De passage à Paris, pour un concert au Petit Bain, Steve Gunn a pris le temps d’évoquer un peu la genèse de The Unseen in Between, son onzième album, mais aussi son parcours singulier de guitariste folk qui, après s’être longtemps inscrit dans les sillages abstraits de musiciens comme John Fahey ou Jack Rose, a fini par trouver sa propre voie et se met, sur le tard, à apprivoiser des formes d’écritures plus simples et accueillantes.
Depuis 2016, Steve Gunn se trouve dans une position un peu étrange. Signé chez Matador pour Eyes on the Lines, son dixième album, ce guitariste new-yorkais, grand admirateur de John Fahey et Sandy Bull, s’est affranchi d’un coup de la confidentialité relative dans laquelle son œuvre semblait végéter depuis presque dix ans. Désormais plus en vue, grâce à l’envergure internationale de son nouveau label, Steve Gunn vend plus de disques, voit tout un nouveau public se presser aux guichets de ses concerts et se retrouve régulièrement interrogé dans les pages des grandes titres de la presse rock anglo-saxonne (Mojo, Uncut, The Wire, etc). Pour autant, il n’est pas certain que ce quadra originaire de la banlieue de Philadelphie se retrouve complètement dans son nouveau rôle de figure montante du rock indépendant américain. Déjà parce que sa discographie foisonnante suffit à rappeler qu’il n’a rien d’un débutant et qu’il se pose même, plutôt, comme un artiste accompli et à l’identité très forte. Et ensuite parce que, contrairement à son ami Kurt Vile, qui fait le bonheur du même label Matador depuis une petite dizaine d’années, Steve Gunn ne donne pas le sentiment d’avoir jamais été véritablement attiré par la lumière des projecteurs. Continuer la lecture de « Steve Gunn – Macadam cowboy »
Étiquette : Année : 2019
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2019 : Desolation Center de Stuart Swezey
Le début des années 1980. Los Angeles. Une scène locale punk (Black Flag, le groupe d’Henry Rollins, The Screamers, avec son chanteur sosie de Jim Carrey, Germs…), filmée par Penelope Spheeris – Waynes’s World en 1992, c’est elle – dans le premier volet de sa trilogie The Decline of Western Civilzation (1981) n’a rien à envier à celle de New York et Londres une décennie plus tôt, avec pour correspondance européenne paradoxale, Berlin. Indésirables en ville, quelques activistes fans de musique extrême vont trouver refuge dans le désert de Mojave, celui de Zabriskie Point (1970) de Michelangelo Antonioni puis de la mort de Gram Parsons en 1973, quelques années avant de servir de décor à la pochette du The Joshua Tree (1987) de U2 photographiée par Anton Corbijn. Le réalisateur Stuart Swezey, l’un de ces amateurs paradoxaux de Throbbing Gristle et autres joyeusetés antinomiques du style de vie californien, a proposé de 1983 à 1985 une poignée de concerts, matière de son documentaire Desolation Center, récit d’une jeunesse ô combien sonique. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2019 : Desolation Center de Stuart Swezey »
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2019 : From Toilets to Stages de Vincent Philippart
Planté en Wallonie entre Valenciennes et Maubeuge, de l’autre côté de la frontière franco-belge depuis 1989, Dour est un “grand” festival. Meilleur marché et moins gigantesque que ses concurrents flamands (Werchter, Pukkelpop, Tomorrowland…), il accueille pendant cinq jours plus de 200 000 personnes. Gloire à ses organisateurs Damien Dufrasne et Bénédicte Billon-Tillie d’avoir accepté que le réalisateur Vincent Philippart puisse filmer, façon Strip-tease mais sans aucune méchanceté, ni complaisance. Dans From toilets to stages : dans les coulisses du Dour music festival, il dissèque le montage matériel d’un de ces monstres festifs censé égayer nos existences. Continuer la lecture de « Musical Ecran 2019 : From Toilets to Stages de Vincent Philippart »
