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Sous Surveillance : Diana Vaughan

Diana Vaughan
Diana Vaughan / Photo : Kiki de Saint Supplice

On ne va pas prétendre le contraire, nous n’étions pas dans les meilleurs dispositions au début de la soirée Womb au Sample à Bagnolet ce 16 janvier dernier. Nous nous y étions rendus pour écouter notre Ela Orleans bien-aimée, mais la nouvelle du départ de David Lynch, apprise quelques minutes avant le début de son set, nous avait coupé l’herbe sous les pieds. Il ne fut alors pas tellement question de s’attarder sur place, mais le destin en a décidé autrement. Juste après jouait un tandem totalement inconnu au bataillon, elle à la flûte traversière, lui à la basse, les deux aux synthés, qui apparemment n’en étaient pas loin de leur premier concert. Diana Vaughan, ce nom qui fait instantanément penser à une actrice hollywoodienne ou une auteure de romans du siècle dernier, n’est en fait que le nom de plume de Léo Taxil (*), un pamphlétiste anticlérical du XIXe. Suffisamment intrigant pour nous donner envie d’en savoir un peu plus. Continuer la lecture de « Sous Surveillance : Diana Vaughan »

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Marianne Faithfull, le baiser parfait

Il y a 23 ans, Étienne Daho interviewait Marianne Faithfull.

Etienne Daho et Marianne Faithfull / Photo : Philippe Lévy
Etienne Daho et Marianne Faithfull / Photo : Philippe Lévy

Hiver 2002. On a rendez-vous dans le jardin d’hiver d’un bel hôtel parisien – un hôtel dont on a oublié le nom mais qui n’était pas loin du Jardin des Tuileries. Ils sont deux, un homme et une femme. Un fan et une femme. Deux artistes qui se connaissent depuis quelque temps alors… Ce n’est certainement pas un drôle d’endroit pour cette rencontre. Le lieu leur va bien. Surtout à elle, dont les excès connus de presque tous n’ont pas réussi à mettre à mal une incroyable élégance.

J’imagine que l’idée de cette rencontre – plutôt évidente au demeurant– nous était venue une fin de journée dans les locaux alors enfumés du Boulevard de Ménilmontant (Paris XIe), entre quelques cadavres de bouteilles (bières, vin, voire vodka et whisky), des cendriers trop pleins et des paquets de chips éventrés – quant aux seules drogues présentes, c’était en général des fraises Tagada et autres sucreries du même acabit. J’imagine surtout que dans l’euphorie de la confusion, tout le monde avait trouvé ladite idée géniale. Quelques semaines plus tard, pour évoquer un album qui comptait à son générique beaucoup d’artistes qur la RPM canal historique tenait en assez haute estime, on se présentait dans ce jardin d’hiver pour retrouver l’homme et fan Étienne Daho et la femme Marianne Faithfull – dont on n’a jamais pu s’empêcher de penser que le nom disait tant…  À l’annonce de sa disparition jeudi dernier, j’ai mis trois jours à me souvenir de cette rencontre-là – et de me dire une fois encore que la mémoire était parfois très joueuse. Un peu trop peut-être. Heureusement, j’ai retrouvé trace de ce que ces deux-là s’étaient dit ce jour-là…

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Selectorama : Côme Ranjard

Côme Ranjard / Photo : Nicolas Despis

En juin dernier, à l’occasion de la sortie d’Intraterrestre, le second EP de Côme Ranjard, nous nous étendions déjà sur le talent du chansonnier parisien ; l’efficacité pop de ses refrains, la douceur-amère de ses textes, le souci du détail dont recèlent ses arrangements. En milieu de mois, il publiait Pop-Corn, son deuxième album ; pop oui, corny (banal) loin de là. Derrière sa voix grave si caractéristique résonnent des chœurs, mais aussi des sonorités révélatrices de sa curiosité musicale : l’exotisme du lap steel, la chaleur de la flûte, de la clarinette, ou du clavier seventies… Avant de célébrer la sortie de l’album au Hasard Ludique le 12 février prochain, Côme a choisi pour nous dix titres qui l’ont, selon ses mots, « chamboulé à un moment ou à un autre de [sa] vie ». « On part de Hawaï pour aller en France, aux États-Unis, en passant aussi par la Grèce, le Japon et enfin le Brésil. Ce ne sont pas particulièrement des influences spécifiques mais plutôt une sélection de morceaux que je trouve profondément beaux. » ; on le suit !

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Magon, World Peace (autoproduit)

MagonCe qu’il y a de délicieux avec la musique, avec l’art en général, c’est que tout se passe comme si, grâce à eux, on pouvait à nouveau tomber amoureux un nombre indéfini de fois sans pour autant que ces attachements soient incompatibles entre eux, comme si on pouvait en quelque sorte vivre à l’infini l’impossible expérience d’un polyamour heureux. Parfois, alors qu’on se complaisait allègrement dans nos habitudes esthétiques, qu’on se contentait avec paresse d’écouter et de réécouter nos disques fétiches, on tombe par hasard sur un un artiste inconnu aux charmes duquel on se laisse prendre sans s’y attendre. On écoute une chanson – il s’agissait pour moi, avec Magon, de l’hypnotique Right Here (Did you Hear the Kids ?), 2023 – et commence alors le premier moment de la fameuse cristallisation décrite par Stendhal.

