Shack, une histoire vraie

Alors que la si chic structure anglo-française Violette Records fête aujourd’hui ses huit ans et un jour – et que sa naissance est intimement liée à ce garçon dont la carrière aura été aussi chaotique que la vie – et qu’hier, ce site a mis à l’honneur cette scène tout juste incroyable du Liverpool des années 1980 – où a grandi The Pale Fountains –, il était impensable de ne pas se souvenir qu’en 1999, à la sortie du troisième album de Shack, Michael Head a failli être reconnu à sa juste valeur : le songwriter le plus doué de sa génération – voire bien plus, si affinités.


Parfois, il y a des histoires vraies qui ressemblent presque à des fables… Celle de Michael et John Head s’en rapproche assurément. Anges déchus par la drogue, longtemps incompris dans leur Angleterre natale, tout juste adulés par une poignée d’aficionados français, les deux frères reviennent aujourd’hui avec Shack, groupe qu’ils ont formé il y a plus de dix ans et surtout, un troisième album, HMS Fable, en guise de rédemption et passeport vers un succès amplement mérité. Pourtant, ce disque est avant tout le parfait résumé de vingt ans d’une vie dédiée à une seule et même chose : l’écriture pop. La plus belle et limpide qui soit.

Entre Love et Michael Head, l’histoire d’amour dure depuis un sacré bout de temps… À Liverpool, en 1981, Michael et Chris McCaffrey font presque figure d’extra terrestres. Quand tout le monde ne jure que par l’éthique punk et les groupes psychédéliques américains, eux écoutent en boucle John Barry, Sérgio Mendes, Burt Bacharach et Love. “Au début, on avait même baptisé le groupe The Love Fountains ! On a changé de nom par la suite et je me demande bien pourquoi d’ailleurs…” Ils s’inspirent de la bossa nova, travaillent avec un orchestre à cordes, composent des mélodies touchées par la grâce. Ils sont jeunes, ils sont beaux. L’avenir ne peut que leur appartenir. Après un premier single sur l’indépendant Operation Twilight (l’antenne anglaise de la structure belge Les Disques Du Crépuscule), ces encore adolescents (ou pas loin – Michael a alors 18 ans) sont courtisés et signés par Virgin pour une somme astronomique. Bien évidemment, ce sera vite l’incompréhension : le groupe rêve de la chanson pop parfaite, le label rêve de Top Of The Pops. Deux albums et quelques singles plus tard, The Pale Fountains ne sont plus. Une fin triste, d’autant plus triste que Chris décède tragiquement quelque temps plus tard. “Oui, ça peut être considéré comme un beau gâchis… Mais hormis les problèmes de drogues, je crois surtout que nous n’étions pas là au bon moment… Les années 1980, ce n’était pas pour nous. C’est tout… Pourtant, je me souviens parfaitement de l’accueil que nous avait réservé la France : Libération, Actuel croyaient en moi, en mes chansons, ils n’en avaient rien à faire de la mode, de savoir comment nous nous habillions… Ils avaient compris nos références, ils savaient d’où nous venions et vers où nous voulions aller. Mais j’ai toujours eu des affinités avec votre pays. Je me souviens quand j’ai vu Rocheteau pour la première fois… Ce gars jouait exactement comme moi je rêvais de jouer un jour. Incroyable !

HMS Fable est le titre du nouvel album de Shack. Le troisième. En dix ans. C’est maigre pour deux compositeurs capables d’écrire une dizaine de chansons en une semaine. “C’est vrai qu’on peut être prolifique. Mais, ce n’est pas toujours comme ça… J’ai eu une période très difficile, près de quatre années sans arriver à composer qui que ce soir. Mais ce disque a été conçu assez rapidement. En fait, j’ai eu l’impression que, pendant longtemps, la boîte était restée fermée… Et quand elle s’est réouverte, l’inspiration est revenue d’un coup !” HMS Fable pourrait être considéré comme le parfait résumé de tout ce qu’ont pu montrer les deux frères depuis qu’ils enregistrent ensemble. Depuis 1982. Entre les hommages à Love (encore) – le temps de Streets Of Kenny – ou à John Barry – les fantastiques arrangements de Since I Met You –, la si mélancolique Comedy aurait pu tout aussi bien être sur le premier album des Pale Fountains, tout comme le sublime Re-Instated, alors que les atours bucoliques de Captains Table n’auraient pas dépareillé sur le Magical World Of The Strands.

Malgré quelques similitudes, il existe tout de même une grande différence entre Magical World… et HMS Fable : comment l’expliquer ?
John : Tout simplement parce que les Strands correspondent à une époque bien précise de notre vie. Tandis que le nouvel album de Shack appartient plus à une tradition, s’inscrit dans la continuité de ce que nous faisons depuis nos débuts.
Mick : Mais, il n’y a pas eu pour autant de démarche volontaire, du style : “Tiens, gardons cette chanson pour tel ou tel projet, car elle y correspond mieux…” Pour moi, la seule grande différence, c’est que les Strands ont insisté sur le côté acoustique, alors que Shack utilise est plus électrique… Mais peu importe : toutes ces chansons ont été composées sur une guitare. Elles sont nées de la même manière. Elles n’ont pas eu la même façon de grandir, c’est tout.

