Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , , ,

Gilles Poizat, Trouvé Perdu (La République des Granges / Carton Records)

« La première fois que je vous ai vue,
je me suis trouvé, je me suis trouvé,
et perdu, et perdu, et perdu » 

Quand la musique tient à une sorte de révélation, ou disons qu’elle se révèle sans besoin d’autre chose que d’elle-même. A l’heure où l’on demande aux musiciens d’assurer leur promotion à travers une omniprésence sur les réseaux, de produire la théorie et le mode d’emploi qui vont avec leurs productions, de se construire une image si ce n’est un look (ce mot des années 80) pour se faire remarquer, que certains s’y prêtent à contrecœur ou avec beaucoup d’allant, d’autres semblent ne pas trop s’intéresser à la question. C’est le cas de Gilles Poizat qui déboule sans crier gare avec une proposition radicale, mais tout à fait amicale. Continuer la lecture de « Gilles Poizat, Trouvé Perdu (La République des Granges / Carton Records) »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , ,

Annie Ernaux : « On ne sort pas du désir dans la chanson »

Pour l’écrivaine Prix Nobel, qui présente une exposition photo à la MEP à Paris, la musique est supérieure à l’écriture, elle offre de tout revivre à l’infini.

La femme au gant par Dolorès Marat (Collection MEP)
Détail de « La femme au gant » par Dolorès Marat (Collection MEP, Paris)

« Je suis traversée par les gens, leur existence, comme une putain ».

Cette phrase, essentielle dans l’œuvre d’Annie Ernaux, est extraite du Journal du dehors (Gallimard), texte plutôt que roman, collecte de moments glanés dans les transports en commun, les supermarchés, les rues d’une ville nouvelle, Cergy-Pontoise, et publié en 1993.

C’est à partir de ce texte qu’est née l’exposition Extérieurs, que propose la MEP jusqu’au 26 mai 2024. Constituée de photographies extraites de la collection de cette maison sélectionnées par Lou Stoppard, le parcours proposé au premier étage met en relation des extraits du Journal du dehors, occupant parfois un pan entier de murs comme le ferait une œuvre plastique, et des photographies en couleur ou en noir et blanc qui n’illustrent pas les textes, mais les complètent, les questionnent, les reflètent. Continuer la lecture de « Annie Ernaux : « On ne sort pas du désir dans la chanson » »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Gwendoline, C’est à moi ça (Born Bad Records)

« Merci la Ville, je m’ennuierai plus jamais »

Un premier rendez-vous manqué :  Gwendoline est à l’affiche d’une soirée pas loin de chez moi, je m’y rends, je regarde le premier groupe puis m’enfuis pour me rendre un peu plus loin pour voir les Oi Boys enflammer la plaine des Bouchers. Peu inspiré par le patronyme des Brestois qui me rappelait juste ce film d’aventure vaguement SM et un peu guez de Just Jaeckin avec Zabou (salut la génération Starfix), j’ai préféré opter pour l’autre duo, donc. Second rendez-vous : l’hiver dernier, Gwendoline se produit à nouveau près de chez moi, et je me dis que c’est un signe, je vais rattraper le temps perdu. Enfin perdu, pas pour tout le monde, puisqu’ils ont depuis enchaîné des centaines de dates dans toute la France, se sont construit un public acquis à leur cause, et ont signé chez Born Bad, excusez du peu. J’allais voir ce que je j’allais voir. Continuer la lecture de « Gwendoline, C’est à moi ça (Born Bad Records) »

Catégories billet d’humeurÉtiquettes , , ,

Bérurier Noir : Salut à toi la BNF

Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF
Tambour de mastO décoré par l’artiste Muzo. Fonds / Collection Heuer, Tomas (a.k.a mastO) © Élie Ludwig / BnF

Les archives de deux des principaux membres de Bérurier Noir sont désormais à la BNF. Une expo en propose un petit aperçu. Celui d’une époque et du rock alternatif. Un enterrement ou héritage ?

La musique populaire, et surtout le punk , peuvent-ils rentrer dans le patrimoine de la nation ? Évidemment, d’une simple perspective chronologique (celle des cheveux blancs et des lunettes de vue), le temps de l’histoire, et de la mémoire collective, semble venue. Cependant, peut-on aborder les squats et les labels indépendants (Bondage Records, fondé au passage, entre autre, par le futur Kid Loco), comme Marc Bloch dressa le portrait complexe de ses rois thaumaturges. Ou au contraire finalement une telle entreprise s’impose désormais. Il faut après tout autant avoir lu Notre Jeunesse de Péguy que compiler la presse de l’époque pour appréhender l’impact de l’affaire Dreyfus. Alors nous savons, surtout pour ceux qui n’ont pas été de cette génération qui débarqua dans les années 80 en fuyant le rock giscardien de Téléphone, que la seule écoute sur Deezer de Macadam Massacre ne suffira pas… Continuer la lecture de « Bérurier Noir : Salut à toi la BNF »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Satellite Jockey… Plays Music ! (Another Record)

unnamed(1)

