En France, les étoiles ne sont guères alignées pour les disquaires, la presse musicale, les groupes ou les labels indépendants. Le monde musical que nous connaissions n’en finit plus de s’effondrer inexorablement mais quelques bribes d’espoir surgissent ici et là. Dans l’hexagone, Born Bad (Forever Pavot, Bryan’s Magic Tears, Pleasure Principle) ou Tricatel (Guy Cabay, Chassol) continuent de sortir des disques ambitieux et à les proposer des à prix accessibles. Ces structures font presque un travail d’utilité publique en défendant la scène indépendante française tout en pratiquant des prix démocratiques (à rebours de nombreux autres labels internationaux). Le label de Bertrand Burgalat confirme l’adage avec, Speed It Up l’excellent album des (presque) nouveaux venus LORD$.
Formé de Bastien Bonnefont (Catastrophe, Underground Canopy), Jay Adams, Remi Klein et Zablon, le groupe sort un premier 45 tours chez BMM (La Récré) l’année dernière. Après une participation à la compilation Tricatel Machine, les voici donc à la réalisation de ce premier LP. Inutile de garder le suspens plus longtemps : c’est une très belle surprise. LORD$ affiche sans complexe ses influences en nommant une (excellente) chanson Billy Joel tandis qu’une autre (la très belle Josie) porte le même titre qu’un morceau de Steely Dan. Ne croyez pas pour autant que nos Français sont bloqués quelque part dans un studio de Los Angeles en 1978. Speed it Up se nourrit certes de Quincy Jones (dans le travail des harmonies vocales) et ces groupes yacht-rock satinés mais regardent aussi (et surtout) du coté d’une certaine scène jazz contemporaine, notamment Thundercat ou Louis Cole (Fantasy).
Les musiciens de LORD$ maîtrisent leur sujet et s’amusent. Ils sont percutants mais ne se prennent pas trop au sérieux. Cette aisance pourra déplaire aux ascètes de la non performance mais les autres y trouveront, au contraire, une forme d’exultation jubilatoire, fort bienvenue par les temps qui courent. Ces rythmiques escarpés et ces accords épicés offrent un véritable festival pour les sens. La machine semble parfois s’emballer dans une fureur incontrôlable (les passages presque jungle de Here We Go et Dark Interlude), comme le bouquet final où l’artificier fait tout péter en même temps dans un fracas primaire et brutal. À la manière de Valentin Raffali de Top Chef, LORD$ pousse toujours le curseur à la limite de la raison pour mieux chercher la réaction. Plutôt être clivant qu’ennuyant ! Les Français arrivent cependant toujours à retomber sur leurs pieds. À travers leurs velléités progressives, ils dialoguent également avec les trop méconnus Once and Future Band (Zablonlove). Si parfois nous pourrions regretter que le groupe ne se soit pas essayer au français sur un titre ou deux, Speed It Up est quand sacrément réjouissant et positivement excessif.