Josephine Foster – Nashville Skyline

Josephine Foster
Josephine Foster

Deux ans après l’étourdissant Faithful Fairy Harmony, une œuvre massive et vibrante qui l’avait laissée complètement sonnée, Josephine Foster est revenue à Nashville pour y réaliser No Harm Done, un huitième album solo léger et subtilement country qui lui permet de s’enraciner un peu plus dans une Amérique qu’elle avait délaissée pendant plus d’une décennie.

"No Harm Done" par Josephine Foster
« No Harm Done » par Josephine Foster

Au mois de mars dernier, alors que le monde se réfugiait dans le confinement, que le temps commençait à se figer et que les avions disparaissaient peu à peu du ciel américain, Josephine Foster enregistrait son huitième album solo dans la maison du producteur Andrija Tokic à Nashville, Tennessee. Intitulé No Harm Done, ce disque aux sonorités country, couvert de pedal-steel, est, comme la plupart de ses prédécesseurs, une ode à la flânerie, à la rêverie plus ou moins éveillée, et semble traversé par une sorte de brise légère qui tranche sévèrement avec la lourdeur confinée de l’époque. Avec quelques perles comme The Wheel of Fortune, Love Letter ou How Come Honeycomb, Josephine Foster s’y affirme, une nouvelle fois, comme l’une des chanteuses les plus précieuses et inclassables de la scène contemporaine, digne héritière des grandes originales qu’ont pu être Karen Dalton, Joni Mitchell ou encore Kate Bush. Mais cet album est aussi le premier depuis treize ans que la chanteuse réalise sans Victor Herrero, dont elle a divorcé en 2019. Pour elle, ce No Harm Done est donc non seulement une œuvre de reprise en main, de sa discographie, mais aussi une amorce de reconstruction suite à une douloureuse séparation, une dépression et un retour presque forcé sur sa terre natale, après plus de dix années passées en Espagne.

Interrogée par téléphone, Josephine Foster répond depuis le Colorado, où elle s’est installée avec son ami Matthew Schneider, guitariste omniprésent sur ce nouveau disque. « J’ai connu Matthew vers 2002. À l’époque, je vivais encore à Chicago et il était ami avec Jason Ajemian, qui jouait avec moi dans Born Heller. Matthew était guitariste et jouait beaucoup de pièces improvisées. Je me souviens qu’il avait même réparé une de mes guitares, à une époque où je tournais beaucoup et où je n’avais pas vraiment de logement. Comme je ne pouvais rien stocker nulle part, il l’avait gardée avec lui et en avait profité pour la réparer. À l’époque, nous étions juste des camarades et pas vraiment des amis proches. Finalement, nous nous sommes retrouvés dix sept ans plus tard, un jour où je devais jouer à Los Angeles. Matthew vivait là-bas, car il y avait trouvé un boulot de charpentier. J’avais profité de l’occasion pour lui proposer de faire ma première partie. » Ce soir-là, la prestation du guitariste est si impressionnante que Josephine Foster lui propose de venir enregistrer avec elle à Nashville. « Initialement, j’avais prévu d’enregistrer un disque avec un son plus imposant. Je voulais un vrai groupe et un son plus rock. Tout était prêt, mais le passage d’une tornade nous avait obligé à annuler l’enregistrement. »

Josephine Foster
Josephine Foster / Photo : Matthew Schneider

Installée chez son ami John Allingham, des Cherry Blossoms, l’auteure de All the Leaves Are Gone se met aussitôt à composer de nouvelles chansons, avec l’idée de s’orienter vers un autre projet, à la production plus modeste. « J’avais bien essayé de travailler avec d’autres musiciens, mais à chaque fois, cela tournait mal. Finalement, je me suis tournée vers Matthew. J’aimais l’idée d’un disque enrobé de pedal-steel. Ensuite, tout est allé très vite. J’avais quelques chansons à moitié terminées qui traînaient dans mes tiroirs, depuis quelques temps. Certaines semblaient convenir à l’esprit de ce disque, d’autres ont été écrites spécialement pour l’occasion. The Wheel of Fortune, par exemple, est une chanson très récente… Ensuite, comme nous avons rejoint notre producteur dans la maison où il a installé son studio et nous avons tout enregistré. Pour mon disque rock, on verra plus tard ! »

