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Lolas, Big Hits And Freak Disasters (Kool Kat)

Rappel des – nombreux – épisodes précédents. Vétéran méconnu de la scène indie-rock américaine (Carnival Season, The Shame Idols), Tim Boykin a choisi de se consacrer depuis trois décennies environ à l’approfondissement d’un style musical – la powerpop – où s’entremêlent ses passions adolescentes pour les mélodies simples et lumineuses et les guitares nerveuses du punk. Au fil d’une discographie intermittente et confidentielle, le résident de Birmingham en Alabama est ainsi parvenu à produire sous le nom de Lolas une dizaine d’albums, par séries successives. Cinq d’abord entre 1998 et 2008, suivis d’une pause de dix ans. Puis quatre autres depuis 2019 quand, bouleversé par le décès de Kim Shattuck (The Muffs), il a fini par se convaincre que l’existence était trop brève pour ne pas célébrer en consacrer une bonne partie à exercer ses talents sous la forme qui lui sied le mieux, toujours plaisante et parfois brillante. Continuer la lecture de « Lolas, Big Hits And Freak Disasters (Kool Kat) »

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Jimmy Webb, A Life In Words And Music (Cherry Red)

Jimmy Webb A life in words and music cherry redVingt ans après la première publication de cette rétrospective par Rhino Handmade, épuisée depuis bien longtemps – The Moon’s A Harsh Mistress, Jimmy Webb In The Seventies (2004) – ce coffret rassemble donc les cinq premiers albums solo de Jimmy Webb accompagnés d’un live enregistré à Londres en 1972 et d’un septième CD de démos et d’inédits. Soit le meilleur rapport qualité-prix de l’été, haut la main. S’y trouve en effet condensée une partie de l’histoire de la pop américaine d’autant plus captivante qu’elle commence alors même que le premier chapitre – le plus glorieux – s’est déjà achevé. Cela lui confère un charme tragique et la teinte d’un mystère que la répétition ravissante des écoutes ne dissipera sans doute jamais complètement. Continuer la lecture de « Jimmy Webb, A Life In Words And Music (Cherry Red) »

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Fortunato Durutti Marinetti, Bitter Sweet, Sweet Bitter (We Are Time/Quindi)

Fortunato Durutti Marinetti : derrière ce pseudonyme aux résonances anarcho-futuristes, se dissimule – ou s’expose, c’est selon – Daniel Colussi, un songwriter d’origine turinoise, installé au Canada et qui est parvenu en quelques albums – celui-ci est déjà le quatrième – à édifier l’une des œuvres les plus originales et les plus passionnantes des années 2020. A l’instar de quelques-uns de ses plus illustres prédécesseurs – Leonard Cohen, Baxter Dury – Colussi s’est engagé tardivement, la trentaine déjà bien entamée, dans cette non-carrière solo d’interprète presque réticent, après plusieurs décennies de tâtonnements collectifs au sein de diverses formations confidentielles – The Shilohs, The Pinc Lincolns. Trop tard en tous cas pour se bercer encore des illusions adolescentes communément associées à la reconnaissance publique ou pour songer à s’excuser de chanter sans être vraiment chanteur. Continuer la lecture de « Fortunato Durutti Marinetti, Bitter Sweet, Sweet Bitter (We Are Time/Quindi) »

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Jeffrey Foskett et Nelson Bragg, garçons de plage

Deux rétrospectives de musiciens dans la lignée des Beach Boys sortent en cette période de deuil de Brian Wilson.

C’est étrange mais le travail du deuil a ceci de commun avec celui de la découverte qu’il s’opère souvent par à-coups successifs. Depuis le 11 juin, les souvenirs resurgissent ainsi, de temps à autre, par grappes agglomérées, au gré des ramifications de la mémoire, semblables en cela à la manière dont s’entrebaillaient, il y a longtemps, les portes des premiers émerveillements. En effet, si les Beach Boys ont été si importants dans notre éducation musicale, c’est notamment parce qu’ils ont été le premier groupe, dont la grandeur s’est révélée comme on perce progressivement une succession de mystères et de secrets concentriques. Celui pour lequel – plus que pour tous ses concurrents contemporains – la passion musicale grandissante s’est apparentée à une expédition spéléologique au cœur d’un réseau galeries dont il s’agissait d’identifier, étape par étape, les connections enfouies. Derrière la face émergée et saillante – ces tubes charmants mais un peu désuets qui baignaient déjà l’enfance – on commençait ainsi par apercevoir Pet Sounds (1966) puis, au moment de la publication de ce fameux coffret rétrospectif de 1992 (Good Vibrations –Thirty Years Of The Beach Boys, le premier objet discographique de cette importance acquis avec le tout premier salaire d’adulte), les bribes du naufrage admirable et tragique de Smile (1967). De là, il devenait possible de cheminer plus loin, vers les lueurs de Sunflower (1970) ou de Surf’s Up (1971) et d’y deviner, au-delà des obscurités intermittentes du génie à éclipse de Brian Wilson, l’éclat parfois tout aussi éblouissant du talent de ses frères.

