Catégories interviewÉtiquettes , , , ,

Paul Collins (The Nerves, The Beat) : « Les gens nous prenaient pour des extra-terrestres »

Paul Collins période The Nerves / Photo de presse
Paul Collins période The Nerves / Photo de presse

Le roi de la power-pop. C’est à la fois le titre d’un album – King Of Power Pop! (2010) donc – et, surtout, un statut chèrement conquis et désormais difficilement contestable. En quelques années décisives – moins de dix en réalité – Paul Collins a contribué, davantage encore que la plupart de ses potentiels concurrents au trône, à façonner les contours parfaitement dessinés d’une musique vive, mélodique et indémodable. A rebours à peu près complet de toutes les tendances d’une époque où dominaient encore les digressions musicales complaisantes. D’abord avec The Nerves : en compagnie de Jack Lee – disparu il y a tout juste deux ans – et Peter Case, il a enregistré et publié en toute indépendance quatre des titres les plus importants de l’histoire. Ensuite avec The Beat, dont le premier – et, en grande partie, le deuxième – album demeure un des jalons les plus parfaits d’un rock classique et épuré, à la fois moderne et profondément ancré dans l’histoire des décennies qui l’ont précédé. A l’occasion d’une série de concerts entièrement consacrés à cet héritage majeur, il a consenti à partager quelques souvenirs des batailles passées. Continuer la lecture de « Paul Collins (The Nerves, The Beat) : « Les gens nous prenaient pour des extra-terrestres » »

Catégories selectoramaÉtiquettes , ,

Selectorama : New Trad Fest

New Trad Fest 2 à Saint-Aignan-sur-Cher
New Trad Fest 2 à Saint-Aignan-sur-Cher
Il y a quelques semaines, on avait choisi de mettre en avant un petit festival à Paris, Rage Sacrée à Petit Bain, qui explorait la puissance immersive des musiques expérimentales associées aux instruments folk et traditionnels. Ce week-end, il faudra prendre la direction de Saint-Aignan-sur-Cher (41) pour explorer un peu plus encore cette idée. La deuxième édition du New Trad Fest promet des échanges toujours plus périlleux, à base de (comme ils disent, et on ne trouverait pas mieux) : bals trads déchaînés, gallois gothique sur rock folklorique, chants occitans sur samples indus, ciné-concert en terres volcaniques auvergnates, biniou sur synthé analogique, proto-techno médiévale, électronique harsh bombarde… Ce sont les associations La Berge (Arthur et Margot), Zamzamrec (Héloise et Olmo) et Mediator qui une fois encore ont concocté une programmation à laquelle il faudra prêter autant de curiosité – pour tout dire, et avec la plus grande humilité, peu d’artistes identifiés par la rédaction – que de lâcher-prise. Pour éclaircir nos chandelles, on a demandé à l’équipe de nous placer quelques pierres blanches pour nous guider sur le chemin du Cher.

Continuer la lecture de « Selectorama : New Trad Fest »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni)

Perdu comme un kiwi /
sans étiquette à lui /
le mystère restera entier

On s’amuse bien à Bruxelles, tandis que la métropole sombre parfois dans une tristesse profonde, un sérieux de bon aloi, ou une retenue timide, Alek et Maï (elles sont sans doute plusieurs dans sa tête) mettent le feu dans leur cave transformée pour l’occasion en cabaret de tous les essais : le duo s’amuse bien avec la matière musicale, posant de petits moyens (les synthés sont réglés sur les presets) pour les transcender allègrement dans un mélange un peu camp, un peu kitsch de variété décomplexée. Si ça sonne 80, c’est plus justement dans l’économie des arrangements faussement idiots que dans la volonté de se réincarner dans un passéisme rigolo et disco. Continuer la lecture de « Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni) »

Catégories mardi oldieÉtiquettes , , , , ,

Ida, Will You Find Me (Tiger Style, 2000 – rééd. Numero Group)

Ida, Will You Find Me Numero GroupLa quête obstinée de la beauté dans les marges. C’est le fil conducteur du travail d’archivage méticuleux conduit depuis plusieurs décennies par Numero Group et qui postule de manière plus ou moins implicite une égale dignité – non pas une valeur identique, c’est autre chose – de toutes les œuvres, y compris les plus négligées ou les plus apparemment mineures. Qu’il s’agisse de restaurer le catalogue d’un label R’n’B de troisième zone avec la même minutie respectueuse que l’on devrait à des bandes inédites exhumées des caves de chez Motown – les dizaines de volume de la collection Eccentric Soul – ou de traiter les plus obscurs des pressages privés rescapés des greniers des songwriters amateurs du début des années 1970 à l’égal du Blue (1971) de Joni Mitchell – la série des compilations Wayfaring Strangers : il y a à la fois quelque chose d’attachant et d’un peu agaçant dans cette conduite éditoriale où le ce souci permanent de l’exhaustivité semble l’emporter sur la nécessité du choix franc et tranché, dans cette volonté de compléter l’histoire des sous-cultures locales dans leurs moindres détails, sans prétendre forcément à la réécrire à partir d’un point de vue esthétique sélectif et clairement assumé. Parfois, les méandres labyrinthiques de ces rééditions sont trop tortueux pour qu’on éprouve l’envie de s’y perdre : après tout, pour qui n’a pas vocation à l’écoute savante ou documentaire, le temps d’exploration des détails secondaires et des notes de bas de page de l’histoire n’est pas extensible à l’infini.  Mais, il arrive aussi que ce refus de principe de toute sélection préalable trop rigoureuse magnifie l’écoute et les redécouvertes. Continuer la lecture de « Ida, Will You Find Me (Tiger Style, 2000 – rééd. Numero Group) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio)

