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Selectorama : Pierre Rousseau

Pierre Rousseau / Photo : Charles Negre
Pierre Rousseau / Photo : Charles Negre

Auteur récent du très élégant Mémoire de forme, Pierre Rousseau élabore des mondes électroniques qui tiennent plus de l’architecture ou du travail plastique que de la pop, même si jamais n’est délaissée l’accroche mélodique : d’ailleurs, l’approche générale laisse place entière aux émotions, les plages dégageant une charge mélancolique évidente, éloignée d’une abstraction froide qui parfois guette ce genre d’initiative. Les rythmiques plutôt agitées mais douces ancrent les compositions dans une modernité toute actuelle, mais des traces d’utopies du passé résistent dans le fond, une époque de croyance en un futur où sciences et raison se marieraient pour le bonheur de tous : dirigeables lents et silencieux dérivant dans le ciel, champs de blé traversés par les aérotrains, exploration spatiale internationale, exploration intérieure aussi, en douceur grâce à de belles musiques fonctionnelles nous amenant à une extase des synapses. Un peu le résumé du programme de Mémoire de forme, en quelque sorte. Continuer la lecture de « Selectorama : Pierre Rousseau »

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Avt-1ère : Bonobo, le monde parallèle de Odran Trümmel

Nouvel extrait du tourneboulant Planète Tue-mouche sorti au début de l’été sur le label Another Record, Bonobo en concentre les ingrédients tel un petit buvard puissant : ruptures de ton, construction kaléidoscopique et écriture automatique d’où surgissent des sens dans tous les sens. Odran Trümmel plonge son folk tout raide et tout cassé dans une fontaine de jouvence dont Another Record semble posséder les secrets de fabrication ici-bas. On retrouve chez leurs autres pensionnaires (en extase) – Odessey & Oracle, Pasta Grows On Tree ou Boost 3000 – cette vision progressive et colorée de la vie, sans en gommer les angles graves du moment. Odran Trümmel semble avoir trouvé un refuge parfait pour développer ce truc qui tient à la fois de l’histoire (on pense parfois aux foufous des années septante de Saravah ou de la poésie douce et synthétique du Turboust des années octante) et de cet instant parallèle, ce monde alternatif peuplé de bonobos spationautes, de bouches géantes, de boxeurs thaï ou autres découpages-collages en mouvement dont la vidéo réalisée par une entité familiale (Trummelschlager) en est la parfaite illustration.

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Joni Île, Sémaphore (Bruit Blanc)

« Est-ce que tu crois que c’est moi qui délire ? »

L’été 2022, Joni Île jouait dans une grande salle, près de la maison. Elle avait décroché la première partie de Courtney Barnett, une de ses chanteuses préférées, je crois. Devant un parterre nombreux de fans de la rockeuse australienne, impatients, Marion a arrêté un peu le temps, et en 2/2 avec sa guitare, sa voix et pas grand chose d’autre, elle a captivé le public avec ses miniatures exécutées avec retenue, toujours, et avec cette décontraction à la fois timide et assurée qui fascine. Continuer la lecture de « Joni Île, Sémaphore (Bruit Blanc) »

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Faucheuse, démo (Oscuridad En Mi Vida)

« Et la nuit tombe, sans un bruit »

L’autre jour, je feuilletais un bouquin imprimé dans les années 1970 et je scotchais sur de très belles photos noir et blanc de jeunes gens de ces années-là, un peu des images d’illustration, je ne sais pas comment on appelle ça, mais avec une belle âme. On y voit des ados, les cheveux mi longs, Clarks aux pieds, avec des treillis mal foutus et des jeans à peu près pattes d’eph. Ils sont assis sur des mobylettes et se marrent. Ça m’a vachement touché,  pas de façon nostalgique, parce que je ne suis pas de cette génération, mais il y avait une sorte d’immédiateté, disons pour aller vite que je n’ai pas l’impression qu’ils avaient conscience d’être photographiés, il n’y avait pas de poses. Ils étaient juste là. En ajoutant un petit poignet à clous à l’affaire, c’est ce truc très électrique et direct que j’ai entendu dans la cassette de Faucheuse, un groupe bordelais qui envoie et qui concasse le punk, le métal et des trucs extrêmes dont je ne connais pas le nom, avec cette meuf (une certaine E.B.) qui chante à fond les ballons. Continuer la lecture de « Faucheuse, démo (Oscuridad En Mi Vida) »

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Guy Cabay, Cabaycédaire (Tricatel)

On connaît les capacités impressionnantes du monde de la musique à recycler : d’un pensionnaire discret plutôt habitué au bac à soldes dans son pays, la Belgique (dixit des habitants tout à fait renseignés), le label Tricatel, terrassé par un coup de foudre, a mis tout son pouvoir pour donner une nouvelle vie à des chansons enregistrées dans les années 70 par Guy Cabay. Et on peut les remercier parce qu’on a le même coup de foudre. Continuer la lecture de « Guy Cabay, Cabaycédaire (Tricatel) »

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Objets du délit #3 : Don Idiot, Cléa Vincent & Les Percussions de la Montagne Verte

Période estivale un peu trempée ici dans le Grand Est, parfaite pour remettre un peu d’ordre dans les étagères (= faire de la place pour les nouveaux entrants arrivés comme une pluie de mousson dans la boîte aux lettres). Continuer la lecture de « Objets du délit #3 : Don Idiot, Cléa Vincent & Les Percussions de la Montagne Verte »

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The Lilac Time, Dance Till All The Stars Come Down (Poetica)

Note de la rédaction : Nos chroniqueurs ont oublié de se coordonner pendant leur sieste du 15 août, nous avons donc aujourd’hui deux avis sur le même disque.

Dans une sorte de pèlerinage distant, on est retourné cet été au Rough Trade East, un peu méfiant. Dans ce magasin très grand qu’on avait connu (en fait non, on allait toujours à celui de Portobello) un peu plus sauvage, les bacs étaient emplis de vinyles. Sur le mur du Staff Pick, on repérait la pochette intemporelle de Dance Till All The Stars Come Down, mi-surpris, mi-interrogateur. Un nouveau Lilac Time, chouette, mais oui. En 2023. Des nouvelles de Stephen Duffy, on ne dit jamais non. On ne dit jamais non à nos héros de nos jeunes années créationnistes, le label pas la religion : c’est comme ça, ils sont en nous pour toujours, Peter Astor, Lawrence Hayward, Nick Currie… qui continuent de défier le temps. Continuer la lecture de « The Lilac Time, Dance Till All The Stars Come Down (Poetica) »

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Sensibles, une histoire du R&B français, de Rhoda Tchokokam (Audimat)

C’est peu à peu que se construit un corpus autour de l’histoire des musiques francophones. Nation de critiques plus ou moins prestigieuses, les communautés journalistiques  se sont souvent concentrées à passer aux cribles les musiques du monde, et plus particulièrement anglo-saxonnes. On pourrait dire que s’est amorcé un petit retour de manivelle vers les histoires intérieures – même si on verra qu’elles réinterrogent constamment quelque part les notions de frontières, et on en est pour le moins heureux, il n’est pas question ici de cocoricoter, que ce soit dit une bonne fois pour toutes – qui racontent notre quotidien musical, notre environnement sonore – depuis disons les années 60 et l’avènement du rock’n’roll. Continuer la lecture de « Sensibles, une histoire du R&B français, de Rhoda Tchokokam (Audimat) »