Selectorama : Rose Mercie

Rose Mercie
Rose Mercie

Alors vous, ça faisait combien de temps que vous n’aviez pas été obsédé par un morceau ?
Un simple morceau.
Au point de l’écouter en repeat ?
Au point de l’écouter tout le temps, hagard, au taquet, interdit ? Plus de 100 fois en deux semaines ? Au point d’en esquisser des remixages absurdes à vos moments perdus parce qu’il est tellement inspirant qu’il vous retourne les tripes à ce point ? Non, franchement, avouez.
Moi ça faisait un moment. Et Rose Mercie, Witching, c’est la 9 sur le disque, franchement c’est plus que notable. Le disque s’intitule ¿Kieres Agua?. Tu veux de l’eau ? Non mais ça ne me ferait pas de mal.
C’est un disque qu’il faut prendre par la fin. Quel coup de génie, tu le crois ou à peine. Personne ne se permettrait autant d’inconscience. Mettre le tube à la fin du disque. Idée un peu débile ou totalement géniale. Comme un antidote secret au cauchemar national. Je vais chercher d’autres exemples et je reviens.


Spoiler : Je n’en reviens toujours pas.
Pour faire court c’est les Raincoats, Electrelane (déso pas déso) et les Slits qui viennent mettre à l’amande douce Joy Division ou plus précisément la cahotique embarcation post mortem qu’est le New Order période Movement. Celui qui ne sait plus ce qu’il fait mais qui cherche à l’aveuglette une porte de sortie. Et la trouvera juste un peu plus tard. Sauf que Rose Mercie s’en branle(nt) probablement de ces vieilles marottes. Et accomplissent là un chef d’œuvre absolu. Un morceau qui met le monde à leurs pieds. Très bien comme ça. Le plus efficace depuis Deceptacon de Le Tigre, avec ou sans remisque.
Je vous mets toustes au défi de ne pas l’écouter en boucle. Ce morceau : Witching, vous devriez bien en profiter, ici et maintenant. Il ne fera peut-être pas toujours aussi chaud. D’autant plus que ¿Kieres Agua? contient huit autres morceaux tout aussi remarquables (quoique celui-là tue sur place, je n’en démordrai pas) et que dans un fatras joyeusement agencé, Rose Mercie (Michèle, sublime activiste sous pavillon Doxa Esta et âme supérieure de Belmont Witch, Inès, Louann et Charlotte aka Charlène Darling) nous en dévoilent quelques sources optionnelles ici et maintenant.

01. Los Diablitos, Los Caminos de la vida

Michèle : Los Caminos De La Vida, c’est un morceau composé par Los Diablitos, un groupe colombien, mais je n’ai découvert cette version uniquement après avoir montré aux filles la version que je connaissais de Vicentico, chanteur de Los Fabulosos Cadillacs qui en a fait une reprise. C’est un groupe argentin de ska très mainstream, ou du moins très connu en Amérique Latine. Le genre de groupe qu’on pouvait écouter à la radio ou à la télé au Mexique, donc en quelque mots, ce avec quoi j’ai grandi chez moi, la télé puis la radio. Je ne sais pas pourquoi dans ma tête je fais toujours un lien qui n’existe pas entre ce morceau et le morceau d’intro d’une telenovela, Dos Mujeres Un Camino, dont j’ai pas de souvenir, mis à part l’intro du générique chantée par la comédienne Laura Leon. Les Fabulosos Cadillacs ont plein de tubes, entre autres Matador, Mal Bicho et un des plus connus, Vasos Vacios avec Celia Cruz, idole cubaine, réputée reine de la salsa.
En jammant et composant Regresar, m’est venu à l’esprit la mélodie de Los Caminos de la Vida parce qu’il y avait quelque part une déchirure à partager, un constat sur des aller-retours et sur des voyages et des déplacements. Le message est simple : les chemins de la vie ne sont pas comme je le croyais, ni comme je le pensais, ni comme je l’imaginais. Le chanteur pense à sa viejecita (sa petite vieille, figure maternelle) à un moment donné et prend conscience de ses efforts et de ce regard depuis l’âge adulte à maintenant. La mélodie d’origine de ce passage était impossible à reproduire même uniquement dans le cadre d’une jam avec ce qu’on avait déjà commencé à caler comme instrus. C’est un morceau où je parle du lien que je garde avec mon pays, cette mélancolie trop forte qui existe par moments et toujours cette assurance que je vais y retourner un jour tellement le souhait est fort. C’est surtout une chanson d’amour pour ma grand-mère. Inès a placé son chant en parallèle de sa batterie, elle avait aussi des choses à raconter.

