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Stéphane Milochevitch, La bonne aventure (Talitres)

« J’ai enregistré ce CD
pour qu’un jour tu l’entendes par hasard
en coup de vent en coup d’un soir
en coup de poignard »

D’abord faire le deuil, celui de Thousand, entité floue aux deux albums sortis de nulle part, passionnant, touchant, en diptyque – passion critique rock , passion assemblage – du portrait en tissu (Le tunnel végétal, 2018) à celui en céramique (Au paradis, 2020), deux disques dont on ne s’est toujours pas remis, qui vieillissent avec nous tranquillement, avec deux trois écoutes mensuelles, des chansons qui jouent à prendre ou perdre des places dans notre top 50 mental (en ce moment l’obsession est portée sur Narval et Le bâton ivre). D’ailleurs, on attendait de pied ferme le troisième volet (le fameux triptyque, on sait aussi compter jusqu’à trois, ou un retable, tiens, si on pense aux obsessions spirituelles du chanteur), avec un portrait en coquillage, ou en statue de bois, on ne saura pas, peut-être qu’il viendra plus tard, ou jamais, peut-être qu’on le fantasmera et que ça sera mieux. On était prévenu, ceci dit, il y avait cette prédiction dans le dernier : « Appelle moi demain, demain Milochevitch ». On aurait dû comprendre, ce  message aux exégètes, cette annonce d’une fin et d’une résurrection. Continuer la lecture de « Stéphane Milochevitch, La bonne aventure (Talitres) »

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Selectorama : Pierre Rousseau

Pierre Rousseau / Photo : Charles Negre
Pierre Rousseau / Photo : Charles Negre

Auteur récent du très élégant Mémoire de forme, Pierre Rousseau élabore des mondes électroniques qui tiennent plus de l’architecture ou du travail plastique que de la pop, même si jamais n’est délaissée l’accroche mélodique : d’ailleurs, l’approche générale laisse place entière aux émotions, les plages dégageant une charge mélancolique évidente, éloignée d’une abstraction froide qui parfois guette ce genre d’initiative. Les rythmiques plutôt agitées mais douces ancrent les compositions dans une modernité toute actuelle, mais des traces d’utopies du passé résistent dans le fond, une époque de croyance en un futur où sciences et raison se marieraient pour le bonheur de tous : dirigeables lents et silencieux dérivant dans le ciel, champs de blé traversés par les aérotrains, exploration spatiale internationale, exploration intérieure aussi, en douceur grâce à de belles musiques fonctionnelles nous amenant à une extase des synapses. Un peu le résumé du programme de Mémoire de forme, en quelque sorte. Continuer la lecture de « Selectorama : Pierre Rousseau »

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Grand Drifter, Paradise Window (Subjangle)

Il n’aura pas fallu bien longtemps pour reconnaître en Andrea Calvo un semblable, presque un frère d’âme. En réalité, la vingtaine de minutes que dure ce troisième album publié sous un pseudonyme – Grand Drifter – évoquant à la fois la majesté et la dérive a amplement suffi. Un peu plus si on y ajoute le temps nécessaire pour remonter le cours de sa discographie et confirmer, en parcourant l’amont, l’enthousiasme éprouvé en ce début d’automne. En cinq années et une poignée de chansons, le songwriter piémontais est en effet parvenu à cultiver une bien jolie série de compositions classiques et gracieuses en des terres que l’on n’aurait pas forcément jugé propice à l’exercice. Le style et les références – celles qu’il avance sans fausse pudeur et celles qu’on croit discerner entre le silences – sont immédiatement familières – Belle And Sebastian, un peu ; Kings Of Convenience, beaucoup. Continuer la lecture de « Grand Drifter, Paradise Window (Subjangle) »

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V/A, Le Flash Boum! Beat (Platinum, 2023)

Depuis 2016, El Vidocq, Laurent Laffargue pour l’état civil, publie des compilations en s’inspirant de sa collection de 45 tours sur le label Jukebox Music Factory. Celui-ci est adossé à une structure bien connue de l’underground français : Platinum Records. En plus de compter un beau catalogue (Mujeres, Pack AD, Rubin Steiner, Bosco…), Platinum représente un pan de l’histoire de la musique électronique et de l’indie pop française depuis les années 90. Avant Platinum, il y avait en effet Aliénor Records, un label associatif fondé par trois personnes : Martial Solis (désormais, l’un des deux tauliers de Total Heaven), Vincent Brandao et donc Laurent Laffargue. Que ce soit à travers Aliénor ou Cornflake Zoo (autre label de la galaxie, fondé lui par Stéphane Teynié), les Bordelais ont écrit quelques beaux chapitres de l’histoire de la pop française souterraine (les Autres, Des Garçons Ordinaires, Lemon Curd) et internationale (les Espagnols de Penelope Trip). Continuer la lecture de « V/A, Le Flash Boum! Beat (Platinum, 2023) »

