En publiant la compilation Nuggets en 1972, Lenny Kaye ne se doutait pas qu’une dizaine d’années plus tard de nombreux musiciens s’en revendiqueraient à travers le monde. Dans les années 80, une partie du monde underground vibre au son du garage et du psychédélisme. Partout la résistance s’organise. La culture compilation (Back from The Grave, Pebbles, Rubble, Perfumed Garden, etc.) explose tandis qu’un peu partout à travers le monde de jeunes gens prennent les guitares et enfilent leurs boots (talon cubain). Aux États-Unis, cette appétence pour les années soixante se manifeste autant à travers du british rhythm & blues puriste (The Crawdaddys), de la powerpop aux inflexions merseybeat (The Last) qu’une magnifique scène Paisley Underground (Rain Parade, The Bangles, Long Ryders etc.). Mais l’Europe n’est pas en reste.
En Angleterre, les Dentists ou les Prisoners prêchent la bonne parole tandis que sur le continent, les Playboys, les Coronados, les Flechazos ou les Negativos s’éprennent de mille nuances de fuzz. Ces derniers publient en 1986 Piknik Caleidoscópico, un remarquable premier album. Los Negativos se forment deux ans plus tôt du coté de Barcelone. Le groupe espagnol comprend alors Carles Estrada (basse, voix), Alfredo Calonge (guitare, claviers, voix), Roberto Grima (guitare) et Valentí Morató (batterie). Enregistré à l’été 86, ce premier disque est d’une maitrise époustouflante. Prenant la suite de combos comme Los Brincos ou Los Salvajes, Los Negativos explorent une large palette d’influences sixties. Douze cordes empruntées aux Byrds, morgue en 45 tours des groupes obscurs ou délicats clavecins, la formation catalane ne s’interdit rien. Les coriaces s’enticheront de l’énergique Moscas Y Arañas tandis la délicate ¿Quién Aplastó A La Mariposa? séduira les esthètes les plus élégants. Le groupe alterne ainsi les ambiances mais sans jamais renier une certaine excellence. Un Día Especial, par exemple, surprend par une guitare psychédélique superbe, tandis qu’El Club Del Cerdo Violeta nous plonge dans un trip coloré. No Soy Yo (La Psicoastenia) a des allures d’hymne aussi orgueilleux qu’altier. En réécoutant Piknik Caleidoscópico, nous ne pouvons être que saisis par la justesse des Negativos. Classe, ils ne sont pas là pour épater la galerie mais défendre âprement une certaine idée de la musique. Presque quarante plus tard, la passion et l’envie saisies dans ce modeste studio débordent des sillons du vinyle. Ces dandys parmi les poubelles (Dandies Entre Basura, 2009) déjouent les pronostiques et ne s’enferment jamais dans une suite de stéréotypes. Des années soixante, Los Negativos perpétue la profusion ; Piknik Caleidoscópico en témoigne formidablement. Désormais plus proche de ses origines que de nous, le cœur de cet album bat pourtant à la chamade comme au premier jour.