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Robert Forster, Strawberries (Tapete Records)

Robert Forster, Strawberries (Tapete)On trouve encore, parfois, un bonheur ineffable à découvrir les étapes successives de la discographie d’un auteur que l’on aime et que l’on suit depuis l’adolescence. Particulièrement quand elles semblent désormais se succéder comme les phases régulières d’une respiration. Et donc d’une preuve de vitalité artistique – de vie, tout simplement. On se prend ainsi à guetter les moments alternés du souffle. Après la tension contractée et dramatique qui émanait de The Candle And The Flame (2023) – profondément marqué par l’angoisse née de la maladie de sa femme, Karin Baümler –, arrive heureusement le moment de l’expiration relâchée et du soulagement. La chanson qui donne son titre au neuvième album solo de Robert Forster constitue, à cet égard, le seul point de continuité explicite avec les tonalités intimes de l’épisode précédent. Continuer la lecture de « Robert Forster, Strawberries (Tapete Records) »

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Paul Collins (The Nerves, The Beat) : « Les gens nous prenaient pour des extra-terrestres »

Paul Collins période The Nerves / Photo de presse
Paul Collins période The Nerves / Photo de presse

Le roi de la power-pop. C’est à la fois le titre d’un album – King Of Power Pop! (2010) donc – et, surtout, un statut chèrement conquis et désormais difficilement contestable. En quelques années décisives – moins de dix en réalité – Paul Collins a contribué, davantage encore que la plupart de ses potentiels concurrents au trône, à façonner les contours parfaitement dessinés d’une musique vive, mélodique et indémodable. A rebours à peu près complet de toutes les tendances d’une époque où dominaient encore les digressions musicales complaisantes. D’abord avec The Nerves : en compagnie de Jack Lee – disparu il y a tout juste deux ans – et Peter Case, il a enregistré et publié en toute indépendance quatre des titres les plus importants de l’histoire. Ensuite avec The Beat, dont le premier – et, en grande partie, le deuxième – album demeure un des jalons les plus parfaits d’un rock classique et épuré, à la fois moderne et profondément ancré dans l’histoire des décennies qui l’ont précédé. A l’occasion d’une série de concerts entièrement consacrés à cet héritage majeur, il a consenti à partager quelques souvenirs des batailles passées. Continuer la lecture de « Paul Collins (The Nerves, The Beat) : « Les gens nous prenaient pour des extra-terrestres » »

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Ida, Will You Find Me (Tiger Style, 2000 – rééd. Numero Group)

Ida, Will You Find Me Numero GroupLa quête obstinée de la beauté dans les marges. C’est le fil conducteur du travail d’archivage méticuleux conduit depuis plusieurs décennies par Numero Group et qui postule de manière plus ou moins implicite une égale dignité – non pas une valeur identique, c’est autre chose – de toutes les œuvres, y compris les plus négligées ou les plus apparemment mineures. Qu’il s’agisse de restaurer le catalogue d’un label R’n’B de troisième zone avec la même minutie respectueuse que l’on devrait à des bandes inédites exhumées des caves de chez Motown – les dizaines de volume de la collection Eccentric Soul – ou de traiter les plus obscurs des pressages privés rescapés des greniers des songwriters amateurs du début des années 1970 à l’égal du Blue (1971) de Joni Mitchell – la série des compilations Wayfaring Strangers : il y a à la fois quelque chose d’attachant et d’un peu agaçant dans cette conduite éditoriale où le ce souci permanent de l’exhaustivité semble l’emporter sur la nécessité du choix franc et tranché, dans cette volonté de compléter l’histoire des sous-cultures locales dans leurs moindres détails, sans prétendre forcément à la réécrire à partir d’un point de vue esthétique sélectif et clairement assumé. Parfois, les méandres labyrinthiques de ces rééditions sont trop tortueux pour qu’on éprouve l’envie de s’y perdre : après tout, pour qui n’a pas vocation à l’écoute savante ou documentaire, le temps d’exploration des détails secondaires et des notes de bas de page de l’histoire n’est pas extensible à l’infini.  Mais, il arrive aussi que ce refus de principe de toute sélection préalable trop rigoureuse magnifie l’écoute et les redécouvertes. Continuer la lecture de « Ida, Will You Find Me (Tiger Style, 2000 – rééd. Numero Group) »

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Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True)

Henry Badowski Life Is A GrandOn croit parfois connaître. Un peu, sans prétention. On se résigne même à ce que, au fil des ans ou des décennies, l’exploration maniaque et quasi-exhaustive des tréfonds des tiroirs de tous les catalogues les plus obscurs de l’histoire de la pop par d’innombrables labels d’archéologues en épuise inévitablement les ressources limitées. Après tout, comment la loi implacable des rendements esthétiques décroissants ne s’appliquerait-elle pas à l’exhumation de ces supposés trésors cachés qui finissent par décevoir, de plus en plus souvent ? Et puis, un beau jour, on tombe sur la réédition d’un album entier de 1981 dont on n’avait jamais – mais vraiment jamais – entendu la moindre note, dont on ignorait jusqu’à l’existence, et dont on n’attendait pas nécessairement autre chose qu’un vague intérêt documentaire et historique sur une période qu’on pensait labourée jusqu’à la roche. Pourtant, dès la première écoute, on ressort convaincu que cette passion musicale qui continue de mobiliser une part ridiculement excessive de l’existence – et de grever, au passage, les budgets dans des (dis)proportions totalement irrationnelles – n’est pas vaine puisqu’elle a permis de dénicher un album qui – c’est certain – restera tout prêt des oreilles et du cœur pour toute la vie à venir. Life Is A Grand est de cette trempe-ci et c’est presque miraculeux. Continuer la lecture de « Henry Badowski, Life Is A Grand (A&M, 1981 – rééd. Caroline True) »