Nous n’avons jamais vraiment pu nous décider à détester totalement Stephen Malkmus. En dépit de certains agacements un brin corrosifs, trop beau gosse, trop malin, bien souvent trop égocentrique pour ne pas laisser les solos de guitares à d’autres, on garde toujours un intérêt, modéré, certes, mais bien réel pour sa carrière solitaire mais bien accompagnée (Janet Weiss aux tambours fut* un temps). Car même si l’on lui est finalement reconnaissant d’avoir sabordé Pavement avant d’avoir commis un disque franchement mauvais à l’aube du second millénaire, on reste toujours là, entre circonspection et excitation, sans jamais vraiment y trouver ni à redire, ni tout à fait notre compte. Continuer la lecture de « Stephen Malkmus, Traditional Techniques (Domino/Sony) »
Étiquette : Label : Domino
Catégories interview
Real Estate : Par-delà l’horizon

Rendez-vous est donné au Dunkerque, le bar au store jaune jouxtant le disquaire Balades Sonores, devant lequel une file d’attente se dessine déjà. Les deux membres fondateurs de Real Estate, Martin Courtney et Alex Bleeker, y sont attendus pour un showcase. Au programme : quelques titres, en avant-première, de The Main Thing, leur cinquième album paru le 28 février chez Domino, entrecoupés de classiques – car c’est à cette catégorie qu’appartiennent désormais des albums comme Days et Atlas. C’est avec Alex Bleeker, le bassiste à l’air enjoué, que j’ai eu la chance de m’entretenir quelques minutes avant le concert. Pas avare en paroles, il a exprimé sa gratitude envers la longévité du groupe, lancé en 2008 dans la petite ville de Ridgewood, New Jersey, avec ses amis d’enfance Martin Courtney et Matt Mondanile, et confirmé ce désir, partagé par toute la bande, de continuer à explorer leur identité sonore, que ce soit en se nourrissant des différentes influences de chacun ou en collaborant avec des musiciens venus d’autres horizons. « I don’t need the horizon to tell me where the sky ends. » a chanté Courtney ce soir-là, au cours d’un set intimiste, guitare et basse pour seul accompagnement, que les chanceuses personnes présentes garderont en mémoire.
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Catégories interview, portrait
(Sandy) Alex G sort de sa bedroom pop

J’ai rencontré Alexander Giannascoli a.k.a. (Sandy) Alex G le 26 juin dernier, quelques heures avant sa session acoustique au Motel, dans le quartier de la Bastille. Un bar un peu étroit pour celui dont les albums, bien que largement reconnus par ses pairs comme par la critique, se transmettent depuis 2014 au bouche à oreille, comme un secret, parmi une communauté de fans assidus. Ils étaient là ce soir-là, côte-à-côte avec les habitués du lieu, dans une foule immobilisée. Prêts à souffler les paroles au moindre instant d’hésitation, à fredonner les accompagnements manquants à ce guitare-voix solitaire, ces admirateurs – largement anglophones – entouraient « Alex » comme une famille, lui décrochant même quelques sourires. Continuer la lecture de « (Sandy) Alex G sort de sa bedroom pop »
Catégories interview
Hot Chip – Le Grand Bain

Septième album pour le quintet le plus nerd, le plus addictif sur scène, le plus crossover de la dance music anglaise. Un titre qui sonne comme une messe hippie (A Bath Full Of Ecstasy), et désarme comme toujours par son trop plein d’amour, sa mélancolie euphorique, et son single (Hungry Child) à épingler à la liste des morceaux qu’on chante à tue-tête lors de leurs concerts. En porte-parole, la tête (Alexis Taylor, cette fois-ci décoloré et multi-recoloré), et les jambes (Joe Goddard, implacable machine à danser) nous parlent de synthés vintage, de remise en question, d’innocence neu-neu, de Brexit, et évidemment du talent infini de Philippe Zdar, co-producteur de ce disque sorti hier, le lendemain de sa tragique disparition. Un entretien réalisé il y a quelques semaines à Paris, quelques jours après leur flamboyant concert au Trabendo. Continuer la lecture de « Hot Chip – Le Grand Bain »
Catégories festivals, portrait
Fat White Family – Tendres pervers

