Après deux EPs en 2020, Dummy publiait l’année suivante Mandatory Enjoyment, un premier album remarqué. Dummy s’y emparait, entre autre, de l’héritage de Stereolab, le revigorant d’une frénésie rare, proposant un rock hypnotique, nerveux et électrique. Trois ans plus tard, nous sommes ravis de retrouver les Californiens, autour de la promesse d’une Free Energy, toujours chez la solide maison de disque Trouble In Mind (En Attendant Ana, Melenas, The Tubs, Klaus Johann Grobe etc.). Joe Trainor, Emma Maatman, Alex Ewell et Nathan O’Dell reviennent gonflés à bloc. Là où Dummy aurait pu se contenter de faire fructifier les idées du précédent, les quatre musiciens ont expérimenté et se sont mis en danger. Continuer la lecture de « Dummy, Free Energy (Trouble In Mind) »
Étiquette : Année : 2024
Catégories interview
Uni Boys : « La power pop ne doit pas être un modèle dont il faut respecter scrupuleusement les règles »
Attablés à la terrasse d’un bistrot, les Uni Boys au quasi-complet – Reza Matin, co-leader et guitariste, a du prématurément abandonner ses camarades pour rejoindre en tournée The Lemon Twigs dont il est également le batteur et le bassiste – semblent goûter sans réserve aux plaisirs estivaux de leur escapade parisienne. La prononciation est encore un peu hésitante à l’heure de commander une tournée de « Kir Royal » mais la descente est impeccable. Noah Nash (guitariste et chanteur), Michael Cipolletti (basse) et Artie Fitch (batterie) paraissent avoir oublié pour quelques jours leur Los Angeles natal ainsi que les corvées attenantes aux jobs alimentaires qu’ils ont encore contraints d’occuper. Manifestement, le fait d’avoir enregistré coup sur coup deux des albums de rock mélodique et densément électrifié les plus remarquables et les plus rafraichissants de la décennie en cours ne garantit même plus à ces jeunes aussi talentueux que passionnés de pouvoir vivre décemment de leur art. Dont acte. Il n’en demeure pas moins que ces dignes héritiers locaux des Nerves d’antan méritent amplement qu’on prête une oreille attentive à leurs tubes flamboyants. Et qu’on s’intéresse un peu à leur parcours – encore bref mais plein de promesses à tenir. Comme chantaient The Who, ces kids sont dac. Continuer la lecture de « Uni Boys : « La power pop ne doit pas être un modèle dont il faut respecter scrupuleusement les règles » »
Catégories Chronique en léger différé
Redd Kross, Redd Kross (In The Red)
J’ai écouté le futur des frères D’Addario et il s’appelle Redd Kross. Blague – et référence springsteenienne – à part, c’est une source d’étonnement et de même de perplexité qui n’est pas prête de se tarir. Pourtant, force est de constater qu’au beau milieu des foules qui s’extasient légitimement sur les performances virtuoses de The Lemon Twigs, l’évocation du nom de Redd Kross ne suscite, très souvent, qu’une indifférence embarrassée ou un haussement d’épaule qui dissimule tant bien que mal l’ignorance ou l’absence d’intérêt. Des frangins longilignes – un guitariste et un bassiste – qui secouent leurs tignasses impeccablement échevelées, attifés de panoplies rétros témoignant ostensiblement d’une maîtrise irréprochable des codes pop sous-culturels et qui brassent, par chansons de trois minutes interposées, soixante années de références musicales ? Ça ne sonne la cloche de personne ? Eh bien non, manifestement. Ou de pas grand monde. Continuer la lecture de « Redd Kross, Redd Kross (In The Red) »
Catégories chronique nouveauté, selectorama
Selectorama : Mayfly Two
Mayfly Two, c’est d’abord l’occasion de retrouver avec joie Anne Bacheley, légende discrète de la pop française anglophone des années 2000. A la tête d’une petite œuvre fais-le-toi-même plus ou moins difficile à trouver (des CDR, des œuvres numériques), elle a eu le privilège de figurer dans des listes de recommandations de Stephen Pastel himself. Bien sûr que les Pastels figurent en bonne position dans les influences de la dame, mais Anne est avant tout une âme libre qui se fiche de tout carcan et de toute étiquette. Elle écrit et compose parce qu’elle en ressent le besoin, le reste n’est pas son problème. Plutôt solitaire musicalement jusqu’ici, elle semble avoir trouvé en Chris Fox (from Dundee, 100 km au nord d’Edimbourg) un alter ego musical avec qui elle partage sa passion pour la musique et cet alias de Mayfly Two. Continuer la lecture de « Selectorama : Mayfly Two »
