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Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984)

If it be your will.
« Si telle est ta volonté. »

C’est ainsi que Leonard Cohen conclut la difficile deuxième période de sa carrière dite « des désamours », qui a succédé à la lune de miel entre le poète et son public, à sa bohème élégante mais sincère, inattaquable géographiquement — le Chelsea Hotel et Hydra avant l’arrivée de l’électricité sur l’île, qui dit mieux ? — et artistiquement — les recueils, le roman, puis les trois premiers albums, inattaquables — trop noirs ? Inattaquables.

Ces fameux trois albums inauguraux qui captivent d’emblée l’Europe alors que ce sont ceux qui rêvent encore d’Amérique, qui deviennent des tables de la Loi, des mesures de toute chose folk, de tout arrangement – et très vite, dès Songs of Leonard Cohen, qui deviennent des prisons. Cohen lors de ses premières tournées, malgré toutes ses tentatives de sabotage — concerts sous LSD, chevaux, impréparation, empathie —, peine sous le poids des mots ravivant soir après soir les passés et les morts — père, amours, etc. —, sous le poids des attentes, sous le poids de la perfection qu’il atteint quand il fait sans essayer d’être. Un poids sous lequel Bob Dylan, d’un cuir plus solide, a déjà craqué et s’est enfui avant de réapparaître autre, tout autre. Continuer la lecture de « Leonard Cohen, Various Positions (CBS, 1984) »

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Myriam Gendron, son d’hiver

Myriam Gendron au Sonic à Lyon, vendredi 15/11/2024 / Photo : Clément Chevrier
Myriam Gendron au Sonic à Lyon, vendredi 15/11/2024 / Photo : Clément Chevrier

Nous n’avions que les disques.

Et souvent nous ne parlons que des disques, à Section26 : ils sont des occasions mécaniques de voir ce qui apparaît, d’entendre ce qui se tait à volonté, dès lors que l’on dispose d’écouteurs ou de haut-parleurs à soi, et de l’air pour faire vibrer des tympans jusqu’à la moelle, jusqu’à la chair. Les disques : mobiles, palpables et pourtant sans limites, détachés du lieu comme de l’espace.

Et rarement nous parlons de concerts, sinon au détour d’une ligne ou d’une humeur : toujours déjà passés et donc absents, ou toujours à venir et donc hypothèses. Aucun rendez-vous ne dure comme un disque – les mémoires nous amusent, nous séduisent autant qu’elles nous piègent. Revenir au souvenir d’un concert, c’est la certitude d’une absence, quand revenir à un disque chéri recouvre cette même absence d’une illusion rassurante, l’illusion de toucher son être et mon être.

Pourtant, je crois que je les aime, les mémoires, surtout enfuies et qui reviennent, qui nous reprennent. Continuer la lecture de « Myriam Gendron, son d’hiver »

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Myriam Gendron, Mayday (Feeding Tube Records / Thrill Jockey)

Ce qui fut : I – Le Magicien

« Je ne sais pas moi, j’improvise », me souffle-t-on dans l’oreille et à propos de tout autre chose.

Pas de plan mais une carte, les éléments et les suites au grand jour mais sans explication. Seulement de la magie, deux albums inattendus et pas tant inouïs que : actifs. Not So Deep as a Well, avec les mots rendus de Dorothy Parker, Ma délire – Songs of Love, Lost and Found, avec les siens de mots, Myriam Gendron, et d’autres. Deux disques qui retournent les cœurs les plus usés, leur inoculent une joie et une espérance, transmutent par une musique qui semble toujours avoir été là, cachée sous les yeux. Un chemin débroussaillé, catalogue des possibles, que nous habitons. Leçons et savoirs ancestraux, ça fouille, remue ; si folk veut dire quelque chose, ça veut dire cela, enregistré en chambre ou en compagnie, acoustique ou électrique, une idée du monde et de sa transmission. La Grande Prêtresse toque doucement à la porte, lever de lune, l’obscurité transperce après-midi comme matin. Continuer la lecture de « Myriam Gendron, Mayday (Feeding Tube Records / Thrill Jockey) »

