The Jesus And Mary Chain, Glasgow Eyes (Fuzz Club)

Il était grand temps de s’en rendre compte, malgré leur classicisme avoué, les frères Reid n’ont jamais trop été à la traine d’une certaine modernité. Si les saillies de soudards de Psychocandy définissent aujourd’hui un continent entier avec ses réussites (le seul plot MBV fera à lui seul une assez belle guerre coloniale) et ses aberrations, soit tout ce qui en découle depuis le nouveau siècle, peu ou prou, les plus rétrogrades étant paradoxalement les moins couillons. En 1986, alors que le monde faisait mine ou semblent de découvrir que le hip hop et le binaire n’étaient pas forcement antinomiques (Walk This Way), les deux têtes de mort prenaient des notes, utilisant déjà, quand nécessité faisait loi, la beat box sur Darklands et allaient recracher la leçon façon foutre et ciment sur l’excellent Sidewalking (1988) puis tenter, en pure perte (vraiment ?) de faire un clin d’œil glorieux mais tardif à Public Enemy avec Reverence (1992).

The Jesus And Mary Chain
Les frères Reid / The Jesus And Mary Chain

C’est en s’en tenant à ses racines profondes que le groupe arrivera à une satiété globale mais inquiète (Stoned And Dethroned, 1994) et puis, le bordel. Revenus de tout et prenant le temps de ne plus tout faire à l’envers quoique, Jim et William se targuent aujourd’hui de ne pas trop la ramener, c’est pas trop tôt. Dans le minimalisme primaire des débuts, l’influence de Suicide fut toujours revendiquée. Le plus moderne traditionaliste référent fut Bo Diddley. La première fois où l’on entendit une reprise de Can, c’était chez eux aussi. Alors la moindre accusation de jeunisme se verra fissa recouvrir d’une assez belle couche de (bite au) cirage. Cela dit au niveau de ce second album post reformatoire, quel intérêt de moderniser ? Le pire, ce serait de ne voir en Glasgow Eyes qu’un hommage à ce qu’a accompli leur ex-batteur sous le sceau du cri primal. Alors non, heureusement, cet album, même s’il serait facile et paresseux d’en convenir n’est pas l’album de Primal Scream que JAMC auraient dû pondre à la place d’Automatic. Parce que chercher la petite bête est désormais hors de propos, et pour une raison bien simple voire simplette : les chansons.

Dans un registre parfois très limité, les frères Reid ne renoncent jamais à ça. Jamais, mais là un peu. Et même si selon la formule consacré, l’on connait bien cette chanson, c’est bien la leur. Le précédent Damage And Joy (2017), même s’il n’était souvent qu’un rabibochage de principe à base de fusion de morceaux composés lors de la brouille, faisait néanmoins assez bonne figure au final. Là, Glasgow Eyes est vendu comme un vrai nouveau disque, enregistré localement dans les souterrains de la descendance (le Castle Of Doom de Mogwai) et qui ferait la part belle à des aspirations électroniques variées.

Venal Joy en ouverture, fait craindre le problème susnommé, un truc bancal pompé sur Primal Scream. Mais le Primal Scream nihiliste d’XTRMNTR (2000), avec une monotonie butée de type DAF, donc ça passe. Skip to Jamcod, qui rappelle tout ce qui fut raté dans Automatic mais en mode minimal, presque modeste, un remix de Froid Dub et ça passe crème. Pure Poor, mauvaise face B de KG, passable. Va falloir se réveiller un peu à un moment. The Eagles And The Beatles, si c’est une pique vers Guy Chadwick avec Joan Jett sur le mur de la chambre de post ado, c’est très drôle mais ça passe tout juste, on note une volonté Stonienne qui pourrait être ironique, c’est déjà ça. Silver Strings ressemble à tous les morceaux lents ratés de New Order sur les trente dernières années. On reprend espoir avec Second Of June, classique optimiste comme une plutôt digne chute du fort mésestimé Stoned & Dethroned, un Sometimes Always de vieux garçons, paradoxalement lumineux, mélodieux, émouvant. Girl 71 glam pupute avec un biais Judas Priest/Suzy Quatro (Living After Midnight) aurait bénéficié de la sagesse instruite d’un Lawrence Go Kart pour dépasser sa lancée de petite chanson pas mal. On est globalement sur un constat pas terrible mais c’est là, en toute fin de partie que les frères Reid reprennent possession d’une sale vanne qu’on traine depuis la seconde*. Hey Lou Reid, voilà pour la vanne (je vous la refais en dessous pour les non-comprenants). La mauvaise chute de ce disque improbable, c’est qu’il n’y a pas vraiment de morceau, même en deux parties, ou alors une démo de ZZ Top période Eliminator, suivi d’un éclair de lucidité.
Tentative louable, groupe fondamental, disque raté**. Le prochain avec Sonic Boom à la prod’ et le fantôme d’Alan Vega qui vous fouette les sangs jusqu’au Golgotha ? Nulle envie mystique, juste une idée…


*tu sais combien il y a de frères Reid dans JamC ? trois : Jim, William et Lou.
** Automatic l’était un peu et Honey’s Dead en partie. On leur a, il semblerait, largement pardonné depuis.

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