Catégories billet d’humeur
Sensitive – The Field Mice
17 secondes qui ont changé ma vie
Je n’ai jamais su pourquoi cet endroit s’appelait Le Magique. Car de magique, il n’y avait guère que les petites pilules hilares qu’on pouvait y acheter au-dessus de la cabine du DJ qui méritaient ce nom. Mais cela sonnait bien, c’était comme une promesse au milieu de cette non-zone de parkings, de feux rouges, de câbles téléphoniques et électriques située à la frontière entre ma ville et la ville – Grenoble –, entre ma jeunesse et ce qui arrivait, un peu trop vite. Un carrefour traversé de lignes dont on ne savait d’ailleurs pas trop où elles pouvaient mener, mais que j’étais prêt à suivre, à n’importe quel prix. Continuer la lecture de « Sensitive – The Field Mice »
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2019 : Ethiopiques, Revolt of The Soul de Maciek Bochniak
Je me souviens très bien avoir acheté Ethiopiques Volume 4 à la boutique Bimbo Tower, à l’époque où elle se trouvait encore au 5 Passage Saint-Antoine à Paris. C’était il y a 20 ans, et le prix était encore en francs. Cette compilation bénéficiait d’un bouche-à-oreille d’autant plus authentique qu’il n’était pas le fruit d’une campagne marketing ou d’un emballement médiatique, mais d’une rumeur colportée par les musiciens eux-mêmes. A peine publiée, Ethiopiques volume 4 était déjà adoubée par la profession : un accueil rarissime, et dont l’écho n’allait que grandissant. Radio Nova adoptait Yegelle Tezeta en jingle, et bientôt Jim Jarmush sélectionnait Yekermo Sew sur la bande originale de Broken Flowers, offrant à Mulatu Astatke, le musicien qui l’a enregistré, un auditoire décuplé. C’est cette aventure, répartie sur 32 volumes parus entre 1998 et 2017, qui est racontée dans Ethiopiques : Revolt of The Soul de Maciek Bochniak.
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Catégories chronique nouveauté
I Was A King, Slow Century (Coastal Town Recordings)
Partager généreusement un peu de l’héritage reçu ; raviver passionnément quelques une des étincelles du flambeau transmis par d’autres : on pourrait trouver de plus mauvais motifs pour fonder un groupe. Après tout, c’est bien cette impulsion initiale qui animait certains de nos artistes préférés. Au début des années 1990, Teenage Fanclub honorait ainsi la mémoire de Gene Clark (1993) et œuvrait activement à la réhabilitation de Big Star. Continuer la lecture de « I Was A King, Slow Century (Coastal Town Recordings) »
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2019 : Rudeboy, The Story of Trojan Records de Nicolas Jack Davies
En 1968 naissait le label londonien Trojan Records emblématique des genres musicaux jamaïcains ska et reggae. Rudeboy : The Story of Trojan Records mélange reconstitutions jouées par des acteurs, entretiens avec les figures majeures du premier mouvement musical multiculturel spécifiquement britannique et archives. Le documentaire du réalisateur anglais Nicolas Jack Davies éclaire un pan d’histoire tout à la fois régulièrement revisité et encore trop méconnu.
Catégories documentaire, festivals
Musical Ecran 2019 : Daniel Darc, Pieces Of My Life de Marc Dufaud et Thierry Villeneuve
Le tweet m’a été adressé le 28 février 2013 – ou peut-être le 1er Mars. Le compte venait d’être créé et l’utilisateur n’avait pas pris la peine de mettre une photo de profil. “Lorsque j’ai appris la mort de Daniel Darc, j’ai tout de suite pensé au concert où nous étions allés”.
Nous, c’est elle et moi. Une aventure de courte durée — dont je me souviens très bien car, une fois n’est pas coutume, c’est moi qui y avais mis terme (au retour de mon périple australien, pour ceux qui suivent). Nous ne nous sommes jamais revus – mais j’ai appris après cette (re)prise de contact éphémère qu’elle était sociologue et chercheuse au CNRS.