Climats #14 : Duster, Mark Z. Danielewski

This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe

Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.

Je suis la nuit

Je suis, depuis quelques années, le travail passionnant du label Numero Group. C’est une vision d’archéologue, assez stimulante. On (re)découvre des strates et des strates de décennies musicales et l’articulation entre elles, vient nous donner une vertigineuse perspective. L’histoire de la musique est constituée de minuscules archipels qui n’ont cessé, au fil du temps, d’échanger leur pratique puis leur intuition. La sortie du dernier disque de Duster est assez représentatif de ce phénomène de palimpseste qui ne cesse de traverser le travail d’archivage du label. En écoutant Duster, sa lourdeur et sa douceur j’y entends – également – le retour à la surface d’un EP oublié du groupe Rex, Waltz (1996). Trésor discographique qui narre l’aventure des années 90, d’une ambition d’indépendance esthétique et économique du rock américain. Together, aussi, nous raconte ce songe. Le disque de Duster nous montre avec sa sa pochette – ou plutôt ne nous montre pas – ce visage d’époque, ce visage énigmatique. La musique de Duster convoque les apparitions, le sommeil et ce qui n’est plus. Ce qui ne se réveillera plus. Mais c’est une blancheur qui porte sa profondeur – tout comme chez un autre groupe réédité par Light In the Attic, Acetone. Durant la cinquantaine de minutes qui forme cet album, on semble revenir vers un ailleurs connu ou un passé légèrement inconnu. La boussole semble perdue et cet aveu d’abandon est le sens premier de la musique de Duster. Slowcore d’abandon et de résurrection. On ne choisira jamais et eux non plus.

Je suis le jour

Finalement, en réfléchissant bien, en littérature il y a un éditeur qui officie sur les mêmes chemins que le label Numero Group. Il s’agit de Monsieur Toussaint Louverture. Même défi aux lois du temps, pareil désir de faire ressurgir de grandes œuvres oubliées. Des monuments reliés entre eux – étrangement – par une même intuition. En parcourant le catalogue de l’éditeur, on y ressent cet énigmatique lien qui relie les œuvres entre elles. Elles discutent et racontent ce pas de côté saisissant qui structure ces créations pleines d’ambition, ces créations oubliées. Monsieur Toussaint Louverture va rééditer prochainement – le 25 août – La Maison des Feuilles de Mark Z. Danielewski. Folie typographique, foyer en forme de labyrinthe où les voix et les souvenirs brûlent intensément. Il y a là aussi, le trouble d’un réveil qui ne se fait pas, comme chez Duster. Le lieu de La Maison des Feuilles est la Virginie. Un rappel aux territoires hantés par Mark Linkous et Sparklehorse. Monsieur Toussaint Louverture en fera un objet-livre magnifique sans aucun doute. Car pour rendre vie aux choses oubliées, il en faut de la beauté.


Together par Duster est disponible chez Numero Group.

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