The Parrots, Dos (Heavenly Recordings / PIAS)

Dos by The ParrotsLa dernière fois que j’ai vraiment prêté attention à leurs chansons, c’était en 2019, dans la moiteur d’un été madrilène, pendant un festival où je m’étais rendu avec une femme pour voir The Cure. Je ne connaissais pas grand-chose de ces gars-là : une reprise très addictive d’un hit reggaeton (!) – Soy Peor, le temps d’une version à faire passer les Happy Mondays pour les Petits Chanteurs à la Croix de Bois –, des accointances avec les filles de Hinds – voir et revoir le clip de Davey Crockett (une reprise de Thee Headcoats, je le précise car sinon Etienne et Bertrand, parmi les meilleurs d’entre nous, pourraient avoir envie à très juste titre de me casser le figure alors que je suis plutôt un pacifiste) – et le fait qu’un ami pour la vie était tellement persuadé de leurs talents qu’il s’est entiché de leur destinée – et cet ami-là s’est rarement trompé pour ces choses-là (et pour d’autres aussi). Quelques semaines plus tard, tout est parti en sucette : dans le désordre, rupture, décès, la COVID (mais alors, on disait encore “le”) et le deuxième album que les deux Madrilènes étaient en train d’enregistrer à Londres, sous l’égide de Tom Furse, le clavier (et un peu plus que ça) de The Horrors. Car pandémie oblige, Álex De Lucas et Diego García ont dû ronger leurs freins, puis peaufiner quelques détails à Madrid, leur ville à eux – et d’ailleurs, je trouve depuis toujours que ces deux types seraient parfaits si un jour un réalisateur a la bonne idée de tourner un remake de Deprisa Deprisa (Vivre Vite en VF), ce film de Carlos Saura auquel je voue un culte prégnant, et pas seulement parce qu’on y entend l’une des plus belles chansons du monde, Me Quedo Contigo des Chunguitos. Bref.

The Parrots
The Parrots

Pris sous l’aile d’Heavenly Recordings – et là, c’est quand même un sacré signe : on parle du label d’East Village, des Manics, de Saint Etienne, de Flowered Up, de Dot Allison, d’Ed Harcourt, de Doves, de Baxter D – depuis 2016 et son premier album Los Niños Sin Miedo (enregistré avec un troisième larron congédié depuis), The Parrots version duo est finalement parvenu à ses fins. Et signe aujourd’hui un disque de rock débraillé et euphorisant, un disque où on se fout des bienséances, des règles, du “bon gout”, des codes. Il y a par exemple cette chanson complètement folle baptisée Maldito, une antienne juvénile enregistrée avec le rappeur Tangana, où la guitare de Marquee Moon succède à un refrain frappé d’autotune, une de ces chansons qui font croire qu’on peut encore changer le monde en dansant dans son salon – oui vraiment, ce genre, un peu comme les chansons de The Smiths aux alentours de 1985.

La force de The Parrots, c’est de toujours se rappeler d’où ils viennent (le rock garage, The Strokes, les Radio Futura des débuts peut-être), de se croire tout permis, d’inventer un idiome – ici, on chante parfois en castillan, parfois en anglais, parfois en castillanglais –, de jouer chaque titre comme si la fin du monde était au bout du dernier couplet. Alors, ils ouvrent le disque sur un hymne motorik dont le titre (et le refrain) programmatique – You Work All life And Then You Die – n’engage pas à l’optimisme, imaginent dans leurs fantasmes les plus fous Debbie Harry au lit avec les Mondays (vous voyez, on y revient) le temps de It’s Too Late To Go To Bed (ou alors pas pour dormir visiblement), signent des petites rengaines pop légèrement désuètes (au hasard, Just Hold On ou Nadie Dijo Que Fuera Facíl), allument le Fuego sur un morceau jubilatoire (il est question de petit matin, de draps froissés, de souvenirs qui meurent, de regards éternels) et donnent envie de tout recommencer sur le final Romance, autre hymne garage tout en gouaille communicative. Et quand ces dernières notes s’évanouissent, revient à l’esprit l’un des derniers messages envoyé par la femme de l’été 2019, au sujet d’un album d’un autre artiste espagnol, un message qui disait à peu près “c’est un disque qui donne l’impression d’avoir toujours 20 ans”. Dos de The Parrots va encore plus loin que ça : ce disque, c’est le disque qui nous fera garder les pieds sur terre si jamais un jour, on se prend pour un adulte. Ce disque, c’est le disque de la jeunesse éternelle.


Dos par The Parrots est sorti chez Heavenly Recordings / PIAS.

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