Une orbite incertaine, une périodicité fluctuante : à l’instar de certaines comètes, Olivier Albert Brion laisse irrégulièrement entrevoir quelques-unes de ces lueurs pop fulgurantes dont il semble détenir le secret. Des apparitions aussi rares que précieuses qui s’étendent désormais sur quatre décennies. Dorian Gray, The Yachines, Discover, OHIO ou nom de baptême : les appellations changent et le contexte aussi. Cela n’a que peu d’importance puisque c’est toujours ce même sens de la mélodie nostalgique qui irradie, cette expression unique, francophone et anglophile, où les terres à fantasmes anglo-saxonnes servent souvent de toiles de fond aux projections d’un imaginaire singulier et intime. Autant dire que le retour discret et tardif d’Olivier Albert Brion dans les ultimes semaines de l’année révolue est apparu comme un événement digne de considération : un nouveau projet décliné sous forme de triptyque. Vingt et un morceaux publiés au fil de trois Ep’s numériques de vingt-et-une minutes chacun pour ponctuer la fin de l’année 2021 –Potomac, Maryland et Lady Bird. Il y a du Felt, bien sûr, dans ce petit jeu de la numérologie obsessionnelle et ça n’est évidemment pas pour nous déplaire. En attendant les publications à venir et une évocation plus complète de ce qui pourrait bien devenir l’un des meilleurs albums de 2022, le principal intéressé s’est prêté de bonne grâce à l’exercice du Selectorama.
01. Simon & Garfunkel, Bookends
C’est une chanson de deux minutes et j’aime bien les chansons courtes, souvent. C’est une chanson très simple, construite sur deux accords et, pourtant, elle est absolument parfaite. C’est aussi un texte qui me tient à cœur, sur le souvenir de l’innocence. Et sa perte aussi. Tout l’album est fantastique : c’est un disque qui a mon âge et qui n’a pas vieilli.
02. Kings Of Convenience, Rocky Trail
Il y a évidemment un lien avec le morceau précédent. J’adore ce son très chaleureux. C’est un groupe que j’aimais beaucoup dans les années 2000 et qui avait un peu disparu. Quand j’ai découvert ce titre, j’ai vraiment eu l’impression de les retrouver là où je les avais quittés. On retrouve des vieux copains et c’est vraiment très agréable.
03. The Beach Boys, Forever
Sunflower est un de mes disques préférés et qui est justement ressorti cette année, avec Surf’s Up que j’aime aussi beaucoup. J’ai choisi une chanson de Dennis Wilson qui est longtemps resté dans l’ombre de son frère aîné et qui mérite davantage de considération. Les harmonies sont géniales, évidemment. Il y a ce côté à la fois mélodique et mélancolique que j’apprécie particulièrement dans la musique.
04. Chet Baker, I Fall In Love Too Easily
On va encore plus loin dans les vieilleries. Pour moi, Chet Baker est le chanteur ultime, celui que je préfère. C’est du jazz mais avec un côté pop aussi. Sa voix, son look, sa vie : tout est incroyable. C’est une des premières pop star en fait.
05. Billie Eilish, Happier Than Ever
Ce n’est sans doute pas très original mais Bille Eilish fait partie des artistes plus récents que j’ai découverts par l’intermédiaire de mes enfants. Au-delà du côté hype et un peu clinquant, il y a un vrai truc artistique quand même.
06. Sufjan Stevens & Angelo De Augustine, (This Is) The Thing
C’est un mec que j’aime énormément depuis très longtemps. Encore un qui écrit des chansons un peu tristes, évidemment. Le dernier album est vraiment bien, même si j’aurais pu choisir beaucoup d’autres titres. J’adore ce son, très lo-fi.
07. Mark Eitzel, The Last Ten Years
Un titre qui me parle forcément, puisque ça faisait dix ans que je n’avais quasiment rien publié. En plus, c’est une chanson qui sonne un peu comme une réunion improbable entre American Music Club et Prefab Sprout.
08. Rhye, The Fall
J’aime beaucoup le clip et la mélodie. C’est une chanson que j’ai souvent écoutée sur mon vélo. J’essaie de pédaler régulièrement – même si c’est un peu plus difficile en hiver ! – et j’ai associé ces balades avec mon goût pour la musique plus électronique : la combinaison des deux fonctionne assez bien pour moi.
09. The Smashing Pumpkins, 1979
J’ai choisi cette chanson ultra-classique mais pour parler d’autre chose, en fait. J’ai découvert cette gamine anglaise d’origine philippine qui s’appelle Beabadoobee. Elle a enregistré cette chanson qui s’appelle She Plays Bass il y a un ou deux ans et qui m’a fait penser à 1979. Ça m’épate qu’une jeune femme de dix-huit ans puisse composer une musique aussi proche de ce qu’on faisait il y a trente ans. J’aime bien entendre ces échos entre les générations.
10. Princess Nokia, Soul Train
Un titre récent mais, en fait, c’est un remix de Lowdown de Boz Scaggs que j’écoutais à l’époque où j’allais encore au lycée. J’aime bien cette musique pop, West Coast, un peu funky des années 1970 et 1980. Et ça m’impressionne aussi d’entendre ces très jeunes musiciennes qui revisitent à leur manière cette histoire assez ancienne mais qui est aussi un peu la leur.
