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David Berman – Bonjour tristesse

David Berman
David Berman

Quel drôle de retour. Je n’y croyais pas. Je scrutais ce visage blême, ce regard rendu microscopique par des verres de correction staliniens. Un regard perdu, totalement. Il ressemblait parfois à un enfant. Pourtant, la réalité revenait vite me serrer la gorge – les cheveux gras et filasses, la silhouette bouffie, moche et terriblement émouvante, David Berman revenait ainsi. Fragile et peu apprêté. J’ai eu une sorte d’appréhension à l’écoute de l’album de Purple Mountains comme lorsque l’on serre contre soi un ami que l’on a plus vu durant dix ans et avec qui on s’était fâché. Pudeur, gêne et admiration. Et ce foutu temps qui passe. All my happiness is gone. C’était pas pour la pause ce titre, c’était du sérieux. Continuer la lecture de « David Berman – Bonjour tristesse »

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Versing, 10000 (Hardly Art)

VersingLe leader de The Blank Tapes, Matt Adams, évoquait l’an dernier en interview l’influence de la perpétuelle chaleur californienne sur sa musique et supposait, chez les artistes, une sensibilité particulière aux conditions météorologiques. A sa solaire Cité des Anges il opposait un autre berceau musical de la côte Ouest… : « A Seattle ils ont la scène grunge. Tout le monde baigne dans cette atmosphère pluvieuse, lugubre, et je pense que cela se reflète dans leur musique, qui exprime des émotions différentes. » Ce n’est pas aujourd’hui que l’on infirmera la théorie : le vacarme de Versing annonce l’orage.

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Neil Young, On The Beach (WEA)

Les chroniques anniversaire de l’été

neil young on the beachQuand on sait quelle préparation narcotique a présidé à la conception de On The Beach, on se pose beaucoup moins de questions. Neil Young vient de finir l’enregistrement de Tonight’s The Night, un grand disque de deuil, dans un climat de chaos permanent. Il est en train de perdre sa femme, l’actrice Carrie Snodgress, à la suite d’une tournée où aucun excès ne fut oublié. Bref, tout va pour le mieux. Sa consommation de Tequila est telle que certaines mauvaises langues prétendent que le nouveau membre de Crazy Horse s’appelle José Cuervo. Derrière ce surnom, se cache un personnage à l’aura sinistre, Rusty Kershaw, engagé pour ses talents de violoniste et de joueur de pedal steel guitar, qui donne le ton des sessions, préparant une friandise à base d’herbe et de miel dont tous les protagonistes abuseront. Continuer la lecture de « Neil Young, On The Beach (WEA) »

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Belkacem Meziane, On The One !, L’Histoire du Funk en 100 Albums (Le Mot et le Reste)

On the One ! L’Histoire du Funk en 100 Albumsde Belkacem Meziane, complète les ouvrages de l’éditeur français Le Mot et le Reste consacré aux anthologies à des genres particuliers. La structure a ainsi déjà publié des écrits, d’une approche similaire, consacrés à l’indie-pop (Indie Pop 1979-1997 de Jean-Marie Pottier), à l’easy listening (Easy Listening, Exotica et autres Musiques Légères d’Erwann Pacaud), à la techno (Techno 100 de Jean-Yves Leloup) ou encore la soul (Move On Up, la Soul en 100 disques de Nicolas Rogès). Les livres de cette série comportent ainsi généralement un essai d’une quarantaine de pages suivi d’une sélection de 100 disques avec chaque fois des pistes complémentaires pour aller plus loin. Si l’expertise ou la finesse d’écriture de certains auteurs font la différence, il faut cependant noter la qualité et la pédagogie constante de ces ouvrages. Continuer la lecture de « Belkacem Meziane, On The One !, L’Histoire du Funk en 100 Albums (Le Mot et le Reste) »

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Retour en disgrâce

John William Waterhouse – The Remorse of Nero After the Murder of His Mother (1878)

Dans une lointaine Europe, la damnatio memorae votée par le sénat romain sous l’effet des époques et des rancœurs, déclenchait l’effacement d’une personnalité publique via démolition de son patrimoine culturel. La plus spectaculaire, et éloquente sanction de la damnatio est incontestablement le renversement des statues qui leur furent dédiées.

