Dix ans déjà ! Le temps est passé si vite depuis 2015, non ? Le COVID est passé par là certainement. La décennie est un âge ingrat pour un album, trop récent pour susciter la nostalgie, pas assez proche de l’actualité, pile poil parfait pour le purgatoire ! Voilà dans quoi les Primitive Parts sont plongés. Leur unique album, le bien nommé Parts Primitive, est sorti il y a dix piges. Le paysage musical indépendant a changé entre temps. Les groupes britanniques indépendants (Fontaines DC, Yard Act, Idles…) ont repris (commercialement) du poil de la bête. Avec le recul, la génération précédente a été largement sacrifiée. Veronica Falls, Male Bonding ou Yuck auraient, en effet, mérité mieux en matière de carrière. L’unique long jeu de Primitive Parts est ainsi à la croisée de diverses trajectoires. Continuer la lecture de « Primitive Parts, Parts Primitive (Trouble In Mind, 2015) »
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The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)
NDLR : Quand on aime, on ne compte pas, après celui de la semaine passée, voici un second point de vue sur la réédition du quatrième album des anglais.
Ce qui est bien ici, c’est que je peux radoter les quelques anecdotes sans fin, toujours les mêmes, parce qu’on est quand même dans une grande machine à oubli et qu’il vaut mieux se répéter quarante fois si nécessaire.
J’ai effectué quatre voyages à Londres entre 12 et 22 ans. Pas de quoi écrire des volumes de souvenirs, même si le premier, quand j’étais en 5e, était placé sous le signe de Musical Youth, dont la famille qui m’accueillait semblait épris, puisqu’elle n’écoutait que ça quand on mangeait du poulet-frites, après avoir joué au football. Mais quand même. En 3e, j’étais aussi au HMV pour la sortie de Parade de Prince, il y avait de grands portraits de lui attachés au plafond, j’avais acheté la cassette pour mon walkman Sony jaune, je crois que j’avais aussi volé la cassette d’Indochine à quelqu’un dans le bus, oui c’était moi, j’avoue, je me sentais très mal après – surtout que je trouvais ça nul, en fait. A quelques milliers de km, la centrale de Tchernobyl était en train de clamser. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »
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The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991)
Pour une fois, l’ampleur presque démesurée de l’hommage vaut à elle seule d’être saluée. Il n’est pas certain que Astronauts (1991) soit le meilleur album de The Lilac Time – ni même le jalon majeur de la première partie de l’existence du groupe, celle qui s’est déroulée entre 1987 et 1991, avant une parenthèse solo longue de huit ans. Pourtant, Pete Paphides a fait fi de ces réserves éventuelles pour consacrer à ce quatrième volume des longues aventures de Stephen Duffy un mausolée digne des plus grand chefs d’œuvre sur son label Needle Mythology : trois volumes, pas moins, contenant une version remasterisée de l’album original, une large ration de démos et une autre d’enregistrements live datant de la même période. Un écrin dispendieux, dont l’architecte assume – revendique même : il faut lire le texte remarquable récemment publié par Paphides sur Medium à propos de ce projet – l’irrationalité des dimensions, érigé par pure passion pour ces chansons et pour se hausser à la hauteur du souvenir qu’en conservent les quelques amoureux, convaincus de leur importance. Trente-trois ans plus tard, Astronauts apparaît encore comme un disque de transition, d’entre-deux. Résolument à côté de son époque, de son label – Creation, donc – et même de son auteur qui, dans plusieurs interviews données au printemps 1991, étale publiquement ses insatisfactions et ses envies de tout abandonner, y compris cet album qu’il envisage d’avorter avant même sa publication. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Astronauts Deluxe (rééd. Needle Mythology / Creation, 1991) »
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La Casa Azul, Tan Simple Como El Amor (Elefant, 2003)
Difficile d’imaginer la popularité de La Casa Azul par-delà des Pyrénées. Le groupe fondé par le mystérieux Guille Milkyway a pourtant démarré de la plus modeste des manières jusqu’à s’approcher, de très près, d’une participation à l’Eurovision. À la fin des années 90, le Catalan envoie ses démos à de nombreuses émissions de radios telles que Flor de Pasión, présenté par Juan de Pablos. Il est repéré et signé par Elefant (Le Mans, Family, Spring, les débuts de los Planetas…). En 2000 sort le mini-album El Sonido Efervescente de la Casa Azul (2000), celui-ci compile six morceaux des démos avec deux nouveautés. Le groupe sort finalement, Tan Simple Como El Amor, son premier véritable album, trois ans plus tard, toujours chez Elefant. Ce disque constitue une excellente porte d’entrée à l’univers chamarré de La Casa Azul. Il ouvre aussi sur une certaine idée de la musique pop espagnole, de la fin des années 90 et la décennie suivante. Continuer la lecture de « La Casa Azul, Tan Simple Como El Amor (Elefant, 2003) »
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Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92, Expanded Version (Apollo / Warp)
L’Expanded Edition de ce chef d’oeuvre absolu vient de ressortir pour les 30 ans de l’album original.