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Selectorama : Corridor

Corridor
Corridor / Photo : DR

Le temps passe si vite, semble nous dire Jonathan Robert et les musiciens du groupe montréalais Corridor Dominic Berthiaume, Julian Perreault, Julien Bakvis, et leur complice de concerts Samuel Gougoux. Mourir Demain, premier single de ce quatrième album n’est pourtant pas une complainte pessimiste mais un morceau lumineux, une ode à un passage serein. Le temps passe, certes, « on vieillit, on fonde une famille, on ralentit les choses… » nous disent-ils. Mimi est un disque au spectre musical plus ouvert, qui s’émancipe de leurs débuts post punk pour explorer des terres plus mélodiques, comme si on ouvrait les fenêtres sur la nature après un temps enfermé chez soi. Avec une poésie psyché plus contemplative et assagie, Corridor s’inscrit une fois encore parmi ceux que l’on aime voir grandir. Pour célébrer la sortie de cet album à tête de chat, second du groupe signé sur l’étasunien Sub Pop (après un LP paru par chez nous), voici dix morceaux choisis avec cœur par Dominic Berthiaume. Continuer la lecture de « Selectorama : Corridor »

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Selectorama : Yan Skene

Yan Skene
Yan Skene / Photo : Lily Boult

En pleine pandémie, lassé d’entendre souvent les mêmes choses sur bandcamp, Yan Skene, une des têtes pensantes de Bleu Nuit, groupe de post-punk mélodique de Montréal en pause pour le moment, à l’envie de créer un label qui propose des sorties obscures et inclassables. C’est chose faite avec Contact Minimal Records. « Je cherche à sortir des artistes émergents de partout à travers le monde et d’offrir également des compilations d’artistes 70’s-80’s. C’est important de rendre hommage aux pionniers. »

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Yocto, Zepta Supernova (Duprince / Requiem pour un Twister)

La dernière fois que j’ai ressenti un frisson musical à l’écoute d’un groupe en provenance du Québec, c’était en 2019, quand je suis tombé par hasard sur le méchant tube de Bleu Nuit, Concentration, diffusé sur les ondes de la formidable radio locale clermontoise Le Chantier. Et c’est exactement dans les mêmes circonstances que j’en suis venu à découvrir l’existence des Montréalais de Yocto, dont le premier album Zepta Supernova, sorti ce mois-ci, s’impose comme une des très bonnes surprises de l’année 2023. Continuer la lecture de « Yocto, Zepta Supernova (Duprince / Requiem pour un Twister) »

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Vanille, La clairière (Bonbonbon)

Certaines personnes ont pour mission de remettre de la tendresse et une pincée de féerie dans nos cœurs, d’y apporter un rayon de lumière pour sortir des bois sombres et touffus. La clairière, deuxième album de l’autrice-compositrice-interprète canadienne Rachel Leblanc, connue sous son nom de scène Vanille, embarque des balades pop-folk aux airs faussement simplistes et désinvoltes. Ce deuxième album, signé avec le label indépendant Montréalais Bonbonbon, ne se prive pas de mélancolie et aborde discrètement des sujets teintés d’amertume tels que ceux de l’oubli et de la rupture amoureuse. Connue pour des chansons rock indé adulescentes, Vanille offre ici un disque mature où se côtoient folk sixties façon Shirley Collins, Vashti Bunyan ou Bridget St John et certains accords pop-rock qui ne sont pas sans rappeler les débuts de Lush, période Sweetness and light ou Etheriel. Continuer la lecture de « Vanille, La clairière (Bonbonbon) »

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Selectorama : Deliluh

Deliluh
Deliluh

Nous ne vous avions jamais parlé de ce groupe devenu duo originaire de Toronto et expatrié en Europe, et c’est bien dommage car leur musique âpre et pessimiste colle complètement à notre époque. Post quoi, exactement ? Kyle Knapp et Julius Pedersen ne cherchent pas trop à ce qu’on les catégorise, et c’est tant mieux. Flaut Lines, le troisième album de Deliluh libère des atmosphères pesantes, où les notes psyché s’écrasent dans un décor industriel. En attendant de les voir vendredi 27 à Mains d’Œuvres sur la scène du Mofo 2023, voici quelques-unes de leurs influences, puisant autant dans le film noir que les musiques rares et prégnantes. Continuer la lecture de « Selectorama : Deliluh »