En terre contemporaine, un certain nouveau monde du Juste s’élève loin de Rome : nos zélés cousins américains l’appellent cancel-culture. Cette culture a désormais son rite de l’annulation : annuler une carrière, une existence (numérique de préférence), une voix, renverser une statue. En français l’annulation, c’est l’effet qui n’opère plus, c’est la force contraire qui rend inopérante la force première, c’est la chanson qui ne couvre plus le bruit ambiant. Continuer la lecture de « Retour en disgrâce »

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Purple Mountains, Purple Mountains (Drag City/ Modulor)

On ne pourra pas dire qu’il ne nous a pas prévenu. Pour son retour après dix années d’absence, David Berman a balancé un titre sous forme de profession de foi abandonnée, All My Happiness Is Gone. On regrettera simplement que l’intro dudit scopitone soit absente du disque final, car elle avait une texture d’abandon et de tristesse dont seuls les soixante treize fans des Supreme Dicks (moi inclus) ont du saisir la vraie teneur, l’enchainement avec le morceau (un futur classique à n’en point douter, je me trompe rarement) arrangeant d’ailleurs tout le monde et tout cela dans une belle harmonie disjointe et avec une nappe de synthé new wave pas si incongrue. Continuer la lecture de « Purple Mountains, Purple Mountains (Drag City/ Modulor) »

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The Lunar Laugh, Goodnight Noises Everywhere (Kool Kat Musik/You Are The Cosmos)

Est-ce pour mieux s’aligner sur les festivités musicales institutionnalisées dans nos contrées ou, plus vraisemblablement, sur la survenue des premières chaleurs estivales ? Toujours est-il que la publication de ce troisième album de The Lunar Laugh le 21 juin dernier semble correspondre à la perfection avec le solstice de saison. Contrairement à ce que suggère son patronyme nocturne – emprunté, pour l’anecdote érudite, aux péroraisons astrologiques de l’album Cosmic Sounds de The Zodiac (1967)-  le quatuor d’Oklahoma City propose en effet une réinterprétation résolument radieuse d’une tradition musicale dont les sources principales demeurent ancrées dans les années 1970. Continuer la lecture de « The Lunar Laugh, Goodnight Noises Everywhere (Kool Kat Musik/You Are The Cosmos) »

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The Midnight Hour – L’heure bleue

Adrian Younge and Ali Shaheed Muhammad - The Midnight Hour
Adrian Younge and Ali Shaheed Muhammad – The Midnight Hour / Linear Labs

The Midnight Hour ou la rencontre de deux producteurs, Adrian Younge et Ali Shaheed Muhammad. Le premier, un analogue freak, fan de bon vieux psyché et de soul, dont les productions vont de la bande originale de Black Dynamite, film hommage à la Blaxploitation, aux derniers albums de Ghostface Killah. Le second, Ali Shaheed ou « Mr Mohammad », membre fondateur du groupe légendaire A Tribe Called Quest, mais aussi The Ummah (avec J Dilla & Q-Tip) ou encore Lucy Pearl (avec Raphael Saadiq et Dawn Robinson). Ses productions innovantes ont révolutionné le son hip-hop et ont influencé bon nombre d’artistes tels que D’Angelo, Erykah Badu, Yasiin Bey, The Roots ou bien Pharrell.
The Midnight Hour c’est une déclaration musicale, culturelle et politique mettant à l’honneur la musique noire américaine. Un voyage à travers la soul, le jazz et le hip-hop. Un album qui aurait pu être samplé par tous les groupes et artistes de l’âge d’or du hip-hop. Un album fait de classiques instantanés réunissant entre autres Cee Lo Green, Laetitia Sadier, Questlove
Rencontre avec Adrian Younge et Ali Shaheed à Manchester, lors du dernier concert de leur tournée européenne. Continuer la lecture de « The Midnight Hour – L’heure bleue »