Quand on essayait de rattraper le temps perdu, un ami bien informé nous mit sur la piste d’un groupe peu cité, auteur de plusieurs essais dont un album dans les années 2010, perdus depuis dans le limbes des musiques d’ici. Il s’agissait d’une œuvre sombre, mêlant musique électronique très maîtrisée et chant en français, sans qu’on puisse parler de synthpop, d’electroclash, ces choses qui souvent fâchent. Plutôt une musique d’espace technophile – sans qu’on sache si c’était rétromaniaque ou futuriste, pile entre les deux peut-être, le présent – avec des surgissements mélodiques et poétiques noires et déterminées comme l’âme sans doute de leurs auteurs. C’était ça, Night Riders (et son super album Future Noir), un disque qu’on ne pose pas sur la platine pour s’amuser mais plutôt pour un voyage intérieur, pour une transe intime, dans un mode recueillement plutôt intense. On ne sait pas trop si ça avait marqué les gens à l’époque, comme dit, on n’était pas vraiment là – et on le regrette – à part cet ami précieux qui savait, mais les disques du trio acquis depuis ne nous quittent plus. Continuer la lecture de « Charlotte Leclerc, Moiré (Delodio) »

Catégories borne d'écoute

L’envol cosmique de Tänzmachine II

Tänzmachine II / Photo : Herzfeld
Tänzmachine II / Photo : Herzfeld

Chez Herzfeld, qui fêtera bientôt ses 20 ans, après avoir longtemps tracé un chemin folk donnant vers le Grand Est, on aime désormais aussi jouer avec les concepts et les genres établis. Récréation jonglait avec les références comme des classiques jetés en l’air, juste pour voir le bruit qu’ils feraient en retombant par terre. Tänzmachine II s’est formé sur l’idée d’une compilation de groupes fictifs, abandonnée en 2022. Revoici le duo désormais incarné par Léo H. Godot (Ex-Sinaïve, Récréation) à la musique et Marie Lagabbe (Récréation) au chant, avec un petit tour de piste d’Olivier Stula (A Second Of June, Récréation et Vaillant, bientôt de retour sur LP) à la sitare. Le résultat prend la forme d’une incroyable épopée kraut de près de 17 minutes, où l’on imaginerait bien cette voiture sur l’autoroute dans le clip prendre une envolée totalement cosmique, quittant la terre et ses pays énoncés, et célébrant funestement la fin des Nations. Message personnel à son auteur : jouez-nous cela sur scène avant de partir hanter les caves d’affinage.


Tänzmachine I par Tänzmachine II est sorti aujourd’hui en digital sur Herzfeld.

Catégories billet d’humeur

Forever Young

Pour Lola Young, la musique, c’est pour enfin s’aimer soi-même.

Lola Young
Lola Young, sur la pochette de son dernier album.

Ça a commencé avec elle, Messy et son refrain qui m’est rentré, ou plutôt qui s’est installé, dans ma tête, et ces mots simples que je ne pouvais pas oublier – ”Cause I’m too messy, And I’m too fucking clean » – ces mots qui cachaient une certaine mélancolie. Mais il n’y avait pas que ça. Il y avait ce truc là, dans sa voix, très anglais, très pop-ulaire, une manière de chanter qui ne s’apprend que devant le miroir de sa vie . Et puis, il y a eu les autres Messy stripped, live, sped up – qui ont fini de me rendre fou, ainsi que mon entourage – « T’as quel âge pour écouter ça ? » -. Mais alors pourquoi ai-je tant attendu avant d’écouter l’album This Wasn’t Meant for You Anyway ? Continuer la lecture de « Forever Young »

Catégories mardi oldieÉtiquettes , , , ,

Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True)

Henry Badowski Life Is A GrandOn croit parfois connaître. Un peu, sans prétention. On se résigne même à ce que, au fil des ans ou des décennies, l’exploration maniaque et quasi-exhaustive des tréfonds des tiroirs de tous les catalogues les plus obscurs de l’histoire de la pop par d’innombrables labels d’archéologues en épuise inévitablement les ressources limitées. Après tout, comment la loi implacable des rendements esthétiques décroissants ne s’appliquerait-elle pas à l’exhumation de ces supposés trésors cachés qui finissent par décevoir, de plus en plus souvent ? Et puis, un beau jour, on tombe sur la réédition d’un album entier de 1981 dont on n’avait jamais – mais vraiment jamais – entendu la moindre note, dont on ignorait jusqu’à l’existence, et dont on n’attendait pas nécessairement autre chose qu’un vague intérêt documentaire et historique sur une période qu’on pensait labourée jusqu’à la roche. Pourtant, dès la première écoute, on ressort convaincu que cette passion musicale qui continue de mobiliser une part ridiculement excessive de l’existence – et de grever, au passage, les budgets dans des (dis)proportions totalement irrationnelles – n’est pas vaine puisqu’elle a permis de dénicher un album qui – c’est certain – restera tout prêt des oreilles et du cœur pour toute la vie à venir. Life Is A Grand est de cette trempe-ci et c’est presque miraculeux. Continuer la lecture de « Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True) »