Par deux fois, on a cru qu’il se produirait. La première, c’était en 2008 au moment de la sortie de Gorgeous Johnny, puis lors de la parution de Rough Frame en 2010. Depuis You Might Be Happy Someday, le miracle tant attendu semble enfin s’être réalisé. Glenn Donaldson reçoit enfin l’attention qu’il mérite depuis 20 ans. Ses disques se vendent comme des petits pains et font l’objet de rééditions. Aussi, la moitié de l’année 2021 ne s’est pas encore écoulée que le Franciscanais a déjà fait paraître trois nouveaux albums. Commençons donc par des excuses, car les très beaux disques de Painted Shrines avec Jeremy Earl de Woods et Vacant Gardens aux côtés de Jem Fanvu méritent également leurs chroniques. Mais voilà, puisque faute de temps, il ne faut en choisir qu’un, et parce que c’est probablement le plus singulier, le plus intime, à la fois le plus dénudé et le plus mystérieux – comment peut-on faire d’aussi jolies chansons avec si peu de moyens sans jamais lasser ? – c’est à nouveau d’un album de The Reds, Pinks & Purples dont il s’agira.
Coïncidence météorologique, Uncommon Weather est le disque idéal d’un printemps qui n’en a que le nom. Ses chansons douces-amères révèlent aussi un contraste dans le climat intime, une incertitude qui troublait déjà la ligne claire de You Might Be Happy Someday. Rien n’a changé du côté de l’humeur et des compositions. On retrouve sur ce nouveau disque le charme de Sarah Records et du Creation Records des débuts de catalogue, Television Personalities, East Village et The Field Mice comme enregistrés dans une cuisine de la baie. Surtout, c’est toujours le même ton légèrement affecté, la même ironie, la même juste distance dans les confidences, le même art du pas de côté, un véritable pas de danse qui permet l’impudeur en évitant la vulgarité. Glenn Donaldson demeure ce chanteur du pathos si décrié par toutes les époques, et surtout par la nôtre. Ce pathos qui constitue la part la plus irréductible de nos existences (et peut-être même notre ultime boussole) n’a évidemment rien « pathétique ».
Il y a peu, au sujet de The Record Player And The Damage Done, le chanteur me citait le jeune Morrissey :
The passing of time
And all of its sickening crimes
Is making me sad again
But don’t forget the songs
That made you cry
And the songs that saved your life
Yes, you’re older now
And you’re a clever swine
But they were the only ones who ever stood by you
(Au-delà des railleries : Morrissey, tout de même !)
Ce qui constitue presque une épitaphe pour le Britannique est probablement un manifeste pour le Californien (The Songs You Used To Write) qui ne cesse de parler de son attachement aux disques et à leur pouvoir spirituel. Ils ne sont pas si nombreux, ces disques qui après une poignée de chansons faites de jolies progressions d’accords et de quelques mots bien choisis comme Don’t Ever Pray In The Church Of My Street, Life At Parties et A Kick In The Face (That’s Life) nous restituent le caractère touchant du monde. Pour certains – et on les comprend – ce lien de profonde sympathie se trouvera chez Felt, The Go-Betweens ou The Apartments et probablement aussi chez The Reds, Pinks & Purples. C’est certainement pour des disques tels qu’Uncommon Weather qu’on écoute (encore) de la pop.