John Douglas, s/t (Reveal)

Il y a les albums dont on guette la sortie avec une vigilance impatiente et ceux qui débarquent par surprise. Plus rares sont ceux que l’on découvre en éprouvant cette sensation étrange qu’ils viennent combler un manque diffus, un vide béant mais jusque-là dissimulé. Qu’ils répondent très précisément à une attente bien réelle que l’on n’avait pourtant jamais pris la peine de formuler explicitement. Le premier album solo de John Douglas est de ceux-là. On mentirait, en effet, en prétendant avoir vécu les premiers mois de 2023 dans l’espoir empressé de recevoir les nouvelles plus ou moins fraîches du guitariste de The Trash Can Sinatras. En dépit de toute l’admiration portée aux vétérans écossais et à leurs œuvres, on avait fini par se résigner au deuil ou plutôt à la seule contemplation épisodique et rétrospective d’une discographie qui s’était effilochée au long de trois décennies. Un dernier album en 2016, tout aussi réussi que ses prédécesseurs, mais qui avait achevé de nous convaincre qu’il n’y aurait plus que de l’émerveillement pour le passé et des regrets éternels.

John Douglas
John Douglas

C’est une sorte de chuchotement qui vient rompre cette torpeur résignée et abolir le temps écoulé. Rien de tapageur dans cette collection de onze chansons enregistrées dans un dépouillement acoustique qui relève sans doute du choix tout autant que de la nécessité. Onze titres donc, dont plus d’une moitié est consacrée à des réinterprétations spartiates d’extraits choisis de la discographie de son groupe, ainsi qu’à une reprise de We Let The Stars Go de Prefab Sprout, comme une réminiscence lointaine des scènes partagées en première partie de la tournée de Jordan : The Comeback, 1990. A force de n’en réclamer aucune, ces revisites guidées en terres familières finissent paradoxalement par mobiliser une attention inédite. Aux détails, aux nuances et à la cohérence étonnante de ces fragments resurgis d’époques bien différentes.

C’est qu’il est beaucoup question du temps dans la plupart de ces morceaux, anciens ou inédits. Les souvenirs affleurent et se teintent d’un bonheur pastel, travaillé à l’estompe – Orange Crayons, The Sleeping Policeman. Lost, magnifique entrée en matière, évoque la tentation nostalgique de faire de ce passé un refuge mais également la nécessité de ne pas s’y égarer complaisamment. Dans ce contexte de contemplation méditative, certaines chansons pourtant familières acquièrent des résonances insoupçonnées : Weightlifting par exemple, plus sublime peut-être que dans sa version d’origine. Très différente en tous cas : plus chaleureuse, plus précise dans son évocation du soulagement que peuvent procurer le renoncement ou l’acceptation du deuil. Cette simplicité sereine imprègne également la déclaration d’amour finale, adressée à sa femme Eddi Reader, ultime pièce d’un puzzle qui semble ainsi s’éclairer comme par magie au dernier instant.  » All things will pass but love will last. «   Rien à ajouter.


L’album solo éponyme de John Douglas est disponible sur le label Reveal.

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