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J’Aime, Anachronistic d’Amour (Jabalina)

Cinq ans, on ne s’en rend jamais bien compte, mais ça représente vraiment quelque chose – même si à l’échelle des fans de My Bloody Valentine, ça n’est toujours qu’une broutille (mais qu’importe en fait, puisque comme album dit « à guitares », Pornography avait déjà plié le game très exactement neuf ans et sept mois plus tôt). Cinq ans, donc. Ce sont, par exemple, les années passées à l’école élémentaire – où vous arrivez sans savoir lire et dont vous sortez dorénavant avec de la presque moustache. Cinq ans, oui. Soit 2020, une année où le COVID est encore réalité, où les Vinzelles n’existent pas, où je ne sais pas que je vais vivre une nouvelle expérience professionnelle – et d’autres nouvelles aventures aussi (et pas des moindres) –, une année où Martin Duffy et Terry Hall sont encore en vie, une année où je ne connais pas encore réellement Nicolas Sauvage – qui n’avait d’ailleurs publié que deux livres ! –, où ma fille est encore collégienne, mon fils encore en primaire et le PSG encore la risée de l’Europe footballistique (et oui, vous avez raison : il y a une vraie pointe de nostalgie dans ces derniers mots-là).

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Nathan Roche, 35 rue du Théâtre (Celluloid)

France, terre d’asile. J’ai lu, je ne sais plus où (ou alors mon cerveau malade l’a inventé) un truc marrant : les dauphins que les hommes peuvent approcher sont parait-il, les parias de leur société. Ils ont été rejetés par leur communauté de dauphins, et c’est pour ça qu’ils recherchent de la compagnie auprès des hommes. Sinon, un vrai dauphin dauphin, intégré, impossible de l’approcher, tintin, walou. Je ne sais plus où je voulais en venir, si, bon, appliqué aux humains, c’est un peu bizarre mais ça marche. Une copine née au Japon est venue habiter en France, parce qu’elle ne supportait plus la façon dont les hommes là-bas la traitaient. Elle se sent vachement plus française, en fait. Elle est batteuse de jazz et s’épanouit loin des bureaux funestes aux mains baladeuses de son pays. France terre d’asile donc. Nathan Roche, on peut le voir comme ça, il perpétue cette tradition de réfugié rock’n’roll, de gars plus (re)connu chez nous que chez lui. On peut remonter aux jazzmen qui venaient passer ici un temps de liberté, alors que leur pays, les States, avaient plutôt une façon raciste de les persécuter. Ou moins loin dans le temps, une maison de disques comme New Rose qui accueillait les œuvres de parias bien aimés ici, Arthur Lee, Alex Chilton, Bruce Joyner, la liste est longue, en phase terminale de leur carrière. Bon, c’est moins tragique pour Nathan, mais il y a quelque chose de cela. Continuer la lecture de « Nathan Roche, 35 rue du Théâtre (Celluloid) »

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The Autumn Defense, Here And Nowhere (Yep Roc Records)

The Autumn DefenseIl y a ces deux albums publiés à quelques semaines d’intervalle, coup sur coup, mais tellement différents. Difficile pourtant de résister à la tentation comparative puisqu’ils apparaissent simultanément comme deux surgeons d’un des groupes américains les plus importants du début de ce siècle. Twilight Override de Jeff Tweedy est un triple album – ce seul constat factuel pourrait fort bien suffire à écluser le sujet –  rempli jusqu’à saturation des fragment d’introspection sur l’état dramatique de l’époque et d’ébauches musicales capturées sur le vif, dans une forme de profusion éclectique et d’inachèvement spontané qui n’exclut ni les coups de génie, ni les fausses pistes. Here And Nowhere de The Autumn Defense – ce groupe formé il y a vingt-cinq ans par John Stirratt et Pat Sansone, en marge de leurs activités d’instrumentistes au sein de Wilco – contient tout simplement onze chansons douces, mélodieuses, arrangées avec soin et classicisme, qui parlent le plus souvent de l’amour et du temps qui passe. Toute honte bue, je crois que j’éprouve davantage de plaisir à écouter – et même réécouter trois fois de suite, pour rééquilibrer la balance – le second. Continuer la lecture de « The Autumn Defense, Here And Nowhere (Yep Roc Records) »

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Alex G, Headlights (RCA Records)