Lorsque Selected Ambient Works 85-92 paraît pour la première fois en 1992 sur le label Apollo / R&S Records, le jeune Richard D. James est déjà précédé de l’aura flatteuse du synth freak, du créateur génial et bricoleur surdoué. Repéré avec Analogue Bubblebath (Mighty Force, 1991), premier EP de la série, c’est par sa manière très personnelle de proposer une musique électronique radicale et ludique qu’il s’impose immédiatement comme l’une des figures majeures d’une scène alors en pleine effervescence. Bleep, ambient techno ou early IDM, différentes appellations pour un genre dont la mythique compilation-manifeste du label Warp Artificial Intelligence (1992) aura pu dessiner les contours : immédiatisme dancefloor et psychédélisme domestique fusionnent au sein d’une esthétique post-rave dont il s’agit d’incarner le versant le plus aventureux et expérimental. Continuer la lecture de « Aphex Twin, Selected Ambient Works 85-92, Expanded Version (Apollo / Warp) »
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Kevin Ayers, All This Crazy Gift Of Time, The Recordings 1969-1973 (Esoteric Recordings)
Toute la musique rassemblée ici a été enregistrée en cinq ans à peine – entre la fin calamiteuse de la tournée américaine de Soft Machine en compagnie de Jimi Hendrix et l’expiration du contrat avec Harvest, faute de succès concluant. Hasards de la numérologie sans doute, c’est à cinq ans que je l’ai découverte. D’abord avec un nom. Associé, comme beaucoup d’autres, à l’enfance et à ces pochettes de disques qui trainaient dans la chambre de ma sœur aînée – en l’occurrence, une réédition qui regroupait en double album Whatevershebringwesing (1971) et Bananamour (1973) dont la garde m’a été généreusement attribuée depuis. Une musique ensuite, bizarre – un peu trop pour mes oreilles mal accoutumées aux dissonances – différente, incertaine. La voix si grave n’était pas désagréable – sauf quand elle était monstrueusement déformée : je détestais Song From A Bottom Of A Well – mais c’était comme si ce compositeur paresseux ne s’était pas donné la peine de terminer proprement et sérieusement toutes ses chansons. Cette sensation de négligence improvisée me troublait et m’inquiétait un peu. J’entendais bien quelques morceaux qui me plaisaient déjà mais, petit garçon, je préférais que mes chanteurs se comportent en adultes responsables, au moins sur toute l’entièreté d’une face, et qu’ils s’en tiennent à de vrais couplets suivis de refrains que l’on pouvait fredonner aisément. Comme Cat Stevens ou les Beatles, par exemple. Continuer la lecture de « Kevin Ayers, All This Crazy Gift Of Time, The Recordings 1969-1973 (Esoteric Recordings) »
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Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984)
If it be your will.
« Si telle est ta volonté. »
C’est ainsi que Leonard Cohen conclut la difficile deuxième période de sa carrière dite « des désamours », qui a succédé à la lune de miel entre le poète et son public, à sa bohème élégante mais sincère, inattaquable géographiquement — le Chelsea Hotel et Hydra avant l’arrivée de l’électricité sur l’île, qui dit mieux ? — et artistiquement — les recueils, le roman, puis les trois premiers albums, inattaquables — trop noirs ? Inattaquables.
Ces fameux trois albums inauguraux qui captivent d’emblée l’Europe alors que ce sont ceux qui rêvent encore d’Amérique, qui deviennent des tables de la Loi, des mesures de toute chose folk, de tout arrangement – et très vite, dès Songs of Leonard Cohen, qui deviennent des prisons. Cohen lors de ses premières tournées, malgré toutes ses tentatives de sabotage — concerts sous LSD, chevaux, impréparation, empathie —, peine sous le poids des mots ravivant soir après soir les passés et les morts — père, amours, etc. —, sous le poids des attentes, sous le poids de la perfection qu’il atteint quand il fait sans essayer d’être. Un poids sous lequel Bob Dylan, d’un cuir plus solide, a déjà craqué et s’est enfui avant de réapparaître autre, tout autre. Continuer la lecture de « Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984) »
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Photos ratées, bourbon à température et sécessionnisme poussiéreux
Ce bon vieux « Good Old Boys » par Randy Newman est sorti il y a 50 ans, en 1974.
Retour sur le quatrième album de Randy Newman au sommet d’une carrière qui en a connu d’autres mais dont l’actualité éphéméridaire (on « fête » ses 50 ans) et politique (son analyse des rapports de force au sein de la société américaine) reste d’une incroyable pertinence tout en étalant une richesse esthétique (savante convocation de Scott Joplin, Nino Rota, Irving Berling, Ry Cooder, Don Henley et les auteurs William Faulkner, John Steinbeck, Flannery O’Connor) qui ne cesse de laisser bouche bée malgré les années. Continuer la lecture de « Photos ratées, bourbon à température et sécessionnisme poussiéreux »