Il existe des moments de télévision pendant lesquels, on aimerait – avec une once de sadisme et beaucoup de naïveté – que tout dérape, comme à la grande époque. Le 17 mai dernier, les trublions de Fat White Family étaient les invités du Quotidien de Yann Barthès sur TMC. Puisque « le groupe le plus trash et bordélique de tout le Royaume-Uni » (sic) est le dernier héritier d’une longue lignée de musiciens situationnistes qui semblent avoir lu Lipstick Traces (Greil Marcus, 1989) et en avoir fait leur livre de chevet, on pouvait rêver d’un bel incident télévisuel. A quoi peut bien ressembler leur tentative d’entrisme dans la société du spectacle ? On s’imaginait déjà chanter Where’s Yann Barthès Now? comme les Television Personalities ironisaient jadis sur le sort du pauvre Bill Grundy. Au lieu de ça, le spectateur a eu droit à une simple interprétation du single Feet, dans une performance conforme à toutes les règles du CSA et dans une mise en scène parfaitement sous contrôle. Continuer la lecture de « Fat White Family – Tendres pervers »
Catégories interview
SASAMI – fast forward
Avec seulement deux titres dans ses bagages, SASAMI a débarqué sur le devant de la scène à l’automne dernier. Grâce à une solide décoction de dream pop aérienne et de fulgurances grunge, elle a envoûté la presse internationale et s’est vue sur-le-champ décerner les titres de Best New Song par Pitchfork et de « rock’s next big thing » par l’influente revue américaine The Fader. Des prémonitions confirmées par SASAMI, premier album renversant imaginé au cours d’une année sur la route avec Cherry Glazerr, ex-gang de l’originaire de Los Angeles. En dilettante, elle enregistre ses idées sur son iPad et puise pour l’inspiration dans ces messages trop chargés, ceux que l’on renonce à envoyer et que l’on enterre dans les « Notes » de son smartphone. Avec un ferme « Let’s fucking do it! » elle a ouvert notre discussion et, à deux jours de la Journée internationale des femmes – qui, et cela ne saurait être un hasard, fut aussi celle de la parution de son album –, a exprimé sa reconnaissance à toutes les musiciennes et professionnelles qui l’ont accompagnée jusque-là et font évoluer, progressivement, le milieu de la musique.
Catégories chronique nouveauté
rustin man, Drift Code (Domino)
C’est peu dire que ce premier véritable album de Rustin Man était attendu par une frange de connaisseurs patients qui ont suivi le parcours de Paul Webb en différents endroits au fil du temps. Chez Talk Talk d’abord, pour un phénoménal travail d’épure qui fera passer la new wave au post rock, chez .O. Rang ensuite, où il donna cours en compagnie de Lee Harris (le batteur de Talk Talk) à son goût pour une opération très étudiée sur des rythmiques inspirées des musiques du monde, puis finalement sous l’alias Rustin Man en compagnie de Beth Gibbons (Portishead, qu’il avait d’ailleurs fait débuter sur un album d’.O. Rang) pour un Out Of Season (2002) dont certains attendent encore la suite avec des cailloux dans les bottes à force de trouver le temps long. Continuer la lecture de « rustin man, Drift Code (Domino) »
Catégories chronique nouveauté
Julia Holter, Aviary (Domino)
— Ça te dit d’écrire sur le prochain Julia Holter ?
— Oui.
Et voilà. Et nous voilà, là.
L’actualité musicale me rattrape rarement. Ça prend du temps d’écouter un disque, de l’écouter vraiment et donc longtemps. Mes amitiés musicales sont souvent réservées, suspendues, abritées, lentes.
Question récurrente : comment font-ils pour savoir, eux, ce qu’ils pensent d’un disque en si peu de temps, ceux qui écrivent quelques mots dessus chaque mois et parviennent à le faire avec pertinence et précision, et sans trop de fautes ?
Je sais, moi, que les avis de bonne foi changent ou s’érodent aussi, souvent chez les critiques que je lis le plus – peut-être que j’en lis de moins en moins. Pas parce qu’il y en a trop, ou le numérique, ou je ne sais quoi. Juste que ça ne m’intéresse plus autant, ou différemment.
Je sais aussi que certaines évidences frappent immédiatement, que d’autres voient leur impact retardé des jours, des semaines, des mois, des années.
Ça paraît difficile d’être critique et d’avoir un agenda de son goût. Continuer la lecture de « Julia Holter, Aviary (Domino) »