Catégories billet d’humeur, chronique réédition, mixtapeÉtiquettes , , ,

Ariel Pink’s Haunted Graffiti – La couleur tombée du ciel

Ariel Pink

Quinze années ont passé depuis leur sortie sur le petit label d’Animal Collective, leur beauté crépusculaire reste intacte et leur pouvoir de fascination aussi mystérieux. Les trois « premiers albums » d’Ariel Pink’s Haunted Graffiti (The Doldrums, House Arrest et Worn Copy) font l’objet d’une réédition salutaire et luxueuse chez Mexican Summer. Toutefois, le silence qui les accompagne en 2020 semble aussi coupable que celui qui a entouré leur naissance en 2004. Continuer la lecture de « Ariel Pink’s Haunted Graffiti – La couleur tombée du ciel »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Brigid Mae Power, Head Above The Water (Fire Records)

C’est par la voix que se livre ici l’essentiel. Cette subtile incarnation celtique de l’art du décrochage qui suggère à merveille toutes les petites fêlures indicibles qui se nichent encore à la surface du squelette. Tout le reste n’est qu’accessoire et, d’ailleurs, tout le reste a presque disparu. Sur son deuxième album, The Two Worlds (2018), Brigid Mae Power se confrontait directement à la violence d’une relation amoureuse destructrice et aux abus de la domination patriarcale. Deux ans plus tard, elle semble avoir franchi les étapes de la résilience à grands pas et cherche désormais la sérénité de la survie dans un cadre intime et familier, où les blessures se soignent en s’exposant à la bienveillance des personnes choisies. I Had To Keep My Circle Small, chanson-clef, livre ainsi la formule de la reconstruction confiante : exiger davantage de ceux qui vous entourent, à commencer par l’écoute stable et apaisée.  » Neutrality, I just could not afford/I needed a team/I needed you to favour me/That is not a bad thing at all. »
Continuer la lecture de « Brigid Mae Power, Head Above The Water (Fire Records) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Sonic Boom, All Things being Equal (Carpark Records)

Trente ans après Spectrum, sommet de psychédélisme bruitiste et lysergique, Peter Kember réactive l’entité Sonic Boom pour porter ses obsessions musicales à une sorte d’achèvement. A savoir, un croisement passionnant entre garage rock 60’s/70’s, early electronic, drone et musique répétitive, qui aura porté l’art de la construction hypnotique à sa perfection. Après avoir formé avec Jason Pierce (Spiritualized) le noyau dur de Spacemen 3, formation culte proto-shoegaze, mené deux projets parallèles plus personnels, Spectrum, donc, et Experimental Audio Research, et enfin travaillé pour divers groupes incarnant un certain revival psyché au milieu des années 2000 (MGMT, Panda Bear, Beach House), c’est en reprenant un travail inauguré avec le fameux LP de 1989 qu’il nous revient aujourd’hui. Continuer la lecture de « Sonic Boom, All Things being Equal (Carpark Records) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Thousand, Au paradis (Talitres)

« Condamnés par Dieu à manger de l’or, et une fois remplis, en manger encore, qu’ils voient dans l’immense pauvreté de la mort, que la faim est un trésor »

Le retour de Thousand m’a pris par surprise. Loin d’avoir épuisé Le tunnel végétal, que je m’étais habitué à explorer plus que régulièrement, en m’attachant tour à tour à des titres aussi marquants que Le nombre de la bête et La nuit des plus beaux jours de ta vie, je ne pensais être prêt ni à passer à la suite, ni à les négliger. Persuadé intimement que ce « premier » disque – dans le sens où c’était le premier en français de leur auteur – était la somme d’une maturation très longue et qu’en donner une suite dans la foulée serait impossible, je profitais toujours avec délectation du meilleur disque de 2018, le mien, sans conteste. Continuer la lecture de « Thousand, Au paradis (Talitres) »

Catégories chronique rééditionÉtiquettes , , , ,

Pole 1, 2 et 3 (Mute Records)

Redécouvrir aujourd’hui le travail de Stefan Betke, et plus précisément sa trilogie fondatrice Pole 1 (1998), Pole 2 (1999) et Pole 3 (2000), c’est en quelque sorte faire retour sur un moment de l’histoire des musiques électroniques allemandes dont l’une des principales caractéristiques pourrait être celle d’un travail autour de l’abstraction et du minimalisme. Que l’on évoque les propositions electronica ou IDM des labels Mille Plateaux et Raster Noton, ou encore le conceptualisme dancefloor de Kompakt, la micro-house des labels Perlon ou Playhouse, l’austérité formelle était en effet de mise.

Continuer la lecture de « Pole 1, 2 et 3 (Mute Records) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Captain Wilberforce, When The Dust Just Won’t Settle (Blue Tuxedo)

L’artifice rhétorique est souvent associé aux tentatives de réhabilitation des œuvres jugées trop confidentielles par ceux mêmes qui les louent. Pour mieux inciter, sans doute, le lecteur avide de découverte distinctive à leur emboiter le pas, les critiques ont pris l’habitude d’abuser de la métaphore du secret : ceux que l’on garde jalousement et que seuls les initiés dévoilent et se partagent avec une parcimonie qui permet d’entretenir le sentiment du mystère et du privilège. En dépit de son absence à peu près totale de notoriété ou de  reconnaissance publique – à l’exception, certes notable, de quelques passages sur les ondes nationales britanniques – Captain Wilberforce n’évoque pourtant ni de près, ni de loin ces arcanes musicales énigmatiques qui ne se découvrent qu’au terme d’un cheminement tortueux. Continuer la lecture de « Captain Wilberforce, When The Dust Just Won’t Settle (Blue Tuxedo) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , , , ,

Julien Gasc, Serpentes EP (auto production)

 » Il existe d’autres corps, qu’ils soient vivants ou morts, entre toi et moi « 

Pour quelqu’un qui aime l’émotion et l’urgence avant toutes autres choses, j’avais tout à craindre de l’émergence de groupes cultivés, éduqués, voire virtuoses. A la faculté, un ami, né punk, avait une expression d’alerte qui nous faisait marrer, dès que selon lui, nous accostions des rivages inamicaux peuplés de chevelus empêtrés dans leurs instruments compliqués et leurs influences savantes :  » ATTENTION JAZZ ROCK ! « , hurlait-il. Il aurait sans doute agité son safeword musical s’il était tombé sur Aquaserge. Continuer la lecture de « Julien Gasc, Serpentes EP (auto production) »

Catégories chronique nouveautéÉtiquettes , , ,

Caleb Landry Jones, The Mother Stone (Sacred Bones Records)

Il y avait de l’impatience à écouter ce disque, depuis six mois que je voyais les photos de promo de Sacred Bones Records sur mon fil Facebook. En les apercevant d’abord, ces drôles de photos de Caleb Landry Jones fardé et tout en perruque, je m’y étais reprise à deux fois avant de reconnaître ce visage fascinant, entre l’enfance et l’âge adulte. C.L. Jones est acteur avant d’être musicien – ce qui se discute, tant du point de vue de l’artiste lorsqu’il s’explique, que de ce premier disque. Ce visage, c’est celui du jeune cocaïnomane de Twin Peaks The Return, l’incarnation du désespoir et d’une Amérique au bord du gouffre à travers son personnage, Steven Burnett. Si l’on éprouve une passion pour Twin Peaks, le copinage entre Sacred Bones – dont une bonne partie du catalogue est digne d’être adulée – et David Lynch n’est pas pour déplaire. Continuer la lecture de « Caleb Landry Jones, The Mother Stone (Sacred Bones Records) »