Marlon Williams, My Boy (Dead Oceans)

Au rayon Marlon Williams, on ne connaissait, jusqu’à il y a peu, que le grand Marley Marl, strict homonyme de l’homme qui nous intéresse ici. Mais on ne va pas jouer au malin et prétendre avoir été alerté il y a déjà dix ans par une poignée de disques réalisés en duo avec son compatriote Delaney Davidson, il n’en est rien ! Comme ce dernier, Marlon Williams est Néo-Zélandais et les deux musiciens ont œuvré communément, à l’abri de la hype, dans un domaine assez peu exposé sur nos terres : la country. Et pour intituler une série de disques Sad But True-The Secret History Of Country Music Songwriting, mieux vaut en avoir sous le pied.

Marlon Williams
Marlon Williams

Dans ce genre scandaleusement méprisé, par méconnaissance ou par paresse, il existe une kyrielle de cadors qui, question songwriting, maitrisent leur affaire. Comme l’a récemment souligné Etienne Greib, champion de la formule qui fait mouche, la country, lorsqu’elle est au meilleur de sa forme, peut bien souvent se résumer ainsi : three chords and the truth. Sur ce terrain, Marlon Williams n’est pas le plus maladroit. Alors, avec ou sans Davidson,  Marlon Williams, finalement relocalisé à Melbourne, aurait pu creuser le même sillon. Il serait sans doute devenu un expert de cette musique hors d’âge qu’il déroule avec un naturel confondant. Les choses de la vie, son intérêt grandissant pour une pop ouvragée, en décideront autrement. Et comme les choses sont bien faites, Williams est épaulé par un talent insolent. Sonné par sa rupture avec Aldous Harding – elle-même auteure de folk songs sur lesquelles le gris prédomine -, Marlon Williams se lance cœur et âme dans l’écriture de Make Way For Love, un album en forme d’exutoire qui deviendra son premier grand disque personnel. Cette fois, il ne passera pas sous nos radars. Ce n’est rien de le dire !  Make Way For Love nous a aidés à traverser l’hiver 2018, porté par une douceur inhabituelle, réconforté par des chansons qui devaient pour la plupart devenir intimes. Pour ce faire, nous avions onze morceaux impeccablement agencés, onze variations autour d’un thème que le songwriter semble pouvoir décliner indéfiniment mais toujours avec une inspiration intacte.

Ces What’s Chasing You, ces Love Is A Terrible Thing n’ont rien perdu de leur intimité originelle et de leur force émotionnelle au moment de les mettre à disposition d’un auditoire alors inconnu. Comme beaucoup de chansons foutrement personnelles, elles finissent par appartenir à qui voudra bien les comprendre et les saisir avant de tenter de les partager au plus grand nombre. Mais ici, la grande rencontre avec Marlon Williams se fera sur scène, lors d’un concert donné le 26 avril 2018 dans le petit club de la Rodia à Besançon. Cette venue avait imposé de se pencher sérieusement sur le dossier du bonhomme et les archives étaient pour le moins porteuses de belles promesses. De l’éblouissante reprise de Bird On A Wire à quelques captations live sur lesquelles humour, classe et générosité semblaient systématiquement au rendez-vous, ce jeune homme nous apparaissait détenteur de ce petit plus qui sépare la vingtaine de découvertes quotidienne de la paire de calottes reçue sans sommation. Le concert se chargera de répondre aux attentes et d’imposer l’évidence. Un frontman qui jongle sans difficulté avec ce nuancier d’émotions, qui impose de faire le tri entre les prestations ordinaires et les autres, ce n’est pas si courant. Avant de se retrouver face au charisme incroyable de cet homme doté d’une voix redoutable, quelques noms étaient forcément venus se frotter aux méninges. Roy Orbison pour cette manière de caresser chaque syllabes, pour cette faculté à rendre émouvante chaque inflexion vocale ? Richard Hawley pour la gestion de l’espace et cette aptitude à faire briller Come To Me entouré de trois fois rien ? Rapidement, il ne restera que le nom de Marlon Williams lui-même. Trop personnel et singulier pour se contenter d’évoluer dans l’ombre de ses ainés, trop malin pour succomber sous le poids du vulgaire mimétisme.

Pour d’évidentes raisons, Make Way For Love représentait la veine mélancolique du musicien.  Son récent My Boy consent à laisser entrer davantage de lumière dans cette maison parfaitement tenue, idéalement agencée. En définitive, les deux disques se complètent à tel point que l’on serait tenté d’associer leur titre respectif pour obtenir un Make Way For Love, My Boy ! Au spleen de Beautiful Dress, Soft Boys Make The Grade répond en fixant l’horizon, s’autorise à évoluer dans un espace moins confiné, dans une production plus spacieuse. L’enlevé Party Boy de 2018 est rappelé à la raison le temps du crépusculaire Promises, en charge du maintien de cette délicatesse rarement prise à défaut. Ce jeu de miroir se poursuit sur l’ensemble jusqu’à obtenir un fascinant diptyque. Alors non, Marlon Williams n’a pas changé au cours des quatre années qui séparent les deux œuvres. Son nouveau disque n’est pas un renouveau, c’est une continuité qui lui donne l’opportunité d’élargir son champ d’action, de dépeindre certaines humeurs absentes du disque précédent.

Nobody Gets What They Want Anymore chantait-il en compagnie d’Aldous Harding sur Make Way For Love. Sa discographie en solitaire tend à prouver le contraire. Quelques chansons immortelles sont d’ores et déjà à disposition de qui voudra bien pénétrer chez ce compositeur d’exception. Les plus récentes sont regroupées sur l’épatant My Boy.


My Boy par Marlon Williams est sorti sur le label Dead Oceans.

Une réflexion sur « Marlon Williams, My Boy (Dead Oceans) »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *