Les fantômes sont des morts mal enterrés. C’est, en tous cas, ce qu’affirment certains interprètes autorisés des mécanismes complexes du refoulement psychique. Et c’est ce fil que l’on s’attache à suivre en relançant, au fil des écoutes, leur interrogation féconde : de quelles tombes incomplètement scellées ont bien pu resurgir ces neuf Ghost Songs qui nous hantent sans relâche depuis l’instant saisissant de la première découverte ? Continuer la lecture de « Blasco, Ghost Songs (autoproduit) »
Étiquette : Lieu : Etats Unis
Catégories chronique anniversaire
Chicago, Chicago Transit Authority (Columbia)
Les chroniques anniversaire de l’été
Par réflexe œdipien, il est souvent question de rejeter les goûts des parents à l’adolescence et se plonger à corps perdu dans une musique qui, si possible, emmerde les vieux. Cette tradition a certainement perdu du poil de la bête dans certaines familles où le rock / metal s’est transmis de génération en génération mais il y a toujours quelque chose de viscéral à s’opposer symboliquement à ses géniteurs, et quoi de mieux que de le faire à travers les œuvres culturelles ? Continuer la lecture de « Chicago, Chicago Transit Authority (Columbia) »
Catégories chronique nouveauté
Hibou, Halve (Barsuk Records)
S’il ne s’agit pas de reprendre toute une dialectique opposant l’inconséquent à l’important, laissez-moi toutefois en dire deux mots. Polarisés depuis quelques années autour de disques intello et glitchy, les maîtres du bon goût américains nous ont appris à nous intéresser entre une ou deux heures aux artistes qui, selon les formules, révolutionnent la pop, l’emmènent là où elle n’avait jamais été, métabolisent la culture etc. Ce sont des disques importants et j’opine dans les dîners. « Ah oui Yves Tumor, Billie Eilish, passionnants, oui. »
Catégories chronique anniversaire
Fever B, The Lonely Sailor Sessions (Burger Records)
Les chroniques anniversaire de l’été
Dix ans à l’échelle de la musique représentent-ils quelque chose ? J’écoute encore avec le même plaisir des albums sortis il y a quarante (Undertones, The Knack), ou cinquante ans (Space Oddity de Bowie ou CTA de Chicago). Parfois nous avons l’impression que ce passé étouffant ne laisse pas forcément le présent se faire une petite place. En dix ans, des carrières se sont défaites, le contexte politique a pas mal bougé et les genres musicaux à la mode aussi, malgré tout. Nous étions, en 2009, alors en pleine montée de la vague lo-fi, dont les grands noms se sont désormais éloignés (Ty Segall, Black Lips, Oh Sees, etc). The Lonely Sailor Sessions de Fever B est un peu le témoin de tout ça, il est surtout si représentatif du catalogue de Burger Records de cette époque. Continuer la lecture de « Fever B, The Lonely Sailor Sessions (Burger Records) »
Catégories portrait
Comme un ouragan
Retour sur « The Rolling Thunder Revue » de Bob Dylan (1975)

Début juin, Bob Dylan a présenté The Rolling Thunder Revue : The 1975 Live Recordings, un impressionnant coffret de quatorze disques retraçant son incroyable tournée de l’automne 1975, celle qui avait précédé la sortie de son album Desire. Quelques jours plus tard, Martin Scorsese a lancé, sur Netflix, Rolling Thunder Revue : A Bob Dylan Story, son deuxième documentaire consacré à l’auteur de Blowin’ in the Wind. En quelques jours, d’innombrables images et documents sonores inédits sont donc remontés à la surface, témoignant abondamment de ce qui apparaît aujourd’hui, non seulement comme l’une des périodes les plus riches de la carrière de Dylan, mais aussi comme une sorte d’épilogue inattendu et tardif des années soixante.
Catégories portrait
David Berman – Eau Bénite

C’était la fin des années 90, l’époque ne durerait pas mais nous ne le savions pas du tout. La plupart des artistes qui nous intéressaient passaient par Paris et nous les rencontrions, selon leur maison de disques, soit chez Pias vers la Trinité, soit rue des Tournelles entre Bastille et le Marais. Labels y avait ses bureaux : un vaste open space où la plupart des labels américains cool et quelques anglais avaient résidence. Les entretiens avaient lieu dans une petite annexe, la porte d’à côté. C’est là que dans ces mêmes années j’ai rencontré pas mal de héros de l’epoque : Labradford, Will Oldham etc. C’est là aussi que j’ai passé une heure avec David Berman pour son disque d’alors. Le papier sortirait dans la revue pop moderne, comme beaucoup d’autres que j’écrivais alors et qui tournaient souvent autour du post-rock, de la musique électronique, de quelques trucs lo-fi et pas mal d’autres étrangetés, entre Coil et Spiritualized. Dans mes souvenirs, David Berman faisait l’effet d’un garçon un peu neurasthénique, aux accents et à la parole plutôt poétique, un brin différent de la normale. Le genre de rencontre qui vous fait croire en ce que vous faites parce qu’elle est l’apanage de la la singularité même : celle de l’homme et celle de son œuvre, celle de sa parole aussi. Il y en a eu d’autres au même moment qui avait cette manière d’être à côté du réel tout en nous le décodant : Bill Callahan de Smog, Dave Pearce de Flying Saucer Attack. A eux, à leurs obliques, je n’ai jamais cessé de penser – et au garçon de Silver Jews plus encore désormais.
Joseph Ghosn, 8 août 2019
Catégories billet d’humeur
David Berman – Bonjour tristesse

Quel drôle de retour. Je n’y croyais pas. Je scrutais ce visage blême, ce regard rendu microscopique par des verres de correction staliniens. Un regard perdu, totalement. Il ressemblait parfois à un enfant. Pourtant, la réalité revenait vite me serrer la gorge – les cheveux gras et filasses, la silhouette bouffie, moche et terriblement émouvante, David Berman revenait ainsi. Fragile et peu apprêté. J’ai eu une sorte d’appréhension à l’écoute de l’album de Purple Mountains comme lorsque l’on serre contre soi un ami que l’on a plus vu durant dix ans et avec qui on s’était fâché. Pudeur, gêne et admiration. Et ce foutu temps qui passe. All my happiness is gone. C’était pas pour la pause ce titre, c’était du sérieux. Continuer la lecture de « David Berman – Bonjour tristesse »
Catégories chronique nouveauté
Versing, 10000 (Hardly Art)
Le leader de The Blank Tapes, Matt Adams, évoquait l’an dernier en interview l’influence de la perpétuelle chaleur californienne sur sa musique et supposait, chez les artistes, une sensibilité particulière aux conditions météorologiques. A sa solaire Cité des Anges il opposait un autre berceau musical de la côte Ouest… : « A Seattle ils ont la scène grunge. Tout le monde baigne dans cette atmosphère pluvieuse, lugubre, et je pense que cela se reflète dans leur musique, qui exprime des émotions différentes. » Ce n’est pas aujourd’hui que l’on infirmera la théorie : le vacarme de Versing annonce l’orage.