Inès : Oui. J’ai longtemps vécu dans une grande nostalgie de Cuba. J’y ai vécu et j’ai beaucoup grandi pendant cette période. J’ai parlé et rêvé en espagnol, j’ai appris mille choses. Michèle est venue me voir d’ailleurs ! On a bien ri.
Alors sur ma partie je chante Cuba et La Havane. Une époque révolue et impossible. Je voudrais y retourner et en même temps ce pays me brise le cœur. Mes amis ont faim, certains attendent de partir, d’autres hésitent même à se prostituer. C’est dur mais c’est ce monde qui est ainsi fait. Étrange beau et cruel. Oui c’est ça cette douleur existe. Elle est parallèle à ma vie, à la leur. Chaque seconde.
Les chemins de la vie sont infinis et nous marchons tous en même temps, ni égaux ni libres de la même façon mais sœurs et frères.

02. Camarón de la Isla, Potro De Rabia Y Miel

Inès : Olalalalala.

Cette voix.

Camarón de la Isla est un des plus grand chanteurs à mes yeux. Cette chanson est dédiée à la femme. Il va bientôt mourir et il prie pour la revoir sous le même ciel car il sait que la mort va les séparer. Il est mort d’un cancer et il est déjà malade pendant l’enregistrement. Dans notre chanson Regresar, je chante le refrain en pensant à mes souvenirs de Cuba. Camarón dit qu’il a un poulain qui galope dans ses veines. Un poulain de rage et de miel. Je pense que c’est la définition même de sa voix et son destin. Le flamenco est enragé et doux, le rythme galope. Quel bonheur de chanter avec mes sœurs en reprenant cette idée et en la fusionnant avec Los Caminos de la Vida et nos vies.

03. PNL, Au DD

Michèle : Je ne connaissais pas PNL et les filles m’ont fait découvrir leur ferveur ? attachement ? obsession ? passion ? envers ces deux frères. Puis on a fait la reprise de Au DD, on l’a joué à La Station il y a quelques années, les gens n’ont rien compris et tout compris. PNL et Rose Mercie, des rapprochements possibles ?

Ines : Louann et moi nous allons à Bercy ce soir pour les voir en concert ! On les aime. Ils nous ressemblent mais ils ne le savent pas encore !  Hahahah !

Louann : Je suis du genre à pouvoir détester un truc pendant longtemps puis subitement me mettre à l’adorer… c’est ce que j’ai ressenti avec PNL. Au DD, ça a été l’élément déclencheur qui m’a revenir sur tout ce que je pensais du cloud rap. Je me suis remise au rap français que je suivais plus du tout depuis plus de dix ans et wow ça fait du bien !
Ma découverte de PNL ça correspond aussi à une période de ma vie où je vivais un peu en autarcie dans les Corbières, fallait prendre la bagnole tout le temps pour faire quoi que ce soit et je n’aime pas trop conduire. Mais rouler en pleine nuit dans la garrigue sous le ciel étoilé en braillant sur PNL, c’est un truc que je recommande vivement.
Les deux frères, ils m’ont vachement aidé à rester connectée avec Paris quand j’étais dans le Sud et maintenant que je suis revenue à Paname, ça me ramène constamment à la garrigue, le rouge et les cigales. Merci pour ça /// QLF partout <3

