sais rien (et si vous savez ne me le dites pas, je m’en fous).

Pas besoin d’être érudit pour comprendre que ce disque est en 1979 le signe de la fin de quelque chose ou le début d’une autre et sans doute un peu les deux. Ce disque est d’une force et d’une brutalité inouïe, qu’aucun groupe de métal n’atteindra jamais – et sans perruques hideuses et pantalons moulants. La batterie cogne, la basse est jouée par une brute épaisse, les guitares qui tentent d’enjoliver l’ensemble ne font qu’ajouter du malaise et de la dissonance et la voix éructe, sortie d’un corps si frêle qu’on lui conseillerait presque une marque de compléments alimentaires. Je ne m’en suis pas remis. Il y a quarante ans, Unknown Pleasures s’ouvrait avec Disorder. En 2019, je termine mon premier album avec une adaptation de Disorder en français. Tel épris qui croyait pendre.

Une réflexion sur « #unknownpleasures40 (3) »

  1. très bon article, ça ne nous rajeunit pas mais je ne me lasse pas d’ecouter unknown pleasure et closer achetés en 81 en vynile, puis en cd et que j’écoute maintenant en streaming

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