Pour No Harm Done, Josephine Foster a donc choisi d’opter pour plus de légèreté, une démarche d’autant plus salutaire que la réalisation de Faithful Fairy Harmony, son dernier opus en date, avait été une véritable épreuve. « J’étais déjà séparée de Victor Herrero depuis un bout de temps, mais nous continuions à travailler ensemble. Nous pensions que c’était possible, mais c’était, en fait, trop compliqué à gérer. Au moment de cet enregistrement, nous n’étions plus qu’à quelques semaines de notre divorce et cela avait généré beaucoup de tensions. Résultat, j’avais fini ces sessions littéralement vidée. J’ai vraiment mis plusieurs mois à m’en remettre. » L’album était sorti fin 2018. À ce stade, la chanteuse avait déjà quitté l’Europe pour se poser tantôt dans son Colorado d’origine, tantôt à Nashville, où résident ses amis des Cherry Blossoms. Et si son nouvel opus semble autant marqué par les sonorités country, ce n’est pas seulement à cause de cette fréquentation assidue de Music City, mais aussi, plus simplement, parce que ce retour au pays lui a permis de renouer avec un passé qu’elle avait longtemps négligé. « Je pense que le fait de me retrouver à nouveau aux États-Unis, ces derniers mois, après avoir passé plusieurs années en Europe, a notamment eu pour effet de faire ressurgir en moi tout un amas de sensations très anciennes. Me retrouver ainsi près de ma famille et de mes vieux amis m’a, en quelque sorte, redonné le goût de l’Amérique. Je pense que c’est ce qui explique ces sonorités un peu country, même si elles étaient déjà présentes sur Faithful Fairy Harmony, avec des chansons comme Indian Burn et Challenger. C’est très étrange comme sentiment, car, d’un côté, j’ai l’impression de retrouver mes racines et, de l’autre, je le vis aussi comme un exil. » En tout cas, contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, Josephine Foster n’a pas vraiment grandi en écoutant des disques de George Jones ou de la Carter Family. « Mes parents écoutaient parfois Neil Young et Willie Nelson, en voiture ou à la maison, mais cela n’allait pas plus loin. Leurs goûts tournaient plutôt autour du rock classique. » Ces sonorités très américaines relèvent donc plus de l’habillage circonstanciel, la chanteuse refusant, par principe, de s’attacher à un son particulier.

Josephine Foster
Josephine Foster / Photo : Mark Borthwick


« Je sais depuis longtemps que je ne veux pas être associée à un groupe ou à un son. J’ai besoin de faire les choses pour moi et de renaître régulièrement, d’un disque à l’autre. Par exemple, ma collaboration avec Andrew Bar, au sein de Born Heller, avait été très bénéfique pour moi, à l’époque. Je ressentais le besoin de sortir de ma coquille et de ma formation classique, mais je n’étais pas vraiment attachée à nos chansons. C’est pour cette raison que je ne les chante plus. Pour moi, elles sont le reflet d’une autre période de ma vie. Et puis, je crois aussi que le registre pop repose sur une forme de futilité qui ne me convient pas. »
Il reste que la façon dont les sonorités soyeuses de la pedal-steel de Matthew Schneider serpentent au sein de chansons comme The Wheel of Fortune ou Love Letter est vraiment la marque sonore de ce disque. « J’aime beaucoup le son de la pedal-steel. Je trouve que c’est un instrument qui dégage beaucoup d’empathie. C’est un peu comme une section de cordes, mais avec des sonorités sinueuses qui semblent venues d’un autre monde. Pour ma musique, cela fait longtemps que je rêve de pouvoir faire appel à une véritable section de cordes. Mais, pour cela, il faudrait que je sois mieux préparée, que je compose spécialement pour elle. Cela reste un projet que j’aimerais réaliser. » Au final, No Harm Done n’a sans doute pas l’ampleur et la complexité de son prédécesseur, mais il contient néanmoins de vraies perles comme The Wheel of Fortune ou How Come Honeycomb, qui figurent sans mal parmi les meilleures chansons de Josephine Foster.

No Harm Done par Josephine Foster (Fire Records)

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