« Descend la route jusqu’au crucifix« 

Là où d’autres semblent chercher l’inspiration outre Manche / Atlantique, quitte à marier un peu de force leurs influences musicales avec notre idiome exotique – et souvent, ça fonctionne – Satellite Jockey se cherche plus dans les recoins du patrimoine européen des années 1960 à 1980 : ses intermèdes un peu space pour la télévision, des accroches de génériques pour les émissions enfantines ou des chansons oubliées de bandes originales de films chelous (ce genre). Dans une sorte de psychédélisme domestique, assagi mais pas moins rêveur, le groupe travaille les timbres en jouant sur les contrastes de leurs sonorités acoustiques / électriques / électroniques, toujours au service d’une écriture simple et efficace. Car le savoir faire de Satellite Jockey ne trouve son aboutissement que dans l’exploration de la mélodie. Ou comment garder la foi en ce territoire plus ou moins abandonné ces temps-ci au profit du rythme, de la palabre et de l’image. Continuer la lecture de « Satellite Jockey… Plays Music ! (Another Record) »

Catégories livresÉtiquettes , , ,

Alain Kan, L’enfant veuf (Séguier)

Alain Kan / Photo : DR Séguier
Alain Kan / Photo : DR Séguier

Dans la préface l’élégance de la chute, Philippe Roizès commence par ces mots, « J’ai loupé Alain Kan. ». Il n’est pas le seul. Moi aussi, j’ai loupé Alain Kan, pour une raison toute simple : j’étais beaucoup trop jeune et provincial. Pour autant, il a toujours été là, sans que je le sache vraiment, quand j’écoutais avec obsession Minuit Boulevard, l’un des chefs d’œuvre de la musique française qu’il avait coécrit avec Christophe. Je me souviens d’ailleurs d’une interview où Christophe s’était mis à parler de cet homme, disparu sans laisser de traces en 1990 – Pas vu, pas pris – et dans son regard, j’y ai perçu une tristesse qui ne s’était jamais éteinte et qui m’avait troublé. C’est ça Alain Kan, une présence, un fantôme, qui apparaît, puis disparaît, sans que l’on sache pourquoi. Continuer la lecture de « Alain Kan, L’enfant veuf (Séguier) »

Catégories borne d'écouteÉtiquettes , , ,

Mathilde rêve toute éveillée

Mathilde
Mathilde

C’est peu dire qu’on apprécie et qu’on admire depuis longtemps la capacité de Fred Fortuny à mettre ses talents de compositeur et de metteur en sons au service des voix féminines – de Valérie Leulliot à Brisa Roché, la liste est longue. Premier single issu de sa collaboration avec l’autrice-compositrice Mathilde (alias MonteRosso pour quelques titres publiés sur les compilations Kitsuné), Rêve De Gloire nous plonge d’emblée dans le son westcoast de la fin des années 1970 : une voix limpide, directe, dépourvue de ces chichis superflus qui noient trop souvent sous les effets de style la variété contemporaine, une mélodie à la fois évidente et raffinée, un arrangement pop d’esthète. Continuer la lecture de « Mathilde rêve toute éveillée »

Catégories interviewÉtiquettes , , , , ,

Thomas Jean Henri (Cabane) : « J’ai essayé de me persuader que j’étais capable d’écrire des chansons. »

Cabane / Photo : Thomas Jean Henri
Cabane / Photo : Thomas Jean Henri

On s’attendait à des échanges colorés de mélancolie, voire de tristesse. Pas forcément à ce que la cause principale soit de cet ordre. En ce vendredi 26 janvier, Thomas Jean Henri est de passage dans la capitale pour célébrer la concrétisation matérielle – longtemps incertaine et différée – du deuxième volet du triptyque Cabane. La veille, Anderlecht, son club de cœur, a perdu contre l’Union Saint-Gilloise pourtant réduite à dix et il semble en éprouver encore quelques traces de frustration désabusées. Ou de résignation sereine. Entre les deux. Passions supportrices mises à part, c’est très précisément dans cet espace interstitiel entre les émotions contrastées que se prolongent la conversation et surtout la découverte admirative de Brûlée. Les sensations éprouvées au cours des premières sessions d’écoute organisées au printemps 2023 se confirment. S’intensifient même. La délicatesse avec laquelle Thomas Jean Henri y organise le dialogue entre ses interprètes masculins et féminins ne laisse de surprendre et d’émouvoir, tout au long de ces évocations intimes et justes des résidus incertains des sentiments éphémères. Continuer la lecture de « Thomas Jean Henri (Cabane) : « J’ai essayé de me persuader que j’étais capable d’écrire des chansons. » »