Selectorama : Jack Name

Jack Name
Jack Name / Photo : Logan White

Sorti en fin d’année dernière, Magic Touch, le troisième album de Jack Name a surpris par sa simplicité et sa beauté. En produisant jusqu’alors des œuvres plus denses et complexes, Jack Name laissait moins transparaître sa personnalité. Avec cet album intimiste enregistré dans son appartement, il laisse entrer un peu de lumière, notamment grâce à un jeu de guitare plus subtil. Si Jack Name flirte parfois avec un rock plus classique, certaines influences se démarquent particulièrement. Celle de Serge Gainsbourg est sans doute la plus évidente, jusque dans son titre, sur I Came To Tell You (In Plain English) That I’m Leaving You. Composé sur plusieurs années, on jurerait pourtant que Magic Touch a été composé pendant le confinement tant l’album semble imprégné de solitude. La solitude ne rimant pas systématiquement avec la déprime, Magic Touch est à l’image de ce Selectorama, il alterne l’ombre et la lumière avec une classe incroyable.

01. Ben E King & The Drifters, I Count The Tears

The Drifters a été surnommé le groupe le plus instable de la scène Doo-Wop. Ses musiciens changeaient sans cesse. On en compte plus de soixante sur l’ensemble de leur carrière. Leur premier line-up comptait David Baldwin, le frère de James Baldwin, ce que je trouve incroyable car je suis un énorme fan de The Drifters et de James Baldwin ! Sur le titre que j’ai choisi, on retrouve Ben E King en lead singer. Il chantait également sur Spanish Harlem. Je suis certain que cette chanson a été une inspiration pour Let’s Live For Today de The Grass Roots.

02. The Walker Brothers, Night Flights

Scott Walker a toujours eu un don pour faire dans le dramatique. Quand j’ai entendu ce titre pour la première fois, j’ai tout de suite été obsédé par la basse. Je n’en revenais pas quand j’ai réalisé qu’il s’agissait de The Walker Brothers. J’avais toujours associé leur musique à un son plus années 60. Nite Flights est audacieux, tape-à-l’œil et passionnant. J’étais tellement obsédé par le son du morceau que j’ai mis du temps avant de réaliser que les paroles décrivaient une expérience particulière : celle de se trouver dans un avion qui va s’écraser.

03. Woo, It’s love

Woo est le groupe de deux frères Londoniens, Mark et Clive Ives. Ils ont débuté dans le milieu des années soixante-dix et ils sont toujours en activité aujourd’hui. Certains décriraient leur musique comme expérimentale, mais je trouve qu’impressionniste serait un terme plus juste. Je trouve que leurs chansons capturent à la perfection des moments calmes. Un peu comme lorsque tu es seul avec la personne que tu aimes. C’est juste magnifique.

04. Snakefinger, Golden Goat 

Snakefinger était un guitariste anglais qui a déménagé à San Francisco dans les années soixante-dix. Il a joué de la guitare avec The Residents. Ce titre est extrait d’un album sorti en 1980 qui s’appelle Greener Postures. La première fois que j’ai entendu sa musique, j’étais au Club Ding-a-Ling à Los Angeles. J’ai couru vers le DJ pour lui demander ce qu’il passait. Snakefinger est depuis une de mes principales inspirations. C’est un guitariste incroyablement sous-estimé. 

05. Dionne Warwick, Walk on By

La voix de Dionne Warwick semble sortie du paradis. Burt Bacharach, le maître absolu, a composé tellement de chansons parfaites. De tout ce qu’ils ont produit ensemble, ce titre est sans hésitation mon préféré. J’ai joué en concert à New York juste avant la pandémie. J’y ai rencontré un ami pour aller boire une bière. J’ai mis ce titre sur le jukebox. Nous avons parlé, rigolé, mais quand la chanson est arrivée au moment du pont, mon ami s’est arrêté net au milieu d’une blague. Il m’a regardé et m’a dit : Mon Dieu, je crois que je vais me mettre à pleurer… La musique a un pouvoir merveilleux.

06. Bill Nelson, Do You Dream In Color 

Quand j’étais enfant, la question la plus stupide que l’on m’a posée était la suivante : est-ce que tu rêves en couleur ? Je ne pouvais imaginer que l’on puisse rêver en noir et blanc. Je me souviens avoir répondu fièrement que oui. Ce titre de Bill Nelson me rappelle ce moment de bonheur. Il est pour moi une célébration de l’imagination.

07. Three Dog Night, Easy To Be Hard  

Ce titre parle d’une personne qui tente de comprendre comment les gens peuvent se comporter envers les autres si cruellement. Vivant aux USA avec la vision de l’humanité qui est la mienne, autant vous dire que j’ai beaucoup sifflé ce morceau ces derniers temps.

08. Don Cherry, Brown Rice

Quelqu’un m’a dit un jour : quand le Jazz est free, ça coûte à tout le monde. Aussi drôle que cette remarque pouvait l’être (je le pensais à l’époque), le légendaire Don Cherry prouve le contraire avec ce formidable morceau.

09. Emahoy Tsegué-Maryam Guébrou, Homesickness

Emahoy Tsegué-Maryam Guébrou est une none éthiopienne de 97 ans. Ses compositions au piano sont époustouflantes. C’est probablement le morceau que j’écoute le plus à la maison. A tel point que, peu importe où je me trouve, j’ai l’impression d’être chez moi quand je l’entends. 

10. Psychic TV, Being Lost

De toutes les contributions que Genesis P. Orridge a pu apporter à la musique, l’art ou la culture au sens large, Being Lost est pour moi sa plus poignante composition. Je l’ai entendu pour la première fois par un pur hasard. Un ami proche venait de déménager et je me sentais un peu perdu. Cette chanson décrivait ce sentiment à la perfection. Elle offre un peu de solidarité et de réconfort. Il se trouve qu’en plus de cela, c’est un morceau superbe. 

Magic Touch de Jack Name est sorti chez Mexican Summer/Modulor
A relire : la chronique du disque par Coralie Gardet

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