Catégories chronique nouveauté
Michèle Bokanowski, Cirque (Kythibong Records)
La parution il y a deux ans de Rhapsodia / Battements solaires dans la géniale série Recollection GRM nous avait convaincu du caractère décisif du travail de Michèle Bokanowski. Son passage au festival Présences électroniques aussi, avec Deuxième chambre d’inquiétude, une pièce au minimalisme peu commun. Car il faut reconnaître au parcours de Michèle Bokanowski une exigence et une cohérence à l’image de la virtuosité de son traitement du matériau électro-acoustique : profondeur et richesse des textures côtoient sophistication des timbres, et portent à leur point le plus haut une pratique du montage et de la manipulation des objets sonores. Continuer la lecture de « Michèle Bokanowski, Cirque (Kythibong Records) »
Catégories avant-première
La première seconde du reste de la vie de Sinaïve
Sans doute que Calvin Keller, tête penseuse et organe central créatif du désormais trio Sinaïve a du penser à ceux qui appuieront sur play pour écouter le premier album de son groupe, et ce dès la première seconde. On s’était déjà répandu en éloges sur l’inspiration pop et noise du groupe, depuis un certain temps déjà. Et d’un EP à l’autre (sept au total depuis 2018, si on compte leur cassette de reprises), ils n’avaient presque pas fait défaut. (SuperStructure) Superstar est donc le premier titre de ce premier disque. Et il démarre comme un avertissement. Continuer la lecture de « La première seconde du reste de la vie de Sinaïve »
Catégories mardi oldie
Tequila, Rock and Roll (Zaphiro, 1979)
Les Madrilènes de Tequila traversent les époques et les pays. Leur musique appartient aux années 70 mais annonce les années 80, tandis que ses membres rassemblent l’Argentine, l’Espagne et leurs histoires respectives. En 1976, Ariel Rot et Alejo Stivel débarquent dans notre bonne vieille Europe. Cette année là, Isabel Perón est renversée par un coup d’état. Les deux jeunes musiciens fuit la dictature militaire (1976-1983) et rejoignent un pays fraîchement démocratique : l’Espagne. L’année précédente (1975), Franco décède. À la surprise générale, son successeur, le roi Juan Carlos 1er, accompagne l’Espagne dans une transition démocratique. Ce changement bouleverse la scène culturelle et musicale ibérique. Il donnera lieu, aux débuts des années 80, à la mythique movida Madrileña.
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Catégories interview
Matthew Caws (Nada Surf) : « Les chansons sont un espace de sécurité totale »
Pendant longtemps, bon nombre des groupes que nous chérissions étaient ceux avec lesquels nous avions grandi. Désormais, il y a ceux avec lesquels nous choisissons de vieillir. Parfois, ce sont les mêmes. Mais pas toujours. En musique comme en amour, la nuance est d’importance. A la simple continuation nostalgique des émois de jeunesse, dont l’intensité initiale suffit parfois à retarder la dissipation inévitable, il faut parvenir à substituer une autre source d’enchantement. Moins bouillonnante, sans doute. De celle qui puisse survivre à la dissipation des attentes illusoires de la nouveauté radicale, d’un chef d’œuvre susceptible de rebattre l’ensemble des cartes usées aux encornures d’un jeu distribué il y a plusieurs décennies. Les albums de Nada Surf se suivent, plus ou moins régulièrement. Ils se ressemblent aussi, souvent, et ça n’est pourtant jamais un motif de déception. Le sillon creusé avec persévérance par Matthew Caws et ses camarades est suffisamment profond et fertile pour y replonger à chaque occasion. Comme tous ses prédécesseurs sans exception, Moon Mirror contient sa douzaine d’excellentes chansons, alternant entre accélérations powerpop électrisées et ballades méditatives. Comme à chaque fois, l’impression s’impose d’entendre se renouer les fils d’une conversation intime avec l’un des auteurs les plus touchants dans les évocations honnêtes de ses fragilités. Continuer la lecture de « Matthew Caws (Nada Surf) : « Les chansons sont un espace de sécurité totale » »