The Wild Kindness – Joseph Ponthus, Bill Callahan, Will Oldham & Cassie Berman, François Truffaut

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Pok Pok
Pok Pok / Photo : Facebook Joseph Ponthus

J’ai reconnu, tout de suite, dans ton regard bleu – le tourment. Ça brûle, parfois, ce type de regard, cela reste. Et je ne l’oublierai jamais. Tu es donc parti. Aujourd’hui, je me suis baladé au bord de la mer, en Bretagne. Certains oiseaux commencent leur migration, la marée amène ses couleurs mélancoliques – gris ardoise, bleu roi, vert d’eau, beige lessivé et autre corail. Ici, il y a des arbres remarquables, pluri-centenaire, qui nous rappellent que nous ne sommes que de passage. Mais c’est trop violent cette brièveté Joseph, vraiment.

J’ai cru voir une silhouette à rallonge au loin, grande comme toi, grande comme ton cœur et ton rire. Mais c’était seulement, l’ombre de mon chagrin Joseph. J’ai pensé à Lisa Balavoine et Lisa a écrit :

« Ce jour où tu m’as téléphoné
Il y a plus de deux ans déjà
J’étais dans mon bain je me souviens
Tu avais lu mon livre
J’avais lu le tien
Je l’avais tellement aimé
On avait parlé de Portishead
Noir Désir Miossec Joy Division
Tu m’avais invitée à la remise de ton prix RTL – Lire
Tu disais à tout le monde « il faut lire le livre de Lisa »
Toi tu brillais et tu t’en fichais de tout ce cinéma
Les blablas des mondains
Le petit faux microcosme littéraire
Je t’avais envoyé le journal que j’avais écrit à la mort de ma mère
Et tu m’avais dit que c’était beau
Qu’il fallait que j’aille vers ça, cet intime là, même si d’autres ne le comprennent pas
Tu m’appelais parfois, comme ça pour rien, pour prendre des nouvelles, pour me dire que tu voulais me lire
Tu avais acheté mon second livre
Tu m’avais envoyé une photo où Pok-Pok le tenait entre ses pattes
Je t’ai interviewé pour parler de musique en septembre
Je t’ai dit que j’avais un amoureux et tu m’as répondu que sans l’amour on n’écrirait rien
Et puis tu es tombé malade
Je t’écrivais et tu me disais
Ça ira, je me bats
Ça ira, ma femme est près de moi
J’ai cru que ça irait
Parce que quel sens ça a
Un monde sans des gens comme toi
Je te serre dans mes bras
Toi qui étais si grand, vraiment,
Où que tu sois le vent te portera. »

J’étais déjà vieux, moi, face à ta candeur, à ton allure de gosse qui imagine chaque pièce d’un carrousel vide.

Relire encore ta poésie, À La Ligne. Relire ton livre, encore. On avait fait un jeu, entre deux verres de Quincy. Imaginer à quoi ressemblerait notre chance. Tu m’avais répondu: « À un accord désaccordé des Pixies. ». Moi, elle ressemble à une jeune veuve qui endort son prie-Dieu entre de beaux seins en forme de poire. Je hais, aujourd’hui, cet accord trop court des Pixies. Les hommages sont souvent maladroits mais tellement vrais. Il faut écouter celui de Bill Callahan, Will Oldham et Cassie Berman, reprenant The Wild Kindness. On entend des enfants chanter leur tristesse. Chanter l’absence de David Berman. C’est maladroit, c’est bouleversant. Ça va être quoi, les jours sans toi Joseph? Tu aimais Charles Trenet et Truffaut. J’ai chialé en regardant La Chambre Verte, en buvant du vin, en repensant à la Loire, son courant de paresse et nos conversations. Ça va être quoi les jours sans toi ?

À La Ligne de Joseph Ponthus Editions La Table RondeÀ La Ligne de Joseph Ponthus (Editions La Table Ronde / Folio)
The Wild Kindness par Bill Callahan, Will Oldham et Cassie Berman (Drag City)The Wild Kindness par Bill Callahan, Will Oldham et Cassie Berman (Drag City)
La Chambre verte TruffautLa Chambre verte de François Truffaut (1978)

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