Pour la première fois, ou peu s’en faut, pvos compatriotes semblent prêts à reconnaître vos talents de compositeurs…
Mick : Et pourtant, chez nous, rien n’a changé. Ou si peu. Mais ce n’est pas très important. On sera juste flatté si le public apprécie ce nouveau disque, s’il aime nos chansons. Et sincèrement, peu importe qu’il ne l’ait pas fait plus tôt. Je ne ressens aucune frustration à cause de cela. À quoi cela sert d’être frustré ? C’est un terme si négatif… Tu sais, nous venons de Liverpool et par expérience, je peux te dire que les habitants sont tous extraordinaires là-bas. Ils accordent toujours le bénéfice du doute. Quoi qu’il arrive… Moi aussi, je réagis ainsi. Tout comme John. Nous sommes des gens déterminés. Même dans la pire des situations, on va essayer de trouver le bon côté des choses. Car il y en a forcément un. Il y a sûrement d’autres villes de ce genre dans le monde, je ne dis pas que nous sommes uniques… Mais je peux t’affirmer que l’échec des Pale Fountains ne nous a pas rendus amers, non. Bien au contraire, nous sommes devenus plus forts…
John : La frustration, nous la ressentons quand nous ne sommes pas parvenus à retranscrire exactement comme nous le voulions une chanson sur un disque. Ça n’a rien à voir avec les classements et les charts. Ou avec une mauvaise chronique dans la presse. Notre unique but, c’est d’arriver à être fier de ce que nous faisons, de pouvoir s’en émouvoir même. Et si nous atteignons cet objectif, alors, plus rien n’a d’importance.
Mick : Au bout du compte, nous ne sommes là que pour écrire des chansons. C’est tout. Bien sûr, on souhaite toujours pouvoir toucher le public le plus large possible. Mais ce n’est pas de notre seul ressort. Contrairement au fait de composer un morceau… Moi, tout ce je veux faire, peux faire, c’est composer. Après, advienne que pourra.
John : Notre aventure n’est pas commerciale, elle ne l’a jamais été. Elle est tout simplement artistique.

Une fois encore, les textes sont très autobiographiques : tu n’as pas peur de te dévoiler ainsi, d’évoquer, parfois, des sujets aussi délicats que la drogue ?
Mick : Sincèrement, je ne réfléchis pas en ces termes. Je ne tergiverse jamais, j’écris ce qui me vient à l’esprit, ce que mon cerveau me dit d’écrire. Jamais je ne me pose la question de savoir comment les gens vont pouvoir interpréter telle ou telle phrase. C’est pareil dans la composition… Mon cerveau ne me laisserait pas commencer à travailler sur une mauvaise chanson. Si j’ébauche un morceau, je sais que je vais aller au bout, qu’il va être bon.

Hier soir, sur scène, vous sembliez particulièrement à l’aise, Shack jouait vraiment “en groupe”.
John : Tu ne peux même pas savoir à quel point nous sommes fiers de cette formation… Pour l’une des toutes premières fois, nous nous retrouvons à quatre, dans la même pièce, sur la même scène, avec cette envie d’aller dans la même direction. Et c’est difficile à trouver, une telle complicité. Aujourd’hui, dans Shack, chacun se met au service de l’autre, chacun essaye de tirer le meilleur partie de l’autre. Ensemble, on ne pense qu’à une seule et même chose : rendre justice à nos chansons.

Comment réagissez-vous au fait que, en France surtout, et ce même si HMS Fable rencontre un important succès, vous risquez de rester avant tout des anciens Pale Fountains ?
Mick : Ça ne me dérange pas… Depuis toujours, nous composons de la même manière. Depuis toujours, nous sommes un groupe folk psychédélique… Bien sûr, c’est une autre époque, c’est une autre formation, mais dans l’absolu, ça reste la même chose. Tu vois, l’équipe de France a remporté la coupe du monde l’an passé, mais pour moi, la meilleure sélection du monde restera la sélection française de 1982 : Rocheteau, Janvion, Platini, Giresse, Tigana, Battiston, Bossis… Pffff ! Je n’ai plus jamais vu ça. C’était incroyable de voir évoluer ces joueurs… C’est peut-être l’équipe de 1998 qui a remporté un trophée, mais ça ne signifie rien pour moi. Alors, je comprendrai très bien que des gens aient la nostalgie des Pale Fountains. Et puis, je serai quand même un peu hypocrite de leur reprocher : tu vois notre nouveau single, Comedy ? Eh bien, je l’ai composé à l’époque dà cette époque-là.

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