Deux mois, c’est le temps qu’il m’aura fallu pour digérer le nouvel album de celui dont je pensais ne jamais pouvoir être déçue ; car je crois que c’est de la déception que j’ai ressentie cet été en écoutant le reste de Headlights. Les singles parus les semaines précédentes Afterlife et June Guitar en particulier m’avaient fait l’effet habituel lorsqu’il s’agit d’Alex G : déroutants d’abord, puis obsédants ensuite. Mandoline, banjo, accordéon, le folklore organique de Rocket (2017) était là, les effets de voix et autres bizarreries de House of Sugar (2019) ou God Save the Animals (2022) aussi, le tout dans une énergie accrocheuse.

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Jessica93, 666 Tours de périph’ (Born Bad Records)

« Nique sa grosse mère »

Division ruine. On avait plus qu’une intuition que la maison de disques au coq pas sportif savait y faire quand il s’agissait de solder les comptes du passé. On ne parle pas ici des compilations rétrospectives qui jalonnent la discographie de Born Bad avec un aplomb après-nous-le-déluge, mais de cette volonté écrite à l’encre sympathique d’essayer d’encapsuler un genre plus ou moins issue de la sauvagerie et de la liberté des sous-sols punks et associés des 20 dernières années. Ce non-mouvement a fait déferler depuis Metz, disons, et sur tout le pays des hordes de groupes sans lendemain mais aux disques importants suivis par des aventures plus ou moins solo picaresques (Marietta, Usé, Ventre de Biche, Heimat, Zad Kokar, Theoreme….), avec certains déjà pris dans les filets (de sécurité). Continuer la lecture de « Jessica93, 666 Tours de périph’ (Born Bad Records) »

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The New Eves, The New Eve Is Rising (Transgressive/Proper/Berthus)

The New Eves, The New Eve Is Rising Déjà repérées il y a plusieurs mois sur la foi d’une très belle proximité avec quelques révolutions new-yorkaises pré-punk de pas beaucoup, The New Eves de Brighton sortent enfin leur premier album. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas le disque le plus agréable du moment, mais il n’est pas là pour ça. Et puis en fait il l’est souvent, agréable, mais surtout parce que corrosif,  vital, essentiel, inspirant, déraisonnable et inspiré. Un vrai jeu de piste entre la déraison et la beauté. On sort les références importantes dans deux minutes, soyez patient.e.s un peu, merde. Continuer la lecture de « The New Eves, The New Eve Is Rising (Transgressive/Proper/Berthus) »

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Jemima, Even the Dog Knows (All Night Flight Records)

La découverte d’un nouveau disque est toujours une expérience contradictoire : partagée entre l’immédiateté de l’affect et une logique plus oblique, mobilisant un savoir référencé typique de l’érudit-pop. C’est précisément ce qui se produit avec Even the Dog Knows du duo londonien Jemima. On pense aux influences post-rock et avant-folk/lo-fi – Movietone, Palace ou encore Gastr del Sol constituent d’évidents points d’ancrage. Des titres comme What is it ou Coming Over nous projettent en terrain connu : boucles arythmiques et vacillantes, guitares éthérées et collages sonores bancals contribuent à une esthétique folk soustractiviste, qui n’est pas non plus sans rappeler les travaux hypnagogiques typiques de The Caretaker. Continuer la lecture de « Jemima, Even the Dog Knows (All Night Flight Records) »

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Joanne Robertson, Blurrr (AD 93)

Là où le champ de l’expérimental rejoint l’immémorial folk : un ode, un node, un nœud — là au fond de la gorge qui prend aux tripes mammifères où le reptilien ne sait plus s’il est poule ou œuf — c’est un nouvel album de Joanne Robertson qui apparaît en plein mois de septembre. Elle est là. Là derrière sa guitare et son écho, deux spécificités rien qu’à elle. À cet endroit précisément Joanne Robertson trace un trait. Une ligne d’horizon au lointain mais qui vient nous susurrer des émotions primordiales, ouatées. Blurrr le dit très bien dans son nom, c’est une masse floue, qui ronronne, mieux encore : qui déroule, enroule, empoigne. Robertson nous laisse là le temps — un luxe — d’entrer dans la chimie du son de la guitare, dans la métaphysique chordiale. Continuer la lecture de « Joanne Robertson, Blurrr (AD 93) »