Led Zeppelin, Id. (1969, Atlantic)

Groupe aussi détesté que vénéré, Led Zeppelin ne laisse guère indifférent. Le formation britannique enregistre, en l’espace de trois ans, quatre classiques du rock.  S’il y a beaucoup à dire sur les pillages (de textes, riffs, etc.) opérés par le gang londonien, le talent et la force de Led Zeppelin rayonnent dès leur premier disque en 1969. Le groupe se forme, l’année précédente, sur les limbes des Yardbirds. Devant assurer des engagements avec ces derniers, Jimmy Page (guitariste) et le manager Peter Grant montent les éphémères New Yardbirds. Ils deviennent quelques mois plus tard Led Zeppelin. Jimmy Page est alors un guitariste émérite et expérimenté. En plus de sa participation à un groupe qui a compté trois guitaristes reconnus (lui, Clapton et Beck), il a fait ses armes, à la dure, en tant que session man.

Jimmy Page
Jimmy Page / Photo : Art Zelin

Il joue avec absolument tout le monde (Nashville Teens, Petula Clark, Polnareff, Lulu, PJ Proby, Them, Chris Farlowe, Donovan…) De cette époque, il garde un conséquent carnet d’adresse et fait appel au bassiste et arrangeur John Paul Jones. Robert Plant rejoint le groupe à travers la recommandation de Terry Reid qui avait décliné la proposition. Le groupe est finalement complété avec l’arrivé du phénoménal John Bonham à la batterie, camarade de Plant dans les Band of Joy. Dès les premières répétitions, l’alchimie entre les quatre est évidente. Le groupe bénéficie d’une signature chez Atlantic, exceptionnelle à l’époque. L’avance est généreuse pour un groupe inconnu. De surcroît, la venue de Led Zeppelin dans le catalogue d’Ahmet Ertegün marque un tournant dans la stratégie du label américain. Opérant sur le marché de la musique noire (jazz, r&b, soul), Atlantic s’ouvre au rock et mène une politique de signatures en conséquence : Buffalo Springfield, Crosby Stills & Nash, Vanilla Fudge, Iron Butterfly, entre autres. Enregistré en prises live en une trentaine d’heures, Led Zeppelin est un disque fantastique. Depuis une cinquantaine d’années, nombreux sont les adolescents à s’être pris une mandale en écoutant cet album. D’entrée de jeu, nous sommes saisis par le son, massif. Il révolutionne les sixties et fait passer le rock dans la décennie suivante. La batterie de Bonham explose à travers les enceintes, son jeu unique est ainsi largement mis en valeur par la prise de son et le mixage. Il allie puissance et finesse, c’est peut-être le meilleur batteur de rock de tous les temps. La voix et le style androgyne de Plant amènent un peu d’air aux riffs lourds et poisseux de Page. Si John Paul Jones est le plus discret de la bande, il n’en est pas moins un excellent arrangeur souvent mis à contribution dans le groupe. Esthétiquement, la musique de Led Zeppelin tape dans des choses déjà entendues ailleurs : blues, folk, ou encore psychédélisme aux effluves indiennes. Pourtant, les Britanniques jouent cette musique différemment, avec une force et une intensité uniques. Led Zeppelin écrit, sans le savoir, avec d’autres comme Jeff Beck ou The Gun, un des actes fondateurs du hard rock. Comme souvent avec les pionniers, leur musique est aussi bien plus riche que cela. Néanmoins, la vieille garde du british blues (Fleetwood Mac, John Mayall) en prend pour son grade. Dès le premier morceau, l’affaire est pliée. Good Times Bad Times vous explose à la tronche mais reste groovy grâce à l’incroyable travail derrière les fûts de John Bonham. Babe I’m Gonna Leave You, emprunté à Anne Bredon, est une autre merveille. Le morceau démarre comme une ballade folk avant de muer en un déluge d’électricité. Le groupe reprend des classiques blues de Willie Dixon (You Shook Me et I Can’t Quit You Baby) et s’inspire de Jake Holmes pour enregistrer la géniale Dazed And Confused qui conclut la première face. L’un dans l’autre, la moitié des titres sont des reprises ou des plagiats, mais est-ce réellement important ? Le groupe écrit d’ailleurs d’excellents titres originaux comme Your Time is Gonna Come ou Communication Breakdown. Cette dernière est l’évident tube de l’album, une cavalcade rock lancée à toute berzingue sur l’autoroute du succès. Led Zeppelin n’est pas le groupe le plus scrupuleux du monde quand il s’agit d’emprunts. Il sait cependant transformer cette matière première dans une musique singulière, qui leur est propre. Le rendu ébouriffe. Il vous saisit et fait oublier le reste. Avant de détester Led Zep’ par principe, réécoutons leurs disques et prenons nous, à nouveau, des claques.


L’album éponyme de Led Zeppelin est sorti en 1969 chez Atlantic.

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