Prière à tous ceux qui pensent qu’Aphex Twin est le seul « expérimenteur » de cette fin de siècle, que l’on ne peut plus rien tirer des faces B des Beach Boys, que Neu! est un groupe poussif et que Sergio Mendes est le chanteur de Sepultura de lever la main. Ces gens-là n’ont sans doute jamais daigné ni osé écouter un disque de Stereolab. Pourtant, ce n’est pas la faute des Laborantins en chef, Tim Gane et Lætitia Sadier, qui depuis six ans, multiplient les sorties et les initiatives sans jamais lasser. Singles introuvables, maxis « difficiles d’accès » avec Nurse with Wound, mini-hits invraisemblables – un conseil, réécoutez Fluorescences -, projets parallèles – l’acoustique Monade pour la demoiselle, Turn On pour le garçon, en collaboration avec Sean O’Hagan -, le tout disséminé sur une discographie en forme de case-tête chinois.
Loin de toutes les formations qui tentent de recréer un passé en trompe-l’œil, Stereolab puise dans ce même passé – qu’importe l’époque, les dates de péremption sont ici effacées – pour mieux l’assimiler, le digérer, l’associer à l’avant-garde d’aujourd’hui, marier les mondes a priori antinomiques. Si Brakhage démontre que « répétitivité » rime toujours ici avec « créativité », Miss Modular se dévoile en petite merveille funky et sexy, où les chœurs wilsoniens de Mary Hansen apportent une sensualité surnaturelle. Rainbo Conversation ressemble à un tour de passe-passe bossa nova alors que Parsec apprivoise une rythmique drum’n’bass pour mieux lui greffer une vraie mélodie et que Contronatura achève le disque sur un rythme disco neurasthénique. En partie produit par John McEntire et Mouse On Mars, Dots And Loops est une nouvelle preuve que la pop, pour peu qu’on en change les règles, est un style à l’avenir radieux. Seul le mot en lui-même semble condamné : dans les encyclopédies du futur, il sera remplacé par celui de Stereolab.