Lonely Kid Quentin, Quatorze stations (Potagers natures, Fougère Musique…)

« Fais attention quand même,
tu mises tout sur ton air blême »

Sous l’apparence de joyeux drilles, ils tentent de faire passer en loucedé de sacrés paquets d’idées noires, des fêlures, des brisures qui feraient passer les armées de jeunes gens en noir pour de sympathiques fanfares de clowns multicolores. Ils, ce sont nos amuseurs musicaux nationaux : David Lafore, Trotski Nautique, Walter & Lavergne, leur cousin décédé Jean-Luc Le Ténia, j’en passe et des meilleurs ; ont appris de leurs oncles d’Amérique ou d’Angleterre, Jonathan Richman ou Dan Treacy. Les publics s’en iront de leurs concerts la banane au bec, un peu plus musclés des abdos, tandis qu’ils rentreront dans leurs loges les brumes de la dépression se levant dans leurs petites têtes mal faites. Tant pis, incompris, c’est déjà pas mal.

Lonely Kid Quentin
Lonely Kid Quentin

C’est ce qui pend au nez de Lonely Kid Quentin qui perpétue la tradition de cette chanson humoristique déprimée en roulant les ‘R’ à l’ancienne que c’est possible. Je ne sais plus qui a dit ce truc sur la politesse du désespoir, mais on y est grave : à la tête d’une discographie pléthorique, le jeune homme et son compère fidèle ont entrepris de réenregistrer leurs meilleurs titres (d’une discographie remontant à 2007 quand même, le cachet de Bandcamp faisant foi), leur best of intime pour le sortir en un album qu’on imagine définitif. Les quatorze chansons font preuve d’une sensibilité profonde au-delà de leur apparence légère d’alexandrins approximatifs : constats sans fard du temps qui passe, dénonciations de la politique dans ses travers, auto-dérision, rapport chelou à la mort (Dans tes morgues), on rit jaune avec cette voix grave qui dévie peu de son ton neutre (entre Calvin Johnson en moins caverneux – merci Sing Sing pour le tuyau – et le Georges Brassens de la Pompe Moderne), laissant l’instrumentarium sommaire le soin de surjouer le contexte : les boîtes à rythmes sont douces, les synthés peu compliqués, et les guitares laissent apparaître une justesse de ton dans les arpèges et les tricotages (J’ai rejoint mon troupeau). Il y a du Ramones (la violence contenue de Tu n’as pas terminé ta soupe), du Bobby Lapointe, du Charlots, du Renaud sans la misanthropie, sans doute, mais on retient surtout cette facilité à bâtir un univers reconnaissable de chansons touchantes et drôles. Si le pays a déjà porté sur son trône de clown suprême la figure gargantuesque de Katerine, elle a bien besoin d’autres petites mains, pas moins importantes, pour perpétrer cette figure de style si autochtone du rire existentiel. Lonely Kid Quentin en prend toute sa part de gâteau piégé au poivre.


Quatorze stations par Lonely Kid Quentin est disponible via Potagers natures, Fougère Musique…

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