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Clément Vercelletto, L’engoulevent (unjenesaisquoi)

Depuis quelques temps déjà, le label tourangeau unjenesaisquoi fait plus que susciter notre curiosité. Des disques aussi singuliers que In C pour 11 oscillateurs et 53 formes de Soia, Julien Sénélas, Jérôme Vassereau ou Curiositi de Nicolas Cueille ont conquis une place de choix au sein de notre imaginaire esthétique, en croisant la sophistication de la pop la plus aventureuse avec l’abstraction des musiques d’avant-garde. Des propositions uniques, difficilement situables dans le Kampfplatz contemporain, et qui possèdent une puissante force d’attraction et de fascination. Un label qui constitue un catalogue au sens le plus noble du terme donc, et dont la dernière sortie ne peut que confirmer la haute tenue. Le nouvel album de Clément Vercelletto en l’occurrence, qui frappe en effet par son « évidente » étrangeté. Continuer la lecture de « Clément Vercelletto, L’engoulevent (unjenesaisquoi) »

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Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France »

The Gentle Spring / Photo : Philippe Dufour
The Lilac Time / Photo : Philippe Dufour

On ne peut pas donner tort à cent pour cent à Malraux lorsqu’il affirmait que “à force de déterrer le passé, on finit par enterrer le présent”. Mais ce serait négliger la beauté de l’intemporel au sens large. A sans cesse vouloir innover, se démarquer, on prend le risque d’oublier le principal, la cohérence et la qualité. Qui n’a pas été déçu par la réécoute d’albums adorés il y dix ans qui sonnent affreusement datés ? On sait dès la première écoute que Looking Back At The World, le premier album du trio The Gentle Spring ne tombera pas dans cet écueil. Avec une guitare, une basse et un synthé, les mélodies et les textes de l’ex Field Mice Michael Hiscock et d’Emilie Guillaumot vont à l’essentiel. La combinaison d’une musique minimaliste où les moments de silence sont parfois aussi importants qu’un subtil changement d’accord et de textes/mini scènes de vie dans lesquels tout le monde se reconnaîtra, font de Looking Back At The World un disque qui va nous accompagner pendant un long moment. Trente-quatre ans après le dernier album des Field Mice, groupe initialement formé en duo avec Bobby Wratten, Michael Hiscock nous prouve qu’il sait encore s’entourer de gens talentueux pour produire une musique qui n’a rien à envier au passé. Continuer la lecture de « Michael Hiscock / The Gentle Spring : « J’ai appris le pouvoir de la chanson en vivant en France » »

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Selectorama : Marquis de Coco Nut (Les Lolitas)

Coco Nut & Françoise Cactus, 1986 / Photo : Christian Schulz
Coco Nut & Françoise Cactus, 1986 / Photo : Christian Schulz

Lorsqu’il a eu 18 ans dans les années 1980, Coco Neubauer – plus connu sous le surnom de Marquis de Coco Nut -, a été pris d’une folle envie de quitter Paris pour aller chercher l’aventure à Berlin, galvanisé par ses idoles musicales. Son envie ? Créer un groupe au plus tôt et se vouer corps et âme au rock and roll. L’histoire est à peine croyable mais en 1981, au bout de seulement une semaine dans la capitale allemande, il rencontre la formidable Françoise Cactus – très regrettée frontgirl des magnifiques Stereo Total, disparue en 2017 -, avec laquelle il formera bientôt les Lolitas. Entre 1986 et 1992, ils sortiront pas moins de 7 albums, notamment sur les labels allemands What’s so Funny About… et Vielklang ainsi qu’une palanquée de singles et EPs dont certains, comme le 45 tours comprenant l’excellente Touche Moi, sont sortis sur le label français New Rose mené par Patrick Mathé et Louis Thévenon, les transformant en camarades de label de Johnny Thunders et des New York Dolls ! Un de leur album – Fusée d’amour (1989) – sera même produit par Alex Chilton ! L’exil berlinois aura été salutaire… Le Marquis de Coco Nut vivra plus tard 8 ans en Guadeloupe et ne cessera de sillonner les États-Unis, de Memphis à la Nouvelle-Orléans. Continuer la lecture de « Selectorama : Marquis de Coco Nut (Les Lolitas) »

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Heimat, cabale art brut

Heimat / Photo : Julie Hascoet
Heimat / Photo : Julie Hascoet

Cirque Electrique à Paris, avril 2019. Trois ans après la sortie de leur splendide album éponyme, le duo formé par Armelle Oberlé (The Dreams, Badaboom, Le Renard) et Olivier Demeaux (Cheveu, Accident du Travail) ont su faire remuer les guiboles les plus raides et mettre tout le monde d’accord à base de morceaux hypnotiques et lancinants. Un duo qui prend son temps : jusqu’à maintenant, ils ont livré un album tous les trois à cinq ans, juste l’intervalle idéal pour les écouter aussi religieusement qu’il se doit. Déjà culte dans les scènes souterraines, Heimat convoque ensuite le gratin des musiques incongrues et électroniques (Sonic Boom ou Tolouse Low Trax) pour revisiter leurs deux premiers albums. Iti Eta No sera donc leur troisième long format, dont trois titres sont en écoute depuis quelques semaines, pour notre plus grande joie. Toujours mécanique, aventureuse et brute, leur musique est magnifiée par le lyrisme, la singularité du chant ensorcelé et germanique d’Armelle. Waldi, clip réalisé par la talentueuse Iris Chassaigne (réalisatrice du long Le Ravissement en 2023), mélange déambulations circassiennes en milieu rural, désolation et sonorités martiales. Continuer la lecture de « Heimat, cabale art brut »