En 2019, le disquaire Born Bad fêtait ses vingt ans d’existence, une petite performance en soi compte tenu du contexte économique difficile de la musique sur support physique. Pour marquer le coup, le disquaire a organisé des concerts en septembre dernier et sort ces derniers jours une compilation vinyle uniquement disponible rue Saint Sabin à Paris et chez quelques collègues émérites (Total Heaven, Dangerhouse etc.). Nous avons rarement l’occasion de mettre en avant ici les disquaires, ils sont pourtant un maillon important de la musique que nous aimons. Born Bad fait partie de ces endroits de vie, point névralgique de scènes qu’il faut chérir et valoriser. Le déplacement de la rue Keller à la rue St Sabin laissait craindre le pire pour la santé de Born Bad Record Shop et pourtant, le lieu a su retrouver une nouvelle dynamique. Mark et Maxime ont en effet ouvert la boutique à de nouvelles musiques (post-punk, expérimental, rock seventies, indie-pop, minimal wave etc.) sans renier les fondamentaux garage / punk / fifties / sixties des origines. La compilation vinyle est à l’image de l’endroit. En quatorze morceaux, elle créé des ponts entre les références historiques du lieu (Reverend Beat-Man, Lars Finberg des A-Frames /Intelligence, Looch des Magnetix/Avenue Z) et les têtes d’affiche actuelles. Un axe France–Australie se dessine ainsi en filigrane. Les deux scènes sont en effet particulièrement bien représentées sur les deux faces du disque. Du coté des wallabies, les Shifters signent une composition très lo-fi sous forte influence Velvet Underground (Toffler) tandis que Miniskirt se fend d’un excellent titre post-punk (A Lot About Nothing) nerveux évoquant le meilleur d’Eddy Current Suppression Ring. Ces derniers, bien qu’absents, font en quelque sorte un clin d’œil avec la participation au mastering du seul et unique Mikey Young. Wireheads et EXEK ne se foutent pas de notre gueule non plus. Les premiers offrent une chanson directe et efficace convoquant autant Wire que les camarades mentionnés plus hauts. Les seconds, dans un style plus oblique, se lancent dans une odyssée aux influences dub (Too Steep a Hill to Climb). Coté grenouilles, nous pouvons compter sur le post-punk suicidesque et électronique de Bracco (Chewing Bones) comme les patrons Frustration (Mark étant batteur du groupe) avec Roses of Doubt et son ambiance crépusculaire. Les francophiles sont également représentés grâce à Pierre et Bastien (Sim Sim un inédit très lo-fi) et Entracte Twist (Aquaboulevard qui avait failli être sur leur premier album). Au milieu de ce match au sommet digne d’une coupe de monde de Rugby, les Belges de Komplikations et les Anglais de Arndales pour jouer les trouble-fêtes. Au-delà d’être représentative du disquaire, la compilation esquisse les contours d’une certaine scène underground actuelle dont les figures de proue seraient par exemple Crack Cloud, Eddy Current Suppression Ring, En Attendant Ana ou encore Uranium Club.
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