Premiers souvenirs partagés. Ils remontent au tout début des années 1980 : l’un est sur scène, l’autre l’écoute. Cathal Coughlan est le chanteur de Microdisney ; Garret Jacknife Lee n’est encore qu’un adolescent dans le public et c’est son premier concert. Ils échangent quelques mots, sans doute des encouragements adressés par l’aîné à son cadet admiratif. En tous cas, ils portent rapidement leurs fruits : le second étrenne même ses galons de musicien tâtonnant en se produisant en lever de rideau du groupe du premier à Cork. Deux brèves rencontres comme autant de signes précurseurs d’un destin commun, et puis plus rien pendant plus de trois décennies. Deux histoires parallèles, divergentes même. Coughlan construit son œuvre majeure dans des marges musicales de plus en plus confidentielles ; Jacknife Lee, après le bref épisode néo-punk de Compulsion, devient un producteur à succès, au cœur de l’industrie musicale, pour R.E.M., U2, Taylor Swift et bien d’autres. Qu’ont-ils pu conserver de commun ? D’abord une amitié partagée avec Luke Haines qui est à l’origine, en 2019, de ces retrouvailles inattendues. Continuer la lecture de « Telefís, A hAon (Dimple Discs) »
Étiquette : Lieu : Angleterre
Catégories chronique réédition, disques rares et oubliés
Rockin’ Horse, Yes It Is (You Are The Cosmos)
C’est un album qui a à peine existé, obsolète avant d’avoir vécu, égaré à côté de son époque dès sa sortie, en 1971. A côté de toutes les époques, d’ailleurs, puisque les quelques rééditions – une en CD en 2004, l’autre en vinyl en 2012 – sont rapidement devenues introuvables. C’est donc peu dire que cette ultime tentative pour rattraper les décennies perdues, à l’instigation de l’excellent label espagnol You Are The Cosmos, est bienvenue. C’est surtout un album qui pratique la nostalgie à chaud, proclamant en acte son amour pour une époque déjà révolue – la première partie des sixties – sans le moindre espoir de la ressusciter au-delà des quelques minutes que durent chacune de ces douze chansons. Un album composé par ceux qui ont déjà trop vécu pour entretenir encore la moindre illusion. Un très grand album de passions musicales résignées. Continuer la lecture de « Rockin’ Horse, Yes It Is (You Are The Cosmos) »
Catégories chronique nouveauté
Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records)
Il y a le rose des lettres qui sent bon le parfum du bubblegum. Il y a l’élégance de la typographie qui évoque quelques autres disques que l’on chérit depuis longtemps – des disques de Factory, oui, mais de Tamla Motown aussi. Il y a des notes de pochette au verso – et depuis les premiers disques de The Style Council, on sait qu’au même titre qu’une chanson, une mélodie ou quelques mots glissés dans un refrain, elles peuvent changer une vie (ou au moins quelques années d’une vie et entre nous, ce n’est déjà pas si mal). Il y a les titres de chansons qui semblent en annoncer la couleur (et parfois la douleur), mais on ne l’apprendra qu’un peu plus tard, ce sont souvent des chausse-trappes. Il y a toujours ces titres de chansons qui, croit-on, font des clins d’œil appuyés à un univers qu’on croyait être le seul à partager – parce que dès avoir lu All-Time Biggest Fans, sont venus à l’esprit ces quelques mots-là : “I’m your biggest fan cos’ you don’t give a damn”… Il y a, de part et d’autre de la Manche, ces ainés qui ont baissé la garde dès les premières notes, deux types pas nés de la dernière pluie et auxquels (après tout) on a le droit de reprocher beaucoup mais sans doute pas la presque perfection de leurs gouts musicaux et de leurs coups de cœur – Étienne Daho et Richard Hawley. On a connu pire comme thuriféraires. Et il y a James Leesley. Continuer la lecture de « Studio Electrophonique, Happier Things (Violette Records) »
Catégories chronique nouveauté
David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete)
J’ai toujours les miquettes* quand la musique que j’ai toujours aimée et défendue se voit à nouveau magnifiée au détour d’un album qui aurait pu échapper à ma vigilance. Au début du siècle, Fred Paquet m’avait convoqué d’autorité pour une écoute (fatale) du premier album de The Tyde, grâce lui en soit rendue. Il m’a été moins dictatorial pour ce disque mais assez incitant, j’ai laissé couler un moment, j’ai été un peu retors, c’était le début de l’hiver ça n’est jamais bien agréable, eh bien je n’aurais pas du.
