Il y a déjà deux ans, dans un dossier que Section26 avait consacré à la scène musicale toulousaine, nous avions chanté les louanges de Marie Mathématique, groupe garage-pop-psyché mené par les époux Emmanuelle et Nicolas (aka Jimmy Jazz) Mazel, ainsi que de leur label Lunadelia Records. On se réjouit de constater qu’en dépit des incertitudes de la pandémie, ce groupe très recommandable n’ait pas lâché l’affaire, puisque Marie Mathématique vient tout juste de faire paraître son nouveau single Holopherne, sur la compilation Spasmes du hasard, qui célèbre l’anniversaire du label SDZ Records, à qui nous avions également consacré un papier. Le groupe nous souffle également dans l’oreillette qu’un album est en préparation. On ne boude donc pas notre plaisir de découvrir les titres sélectionnés et commentés par Emmanuelle et Nicolas.
01. Nikki Sudden, Great Pharaoh
Nicolas : Du post-punk dadaïste de Swell Maps à sa carrière solo de troubadour-destroy, il n’y a rien à jeter. A mes yeux, Nikki Sudden incarne parfaitement une certaine idée du rock’n’roll anglais. Pas celui des charts ou du NME, mais quelque chose de plus authentique, de plus pur. Derrière le cliché du « beautiful loser », il y a surtout une forme de romantisme absolu et sincère qui me touche énormément. Nikki Sudden, Peter Perrett, Daniel Treacy… De ces artistes-là, on en retient souvent le côté junkie, mais moi c’est cette sensibilité qui me parle.
02. Paul McCartney, Temporary Secretary
Emmanuelle : Cette chanson ainsi que l’album McCartney II m’ont fait découvrir Paulo d’une nouvelle façon. J’avais l’image d’un artiste un peu lisse, un peu sage, cette image qu’il renvoyait parfois avec les Beatles. Je trouve cet album complètement avant-gardiste, ça nous fait entrevoir ce grain de folie qu’il a en lui. Je crois bien qu’on met ce disque à la maison dès qu’on boit plus de deux verres, d’ailleurs on l’a passé pratiquement chaque jour pendant le confinement.
03. Laurel Aitken, Rude Girl
Nicolas : Aux alentours de 2000, j’avais 18 ans et ma passion principale était de danser jusqu’au petit matin sur de la northern soul, du ska, du british beat… J’étais entouré de mods, de skins, de scooteristes… Le lendemain, il y avait la parade de vespas et de lambrettas… Tout ça était nouveau pour moi, c’était très excitant. Ça m’embête que de nos jours lorsqu’on parle de ska, on se retrouve à devoir préciser qu’on ne parle pas de cette merde de ska festif français ! Laurel Aitken, Prince Buster, les compiles Trojan que mes amis me faisaient écouter, c’était tout un apprentissage. Dans les années 60 les anglais appelait ça du « blue beat », du nom du label qui avait popularisé ce son outre-manche, j’aime bien ce terme. Et j’adore cette chanson.
04. Kourosh Yaghmaei, Ghad Boland
Emmanuelle : C’est un chanteur iranien des années 70, qui a d’ailleurs était interdit de diffusion dans son pays. Je suis tombé par hasard sur une de ses compilations, je ne connaissais pas, mais sur la pochette le chanteur ressemblait pas mal à mon père quand il était jeune, ça m’a fait rire, je me suis dit que je devais y jeter une oreille… J’ai bien fait, les morceaux sont vraiment magnifiques. Une jolie découverte.
05. Powder, Magical Jack
Nicolas : Esthetique power-pop-art, à la croisée de The Who et The Creation. Parfait. Un certain idéal. Ces mods qui devenaient « freakbeat » : accords de puissance, larsen, batterie en roue libre, teenage romance sous amphet’. Paul Weller a basé son jeu de guitare sur celui de Pete Townshend, lequel voulait qu’Eddie Phillips (guitariste de The Creation) rejoigne The Who. Du coup forcement lorsque j’ai commencé à apprendre à jouer, mon premier objectif fut de copier les plans guitaristiques de tout ce beau monde !
06. Mariee Sue, Two Tongue
Emmanuelle : C’est une de mes artistes féminines préférées. Je l’ai découvert lorsqu’elle a sorti son premier album Faces in the Rocks et c’est sans doute l’album qui me fait le plus pleurer. Sa voix, couplée à la puissance de ses textes, ne me laisse pas indifférente. Cet album parle de ses origines, de la condition des amérindiens, comment ils ont été traités aux États-Unis. Ses chansons restent dans la tradition folk, très épurées ; une guitare, une voix, parfois une flûte, il n’y a pas besoin de plus.
07. Calvin Johnson, When You Are Mine
Nicolas : La voix de Calvin Johnson a quelque chose d’hypnotisant, je me demande si les fréquences de sa voix n’entrent pas en résonance avec quelque chose qui se passe dans nos cerveaux. Et cette chanson en particulier est juste parfaite. Je n’ai pas envie d’en dire plus, j’aime beaucoup parler et digresser mais parfois il faut savoir fermer sa gueule et simplement écouter.
08. BO du Film Disco Dancer, Goron Ki Na Kalon Ki
Emmanuelle : C’est Nicolas qui m’a fait découvrir ce film il y a quelques années. Il m’avait prevenue : « C’est un nanar ! » ; mais je suis devenu complètement fan du film et de sa bande originale ! Je crois que c’est le disque qui me donne le plus envie de danser et qui me met de bonne humeur. On aimerait bien en faire un reprise, à suivre…
Nicolas : A chaque fois qu’on met la BO à la maison, on ne peut s’empêcher de danser, chaque titre est une tuerie ! Le film a quelque chose d’émouvant dans sa naïveté. On pleure souvent en le regardant ! J’ai decouvert le morceau dans une soirée organisé par DJ No Breakfast, un gars fantastique et un putain de vinyl digger qui a une collection monstre. Je lui ai sauté dessus pour savoir quelle était la chanson qu’il passait, c’etait Disco Dancer. Mon destin était scellé.
09. Kevin Morby, Oh My God
Emmanuelle : Cette chanson a été une grosse révélation pour moi. Elle a nourri un gros délire mystique que j’ai eu dernièrement. Actuellement, j’écoute l’album éponyme au moins une fois par semaine. Lors de son dernier concert à Toulouse, il était seul au piano ou à la guitare accompagné uniquement d’un saxophoniste, vêtu d’un costume blanc avec des ailes dessinés dans le dos !
10. Denim, Here’s my Song for Europe
Nicolas : J’aime bien Lawrence (Felt, Denim, Go-Kart Mozart – pour ceux qui ne suivent pas trop, ndlr), j’ai lu quelques histoires sur lui, parfois drôles, parfois tristes, c’est un personnage des plus passionnants. Cette chanson a quelque chose d’un peu vulgaire parfaitement assumé, une sorte de pied de nez à la Britpop de l’époque (nous sommes dans les 90s). Lawrence l’introduit comme ça : « Here’s my song for europe, all you judges beware ». La vidéo me fait halluciner, en particulier le clavieriste ! Au-delà de l’aspect décalé du truc, le bonhomme a quand même une sacré discographie, sur plus de quatre décennies.