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Jenny Hval, The Practice of Love (Sacred Bones)

Jenny HvalJ’avais laissé Jenny Hval, écrivaine et compositrice norvégienne de 39 ans, dans un rêve. C’était lors de son EP tout en digressions et reflets The Long Sleep. Projet tout à fait conscientisé de s’adresser au corps de son auditeur, Hval y théorisait un flux de sensations et de mots pour détruire les codes du capitalisme numérique – son sujet était alors de déjouer les cadres du streaming. Revenue de cette expérience à même le rêve, la Norvégienne propose cette fois-ci un album qui n’a rien de digressif. The Long Sleep était un objet accueillant et relativement simple d’accès considérant le reste de la discographie de la compositrice, The Practice of Love sorti chez Sacred Bones, confirme et accentue cette orientation. Continuer la lecture de « Jenny Hval, The Practice of Love (Sacred Bones) »

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Hibou, Halve (Barsuk Records)

Hibou HalveS’il ne s’agit pas de reprendre toute une dialectique opposant l’inconséquent à l’important, laissez-moi toutefois en dire deux mots. Polarisés depuis quelques années autour de disques intello et glitchy, les maîtres du bon goût américains nous ont appris à nous intéresser entre une ou deux heures aux artistes qui, selon les formules, révolutionnent la pop, l’emmènent là où elle n’avait jamais été, métabolisent la culture etc. Ce sont des disques importants et j’opine dans les dîners. « Ah oui Yves Tumor, Billie Eilish, passionnants, oui. »

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Mixtape Section26 #3 : Caio Falcão

Caio Falcão

Il y a une poignée de semaines, nous témoignions de notre enthousiasme pour le projet du pauliste Caio Falcão. Vulgar, son deuxième album chez Selo Risco, nous offrait une randonnée dans les embranchements multiples des musiques nordestines. Le jeune homme, lourd d’un folklorique bagage musical, parvient à son rythme appliqué à faire embrasser ses fantômes tropicaux d’un autre siècle aux modes de son âge. Cet été, il offre à Section26 son ombre en héritage : à travers une mixtape, il remonte le fil de ses influences comme on va de Macapa à Itaituba. Avec Timbalada, Comadre Fulozinha et Gilberto Gil, on retrouve les amours premiers de l’axé et ses percussions sur lesquelles le garçon se montre incollable. Naturellement, le conte brésilien qu’il compose se termine par Caetano Veloso, figure tutélaire dont il est difficile de l’éloigner. Complétement lusophone et tutoyant le folklore de près, la petite dizaine de pistes laisse imaginer la solidité et la fertilité des racines sur lesquelles il pose sa pop. Un attachement aux A.O.C. musicales à qui coupe court aux atermoiements déracinés et mondialisés d’une pop en quête de streams.

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Retour en disgrâce

John William Waterhouse – The Remorse of Nero After the Murder of His Mother (1878)

Dans une lointaine Europe, la damnatio memorae votée par le sénat romain sous l’effet des époques et des rancœurs, déclenchait l’effacement d’une personnalité publique via démolition de son patrimoine culturel. La plus spectaculaire, et éloquente sanction de la damnatio est incontestablement le renversement des statues qui leur furent dédiées.

En terre contemporaine, un certain nouveau monde du Juste s’élève loin de Rome : nos zélés cousins américains l’appellent cancel-culture. Cette culture a désormais son rite de l’annulation : annuler une carrière, une existence (numérique de préférence), une voix, renverser une statue. En français l’annulation, c’est l’effet qui n’opère plus, c’est la force contraire qui rend inopérante la force première, c’est la chanson qui ne couvre plus le bruit ambiant. Continuer la lecture de « Retour en disgrâce »

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Caio Falcão, Vulgar (Selo Risco)

Caio FalcãoÀ cause des beaux jours qui se sont attardés en région parisienne, j’observe tous les disques qui m’accompagnent avec suspicion. Que deviendront-ils les jours de grisaille revenus ? S’il existe d’excellentes références que l’on ne saurait écouter un jour de canicule, – et inversement – lorsque je pense aux musiques qui me saisissent dans l’allégresse d’un air trop chaud, je suis le plus méfiant des auditeurs. Les beaux jours ne portent-t-ils pas la saison maudite de la pop ? Continuer la lecture de « Caio Falcão, Vulgar (Selo Risco) »

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Cate Le Bon, Reward (Mexican Summer / Modulor)

De toutes les belles lignes qui frappent durant Reward, « solitude is wrinkles in the dirt » (la solitude est les replis dans la saleté), est celle qui vient soudain tendre l’air à l’écoute de ce nouvel album de Cate Le Bon. Je me souviens d’un passage dIdiotie dans lequel Pierre Guyotat racontait avoir pris conscience de sa puissance poétique en tentant de « rafraîchir l’air à la faveur des mots » : à mes oreilles, « solitude is wrinkles in the dirt », ça jette un froid. Du froid, il y en a pourtant peu dans ce Reward qui curieusement débute à Miami – quand bien même il n’y fut ni écrit, ni enregistré, bien au contraire – dans une luxuriante entrée au matière. Une fois les arrangements, et leur discrète étrangeté, installées, la chanteuse galloise joue du dispositif : il n’est question de la Floride qu’à l’arrivée du refrain, les couplets eux glissent l’auditeur dans un état rêveur et déconcertant qui ne s’approfondira que davantage. « Move with me » intime-t-elle lors de son introduction en territoire du rêve. Continuer la lecture de « Cate Le Bon, Reward (Mexican Summer / Modulor) »