Un seul morceau, le premier In My Hermit’s Hours, devrait mettre tout le monde d’accord. Ça peut vous foutre un tournis fatal, ce genre d’introduction. Croiser les frères Godfrey (soit Epic Soundtracks ET Nikki Sudden prix de maigres mais golden trophy du songwriting) ET The Chills (pour résumer en un groupe une idée des antipodes – mais les amateurs des Go-Betweens et autres Apartments vont prendre cher pareil) ET The Tyde (donc Felt) ET PUIS QUOI ENCORE ? ! Continuer la lecture de « David Christian & The Pinecone Orchestra, For Those We Met On The Way (Tapete) »
Catégories documentaire, festivals
FAME 2022 : « Poly Styrene – I Am A Cliché » de Celeste Bell et Paul Sng
Il y a la mère – Poly Styrene – et puis la fille – Celeste Bell. Il y a surtout ce qui s’est passé entre les deux et c’est sans aucun doute le plus bouleversant de tout ce que peut évoquer ce documentaire musical qui raconte aussi la manière dont la co-réalisatrice en est venu à accepter – un peu dans les années qui ont précédé sa disparition en 2011, beaucoup après – tout ce qu’avait été celle dont elle a fait le sujet de son œuvre : une artiste à l’influence fulgurante, une icône punk et féministe, une femme durablement esquintée par la maladie mentale et aussi une mère suffisamment maltraitante pour que la garde de sa fille soit précocement confiée au services sociaux puis à sa grand-mère. Continuer la lecture de « FAME 2022 : « Poly Styrene – I Am A Cliché » de Celeste Bell et Paul Sng »
Catégories interview
Baxter dure vraiment plus longtemps
Un Best Of, une autobiographie : Baxter Dury n’a pas chômé pendant le confinement.
Avec le temps, le dandy britannique Baxter Dury a appris à se méfier des journalistes, même des plus bienveillants à son égard. Si de ce côté-ci de la Manche, personne ne fait vraiment attention à la figure du père Ian Dury, dans son pays Baxter Dury reste le “fils de”. Son parcours au long cours, fort de six albums depuis 2002 et d’un livre au titre français mais uniquement disponible en langue anglaise, Chaise Longue, présenté par son éditeur comme autobiographique, en impose désormais sérieusement face à celui du caricaturiste du mode de vie Sex & Drugs & Rock & Roll finalement incapable de surmonter le succès. Continuer la lecture de « Baxter dure vraiment plus longtemps »
Catégories chronique nouveauté
The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete)
Tout pourrait envahir l’écoute, la réduire à ce seul contexte qu’il n’est – évidemment – pas possible d’ignorer. Pat Fish est décédé au mois d’octobre et, pourtant, rien ne s’entend ici comme un achèvement. Tout semble rester en suspens dans ces ultimes échos posthumes de ce qu’il n’a jamais été vraiment été possible de considérer comme une carrière au sens commercial et stratégique du terme. The Highest In The Land est simplement un très bon album de plus, pas si différent de bon nombre de ceux qu’on a aimés souvent – ou parfois négligés – tout au long de ces quatre décennies d’activités musicales irrégulières : presque un album par an pendant les deux premières et puis un seul ensuite au siècle nouveau. On guette en vain les signes avant-coureur d’un essoufflement fatal mais les bilans testamentaires et les leçons de vie pontifiantes n’ont jamais été le genre de cette excellente maison. Continuer la lecture de « The Jazz Butcher, The Highest In The Land (Tapete) »
Catégories mardi oldie
The League Unlimited Orchestra, Love and Dancing (Virgin, 1982)
Martin Rushent a joué un rôle important dans la carrière de The Human League. Après le départ pour British Electric Foundation/Heaven 17 de deux de ses membres fondateurs, Martyn Ware et Ian Craig Marsh, le groupe enregistre Dare en 1980 avec l’aide du pétulant producteur. Sommé par leur maison de disques de sortir enfin des tubes, The Human League est dans une position délicate avec la démission de ses deux musiciens les plus expérimentés. Virgin leur suggère alors de travailler avec le chevronné Martin Rushent. Le CV de ce dernier est déjà conséquent : après des débuts auprès de Tony Visconti (T. Rex, Fleetwood Mac, ELP etc.), le bonhomme se fait une réputation chez United Artists en signant et produisant des groupes comme les Buzzcocks ou les Stranglers. Continuer la lecture de « The League Unlimited Orchestra, Love and Dancing (Virgin, 1982) »