J’ai croisé Vin de Sprite il y a quelques mois, au Diamant d’or à Strasbourg. La soirée peu fréquentée n’en était pas moins de celles qui vous laissent quelque chose d’impérissable : pendue aux lèvres de Donatien Toma Ndani Djemelas – au chant et au clavier – la petite foule d’une dizaine de personnes semblait hypnotisée par cette énorme voix à la fois puissante et hésitante. Accompagné ce soir-là par deux amis (percussions et claviers) et par Antoine Loyer à la guitare et au chant, Donatien, ultra concentré, ailleurs et bien là à la fois, nous racontait ses histoires écrites à plusieurs mains lors d’ateliers collectifs, des histoires de voitures, d’animaux et plein d’autres mystères, écriture collage, écriture collision, chant libre, expression directe.
Né au sein du centre d’art brut bruxellois, le groupe, maintenant concentré autour du duo Donatien-Antoine a déjà à son actif plein d’enregistrements qu’Antoine mène tambour battant, autour du label belge Gluck. Cette fois, il s’est associé avec les français de La Saule (autre maison libre) pour la sortie de cette nouvelle chanson monstrueuse (« notre chanson mascotte », écrit Antoine) Trébuche sur un chien, qui concentre une énergie démesurée et profondément belge, amoureuse, postillonnée, énergique, bouclée, festive. On dirait presque Arno revenu d’entre les morts, donc un peu (beaucoup) saoul et (très) sauvage, accompagné par une fanfare qui tanguerait dans tous les sens, voire Stromae dont la cassette pleurerait sur un lecteur k7 endommagé avant de partir en spaghetti. A l’image, une fête interrompue par une révolte, des enfants à têtes de poissons, la justice rendue sur une plage, et un chien, bien sûr, sur lequel on trébuche, avec une fille à casquette. Le film, qui vient de remporter un prix au festival VKRS, est un sommet d’étrangeté (un peu Jan Bucquoy, un peu Fils de plouc), cette jolie norme de l’anormalité outre-Quiévrain.