04. Pentangle, Let No Man Steal Your Thyme

Charlotte : Au travers de notre morceau Dinosaur, il y a une citation de ce traditionnel britannique (découvert pour ma part en 2005 grâce à Étienne G, merci man). Les traditionnels voyagent de chants en chants et se transforment. Cette histoire du thym volé dans le jardin parle d’amour dévasté, amour évidé, référence effrayante au dépucelage… Chez Rose Mercie, on en fait une autre lecture, comme un petit mantra pour les amies au cœur vivace : LET NO MAN STEAL YOUR TIME. Le temps c’est d’abord pour soi, pour ses amiEs.

05. Fleetwood Mac, The Chain

Charlotte : Qu’est-ce qu’on a pu danser ensemble sur ce morceau…
Je trouve qu’il nous ressemble. Je pense toujours que les groupes de musique sont un peu comme un couple. On se découvre, on évolue ensemble, on se perd, on s’engueule, et quand le lien entre nous est plus fort que tout on se retrouve en faisant de la musique et/ou du sexe.
Ici dans Rose Mercie, on s’aime chastement mais de façon bien cosmique. Ça fait bientôt dix ans qu’on joue ensemble et on est pas prêtes de briser la chaîne.

06. Madonna, Music

Ces morceaux ont été présents lors de plusieurs répétitions. On LOL à fond. On fait des Medley impossibles. Ça ne peut pas trop s’expliquer. Madonna ça reste quand même… Madonna. La boss, quoi.

07. PacificSound3003, Je rafraichie mon {PAYPAL} & {YOUPASS}

C’est notre chanson magique, dès qu’on reçoit une commande de disque on l’écoute et on danse. Ca fait du bien de rafraichir son PayPal aussi !
On a fait une reprise l’autre jour en repete… Un vrai plaisir à la Shaggs de faire des harmonies vocales et n’importe quoi à la guitare sur de telles mélodies.

08. The Seeds, Can’t Seem To Make You Mine

Michèle : J’ai commencé à écouter ce morceau quand je suis arrivée en France en 2010. C’est un morceau parfait. Je ne sais pas comment je suis tombée dessus, mais à l’époque je vivais seule dans un foyer de filles. Je j’avais pas beaucoup de potes ni à la fac ni ailleurs et quand je le réécoute, ça me ramène à ces moments ou je me sentais mieux avec tout en l’écoutant en boucle. C’est un des morceaux préférés de Charlotte et Louanne aussi. Les miaulements dans la voix. Le tambourin. La désespération et l’effervescence, miam miam.

09. LV2, Bosser

Jeanne Guien aka LV2, quelle reine. Des loops, de l’écriture fine, du bruit. Une cuillère sur les cordes de basse. Sa basse pleine de vernis à ongles avec des paillettes, toute fracassée.
Pour info c’est aussi à Jeanne que l’on doit le nom de notre asso et nos t-shirts ZERO CIMER, c’est elle qui a pondu ce magnifique anagramme ainsi que le plus sexy : EROS MERCI

10. Ruth, Mabelle

Quel morceau parfait ! Alors oui, partout dans notre monde musical, on danse sur Polaroid Roman Photo mais notre chanson chérie à nous c’est Mabelle. Tout y est. Instruments analogiques et électroniques mélangés, superposés progressivement comme des boucles. On a souvent rêvé de la reprendre, mais il nous faudrait aussi inviter un garçon pour jouer le rôle du loser touchant qui attend une fille qui ne viendra pas, trop occupée à faire sa vie. Regis Turner si tu nous lis ?


¿Kieres Agua? par Rose Mercie est disponible sur le label Jelodanti. Elles joueront à La Boule Noire le samedi 11 juin dans le cadre du festival Idéal Trouble avec Flat Worms.

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