Au début des années 2000, quand on a 14 ans, il y a peu de manières de trouver et découvrir de la musique. La première solution était d’avoir les nouvelles chaînes de télé et notamment MTV, sur laquelle j’ai fait mon immersion dans le monde du rock avec les passages répétés de American Idiot par Green Day en 2004. La deuxième solution est bien sûr d’avoir des grands frères qui savent se servir d’internet et de Limewire, un logiciel de téléchargement pirate au logo citronné. Alors quand mon grand frère chope les Strokes, Nirvana, Arctic Monkeys, les Kooks et Franz Ferdinand, je me rue sur le dossier de mp3 crados pour les mettre sur mon baladeur 512 Mo. Dans le tas, il y a quelques titres d’un groupe avec un nom assez long : The Velvet Underground et en regardant vite fait, je me rends compte que les chansons sont aussi longues, la flemme, je préfère écouter The End Has No End. 5ème 6, je suis dans un gros collège privé, je suis également le délégué de la classe car je fais de la guitare et je sors pendant trois mois avec la déléguée aux cheveux blonds. Je suis au pic de ma popularité. Quand ma petite amie vient m’annoncer en riant qu’elle rompt avec moi, je me réfugie dans la forêt du gros collège et j’y pleure, seul. La journée est longue.
Sur le chemin de mon retour de l’école, je sors mon mp3 de ma poche et je me mets le morceau le plus long de mon baladeur : c’est Oh Sweet Nuthin’ de The Velvet Underground qui dure 7 minutes 26, que je n’avais encore jamais écouté. Les premières notes et l’ambiance calme soufflée me réconfortent. La suite d’accords, mélancolique et répétitive, rajoute au dramatique de ma situation. Soudain, le refrain débarque et les paroles me traversent en plein cœur : Oh Sweet Nuthin’. Je comprends que cela veut dire Oh doux rien, comme moi à cet instant qui n’ai rien, plus rien, seulement cette chanson dans les oreilles et cela me réconforte, je ne suis pas seul. D’autres personnes dans le monde ont l’air de se réjouir du rien et de n’avoir plus rien. Peu à peu le morceau s’intensifie, les solos de guitare deviennent de plus en plus fulgurants et la caisse claire martèle, je me mets à courir, j’ai envie de crier. Enfin, tout s’arrête et le calme revient avec l’outro. Je me sens mieux, beaucoup mieux. Je me sens moins seul.
Les années suivantes, je ne serais plus jamais délégué, je déteste mon collège privé et quand je me fais bully par les mécheux musclés, sur le chemin du retour j’écoute Oh Sweet Nuthin’. Le morceau me réconforte et me fait relever la tête. Je suis heureux de n’avoir plus rien et j’en suis même fier. Je rencontre mes amis freaks et la nuit j’écoute le Velvet en pensant à eux. On fume des clopes et on boit des bières sur le monument aux morts en faisant un gros doigt à notre lycée juste en face, et ce morceau est dans ma tête comme la bande-son muette de ces instants à refaire le monde.
Oh Sweet Nuthin’ par The Velvet Underground est sorti sur l’album Loaded le 15 novembre 1970, paru sur le label Cotillon.
Souvent décrit trop vite comme le parfait exemple d'une scène slacker en plein revival grunge nineties, les bordelais de Th da Freak sont bien plus que ça, il suffit de voir leurs lives ou d'apprécier la fréquence de leurs sorties de disques. Sur Coyote, le prochain album à venir le 7 octobre sur Howlin Banana Records, Thoineau Palis, le chanteur aux cheveux bleus, explore une facette résolument plus douce, où la beauté de ses compositions prennent toute leur place.