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Diagonale du vide, le nouveau Drunk Meat

Drunk Meat
Drunk Meat

En écoutant le premier morceau du second album des Drunk Meat, Diagonale Du Vide, on pourrait facilement imaginer être en Australie et que le groupe s’appellerait en fait Cuntz ou Cobwebbs. C’est le chant en français et le grain dégagé des amplis du duo Bordelais qui rappelle que les deux protagonistes sont du coin, comme leurs ancêtres The Magnetix et Avenue Z. Ici, une longue liste de choses qui reflètent la France des usines qui ferment et des centres bourgs qui se désertifient. Une ambiance morne et lancinante, une guitare swampy et bluesy qui transperce, une boîte à rythme réglée au cordeau qui rajoute de la noirceur au tableau déjà bien terne. Continuer la lecture de « Diagonale du vide, le nouveau Drunk Meat »

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Avt-1ère : Bonobo, le monde parallèle de Odran Trümmel

Nouvel extrait du tourneboulant Planète Tue-mouche sorti au début de l’été sur le label Another Record, Bonobo en concentre les ingrédients tel un petit buvard puissant : ruptures de ton, construction kaléidoscopique et écriture automatique d’où surgissent des sens dans tous les sens. Odran Trümmel plonge son folk tout raide et tout cassé dans une fontaine de jouvence dont Another Record semble posséder les secrets de fabrication ici-bas. On retrouve chez leurs autres pensionnaires (en extase) – Odessey & Oracle, Pasta Grows On Tree ou Boost 3000 – cette vision progressive et colorée de la vie, sans en gommer les angles graves du moment. Odran Trümmel semble avoir trouvé un refuge parfait pour développer ce truc qui tient à la fois de l’histoire (on pense parfois aux foufous des années septante de Saravah ou de la poésie douce et synthétique du Turboust des années octante) et de cet instant parallèle, ce monde alternatif peuplé de bonobos spationautes, de bouches géantes, de boxeurs thaï ou autres découpages-collages en mouvement dont la vidéo réalisée par une entité familiale (Trummelschlager) en est la parfaite illustration.

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Joni Île, Sémaphore (Bruit Blanc)

« Est-ce que tu crois que c’est moi qui délire ? »

L’été 2022, Joni Île jouait dans une grande salle, près de la maison. Elle avait décroché la première partie de Courtney Barnett, une de ses chanteuses préférées, je crois. Devant un parterre nombreux de fans de la rockeuse australienne, impatients, Marion a arrêté un peu le temps, et en 2/2 avec sa guitare, sa voix et pas grand chose d’autre, elle a captivé le public avec ses miniatures exécutées avec retenue, toujours, et avec cette décontraction à la fois timide et assurée qui fascine. Continuer la lecture de « Joni Île, Sémaphore (Bruit Blanc) »

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Guilty Pleasure : « Toute Première Fois » par Jeanne Mas (1984)

La Jeanne Mas / Photo : Chan Masson
La Jeanne Mas / Photo : Chan Masson

Mais qu’est-ce donc qu’un guilty pleasure ? Notion éminemment variable selon les goûts, l’éducation, l’époque – ce qui passait pour un guilty pleasure dans les 80s sera peut-être considéré comme un tube quarante ans plus tard. La musique suit les aléas de la mode : qui aurait parié sur le retour de la coupe mulet ou de la moustache façon acteur porno des 70s, hein ?

Suivant le principe qu’il n’y a jamais de mal à se faire du bien, la notion « guilty » ne m’est donc pas familière et j’ai longuement cherchée. Avant de fixer mon choix sur Jeanne Mas et sa Toute Première Fois. Pourquoi ? Oui, il y a une histoire derrière ce choix. Mais déjà, quelques mots pour re-situer la chanson. Continuer la lecture de « Guilty Pleasure : « Toute Première Fois » par Jeanne Mas (1984) »