Mark Hollis, capture d’écran YouTube du concert à Montreux en 1986.
Je n’arrive pas à m’habituer à apprendre les disparitions par réseaux sociaux interposés. Hier soir, la joie d’avoir dîné seul à seul avec mon fils a été assombrie sitôt mon téléphone rallumé par la découverte du départ de Mark Hollis. C’est d’abord un post de Jérôme, qui résume en quelques mots ce qu’on attendait tous : “Depuis qu’il avait choisi de ne plus faire de disques, chaque année j’imaginais un retour, je rêvais à de nouvelles chansons de lui”. On aurait tous aimé que Mark Hollis, tel un Bill Fay, rompe un jour le silence et revienne à la musique. Peut-être était-ce parmi ses projets. On ne le saura jamais.
Le 26 décembre dernier, Peter Hook expliquait au magazine Rolling Stone pourquoi il avait décidé de vider son garage et de mettre en vente la majeure partie de ses souvenirs liés à Joy Division : « J’ai assisté à la mise en vente de la maison de Ian Curtis et à la mise en vente de la table de cuisine de Ian Curtis. Les gens sont prêts à se battre pour ça, et j’ai l’impression d’être comme un roi enfermé dans son château en train de compter son or. » La vente aura lieu le 2 mars prochain et un catalogue peut être commandé par correspondance, pour la modique somme de 12 livres sterling (20 livres si vous le préférez signé) – frais de port non compris.
À la fin des années quatre-vingt dix, par l’intermédaire du Big Beat, je me suis intéressé du haut de mes seize ans à la dance music électronique (House, Jungle, Breakbeat, UK Garage, etc). Le mélange de rock et de breakbeats samplés m’a permis de sauter le pas, et introduit à d’autres esthétiques électroniques avec lesquelles le Big Beat partage quelques points communs. Quelques années plus tard, j’ai découvert les Nuggets qui m’ont plongé dans le rock sixties. Dès lors, je n’ai eu de cesse de tenter de relier ces deux points apparemment opposés… mais pas du tout, en fait. Si les choses ont énormément changé grâce à internet (l’éclectisme est devenu la nouvelle norme), il n’a pas toujours été bien vu d’aimer et défendre la dance music, en particulier il y a une quinzaine d’années. Contrairement au rock, notamment celui des albums concepts des années 60-70, la dance music a toujours assumé avoir une vocation utilitaire : être la bande-son des soirées alcoolisées (et d’autres substances plus ou moins légales) à la recherche de l’autre ou en tout cas de l’oubli de soi. Cette dimension fonctionnelle est souvent vue comme un défaut, probablement parce qu’elle éloigne la musique de cette vision du créateur inventant ex-nihilo. A mes yeux, c’est l’inverse. Comme pour toutes les contraintes (le format chanson en est une autre, par exemple), les gens brillants arrivent à voir au-delà et s’en servir pour créer des disques somptueux. Afin de tester l’idée et le format, la Northern Soul s’est imposée à moi comme une évidence, elle, qui est à l’intersection de mon intérêt pour les sixties et la dance music.
C’était en décembre 2016, au Nouveau Casino, que nous les avions vu à Paris pour la dernière fois. Le quintet de Brighton, propulsé en 2011 par The Horrors, venait de nous gratifier d’un troisième LP, Clear Shot, leur plus riche en date, confirmant une audace qui n’allait pas tarder à les placer au-dessus de leurs aînés. C’est désormais chose faîte avec Happy in the Hollow, attendu le 25 janvier chez Tough Love Records – Ulrika Spacek, Part Time ou Girls Names complétant l’écurie du label londonien au bon goût difficile à égaler. Un ouvrage frappant par la variété des influences qui le composent. L’esprit krautrock, évidemment, dicte toujours la conduite : rythmiques hypnotiques et abondance de synthétiseurs portent la voix rassurante de Tom Dougall. Ce sont ces incursions nouvelles du côté de l’acid folk et de la surf qui, en occasionnant les plus belles réussites de l’album (The Willo, You Make Me Forget Myself), le hissent sur un autre palier. J’ai retrouvé Tom Dougall, chevelure ombrageuse et regard fuyant, accompagné de Max Oscarnold, bassiste de The Proper Ornaments dernièrement recruté, dans un bar du XIIe. Derrière la timidité du leader s’est très vite dévoilée une verve de passionné. Ensemble, ils se sont livrés sur leurs aspirations et leur quête ultime en tant que musiciens : la recherche de leur identité propre.
Lawrence, captation d’image extraite d’une vidéo YouTube de Felt « Why Do I Cry » (Live London 04/12/1985)
De même que Bernard Noël a jadis postulé qu’il y avait l’écriture du voile et celle du dévoilement, de même on peut dire qu’il y a deux façons de produire un disque : la réaliste, la non réaliste. L’une vise à donner l’illusion que les musiciens sont dans la pièce, l’autre que la musique ne vient pas d’instruments joués, mais d’un « quelque part » qui serait comme le rêve de la chanson soudain magiquement rendu à notre oreille : ainsi de la lumière sur une toile de Turner, qui paraît sans rapport avec la réalité matérielle des pinceaux… Continuer la lecture de « Le flou et la transparence »
Alors qu’un premier single est sur le point de paraitre – un peu comme si, au hasard, Lush épousait John Barry – et que les premières dates de concerts viennent d’être annoncées, retour en chansons sur le passé musical des quatre membres de Piroshka. Car derrière ce nom exotique, se cachent Miki Berenyi (Lush), Justin Welch (Elastica), Mick Conroy (Modern English) et, last but not least, Kevin J McKillop (Moose), acteurs aux fortunes diverses dans les années 1980 et 1990 qui, un premier album sous le bras, prouveront en 2019 que le talent, l’inspiration et l'(im)pertinence n’ont que faire du nombre des années…