L’autre miroir – Flaming Lips, Suzanne Lindon, Richard Brautigan

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Richard Brautigan / Photo : Jim Marshall
Richard Brautigan / Photo : Jim Marshall

Il se cache parfois, derrière une apparence scintillante, un élément nocturne – une partie du miroir fêlée. Nietzsche disait qu’il en fallait de la force, de l’énergie vitale pour composer une tragédie. Je n’ai jamais pris The Soft Bulletin pour un simple disque pop et psychédélique. Je ne l’ai jamais écouté comme on écoute un album de plage. C’est bien plus que cela et grâce au Disquaire Day, certains d’entre vous découvriront l’autre partie du miroir de ce disque. Deux galettes couleur ciment où un puissant venin a été injecté : The Soft Bulletin Companion. J’ai toujours été frappé par les paroles de Wayne Coyne, des mots fragiles comme cernés par la mort. Le chanteur des Flaming Lips, pour orchestrer ses angoisses, est aller creuser au fond de lui. Et afin d’affronter la terreur rien de mieux que ce dernier sursaut de fierté qui fait garder la tête haute. Toute cette force et rage, on la trouvait dans cette matrice incendiaire nommée Zaireeka. Il y avait dans ce disque une liberté dangereuse et un refus du compromis qui promettaient des heures sombres. The Soft Bulletin Companion porte les stigmates de ce combat féroce. On est loin de la sérénité presque ésotérique de certains moments à venir. Ici, c’est les traces de lave et l’inconfortable légèreté de l’être. Il faut simplement écouter A Machine in India et Thirty-Five Thousand Feet of Despair pour s’en convaincre. Un produit brut, splendide. La légèreté…quelle attitude ambivalente et profonde. Éric Rohmer a souvent voulu clarifier cela. Le marivaudage est un simple symptôme d’une maladie mortelle : la vie. Suzanne Lindon a retenu la morale de son prédécesseur. La réalisatrice filme l’échappée de l’enfance, le secret et les premiers tiroirs fermés du désir. On y retrouve du diabolo menthe, des premiers amours et de l’effrontée. Cette chemise blanche, cette nuque raide et ces cheveux noirs en chignon – de sublimes madeleines. Seize Printemps est un film de premiers pas, ni trop beaux ni trop maladroits, simplement uniques. Richard Brautigan, lui aussi, a regardé ce miroir fêlé de l’enfance. La Vengeance de la pelouse est vorace de souvenirs précis ou imprécis. La poésie contourne le réel mais c’est elle qui en parle le mieux. Brautigan est bouleversant au fil des pages. Il se montre mélancolique, drôle et léger. Je le trouve beau, beau de cette grâce définitive que possède certaines personnes au chagrin immense. Écoutons-le encore une fois : « J’ai examiné des petits bouts de mon enfance. Ce sont des morceaux d’une vie lointaine qui n’ont ni forme ni sens. Des choses qui se sont produites comme des poussières. »


The Flaming Lips The Soft Bulletin CompanionThe Soft Bulletin Companion des Flaming Lips (Warner Records)
Seize Printemps Suzanne LindonSeize Printemps de Suzanne Lindon, actuellement en salles.
Richard Brautigan La Vengeance de la PelouseLa Vengeance de la pelouse de Richard Brautigan (224 pages, Christian Bourgois Editeur)

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