Mastered by Mikey Young, qui n’a pas un disque avec cette mention dans sa collection ? Depuis une quinzaine d’années, l’Australien travaille avec tout le monde, par exemple : Vintage Crop, Klaus Johann Grobe, Lewsberg, Exek, Charlene Darling, The Frowning Clouds, EggS, Ultimate Painting ou The Shifters… Au départ de ce bouillonnement artistique, il y avait un groupe, Eddy Current Suppression Ring. Dans les années 2000, la formation de Melbourne propose une musique punk viscérale et singulière. En l’espace de quatre ans, Mikey Young accompagné de son frère Danny ainsi que de Brad Barry et Brendan Huntley, publient trois albums magistraux. D’Eddy Current Suppression Ring (2006) à Rush To Relax (2010), le groupe australien pose ainsi les bases d’un son qui en a touché plus d’un à travers la planète.
Eddy Current Suppression Ring captive à travers sa rage et sa véhémence. Primary Colours, publié conjointement par le label australien Aarght! et la structure américaine Goner (Jay Reatard, Ty Segall, Ausmuteants, Nots) en 2008, affirme mieux que nul autre les qualités uniques du groupe. Eddy Current Suppression Ring déroule un disque d’une intensité folle, à la fois très classique sur le fond mais d’une fraîcheur renversante. À partir d’un référentiel connu et d’une formation traditionnelle (guitare, basse, batterie, quelques synthétiseurs), les Australiens envoient des brûlots dont l’incandescence embrase toutes celles et ceux qui posent Primary Colours sur la platine. Il y a quelques pincées de The Fall, Television, The Saints, Monochrome Set ou The Feelies mais la formation apporte un éclairage nouveau à cette matière radioactive. En quelques mesures, ça saute aux yeux : les quatre musiciens ne sont pas là pour le show mais pour ouvrir leurs tripes à vif. Les défauts ne sont pas planqués, ils sont laissés à la vue de tous. Cet album capture ainsi un groupe habité d’un sacerdoce féroce. Nous avons l’impression d’être dans la pièce avec les quatre larrons.
Il faut par exemple écouter la magistrale Which Way To Go, une claque. Une guitare résonne frénétiquement avant que la machine ne s’embraye d’un coup, à vous filer des frissons, un hymne pour les temps présents et toute une scène à travers le monde. Memory Lane est un autre temps fort de l’album. Le groupe joue la carte du contraste pour mieux nous happer et ne plus nous lâcher. Le riff de guitare de Wrapped Up est un des plus inoubliables de ces vingt dernières années tandis qu’Eddy Current Suppression Ring s’autorise un morceau instrumental avec l’excellente That’s Inside of Me. Il est assez difficile d’expliquer la magie derrière cet album. Primary Colours pourrait être un album de plus, et pourtant, il représente d’avantage que la somme de ses parties. Sa sobriété et son ascétisme sont sublimées par la cohésion et le collectif. Eddy Current Suppression Ring rend passionnant ce qui pourrait être chiant, par sa justesse et son envie. Seize ans plus tard, Primary Colours fulmine toujours avec la même énergie. À n’en pas douter, nombreux seront les jeunes gens à attraper une guitare après s’être pris dans la gueule l’intensité de ce deuxième album d’Eddy Current Suppresion Ring, ces punks australiens qui préfèrent le maquis aux postures dandies.