La Casa Azul, Tan Simple Como El Amor (Elefant, 2003)

Elefant 2003 album pochette indie popDifficile d’imaginer la popularité de La Casa Azul par-delà des Pyrénées. Le groupe fondé par le mystérieux Guille Milkyway a pourtant démarré de la plus modeste des manières jusqu’à s’approcher, de très près, d’une participation à l’Eurovision. À la fin des années 90, le Catalan envoie ses démos à de nombreuses émissions de radios telles que Flor de Pasión, présenté par Juan de Pablos. Il est repéré et signé par Elefant (Le Mans, Family, Spring, les débuts de los Planetas…). En 2000 sort le mini-album El Sonido Efervescente de la Casa Azul (2000), celui-ci compile six morceaux des démos avec deux nouveautés. Le groupe sort finalement, Tan Simple Como El Amor, son premier véritable album, trois ans plus tard, toujours chez Elefant. Ce disque constitue une excellente porte d’entrée à l’univers chamarré de La Casa Azul. Il ouvre aussi sur une certaine idée de la musique pop espagnole, de la fin des années 90 et la décennie suivante.

La Casa Azul / Photo : DR
La Casa Azul / Photo : DR

Parfois qualifié, par moquerie, de tontipop ou Nocilla pop (le Nutella ibérique), ces groupes (Los Fresones Rebeldes, Vacaciones, Juniper Moon, Cola Jet Set, La Monja Enana etc.) poussent le curseur twee un peu plus loin que les ainés britanniques de la promotion C86. Comme le shoegaze ou la pop anorak, les formations sont parfois raillées par la presse musicale rockiste pas encore tout à fait débarrassée de certaines obsessions performatives. Il faut dire que La Casa Azul et ses camarades ne facilitent pas la tâche… Tan Simple Como El Amor est un album qui nécessite un certain lâcher-prise pour être apprécié à sa juste valeur. Une écoute distraite en fera nécessairement ressortir des parti-pris assez radicaux pour les traditionalistes. Autotune, rythmiques dance rebondissantes, synthés fluos : Guille Milkyway déroule tout une gamme de sonorités incongrues dans un tel contexte. Il les associe à des inspirations sixties, quelque part entre les disques Motown (C’est fini) ou ceux de Burt Bacharach. Une fois l’information digérée, nous sommes enfin prêt à recevoir cette pop bubblegum sincère et d’une fraîcheur enthousiasmante. Le Barcelonais, caché derrière un faux groupe (façon The Archies), secoue dans son shaker, les Beach Boys, ELO (cité dans El Secreto de Jeff Lynne), yéyé, Billy Joel et tout ce qui commence par Euro (Eurodance, Eurodisco…). Le tout offre une expérience euphorisante, sans modération. Dès En Noches Como La De Hoy, nous savons que La Casa Azul ne va pas épargner les chastes oreilles. Après un démarrage rétro-sixties, aux accents doo-wop, la chanson part dans une direction complètement inattendue.

Vocodeur et synthés prennent ainsi le relais des chœurs fifties et autres orgues à transistor. Guille Milkyway arrive, contre toute attente, à faire cohabiter gracieusement ces deux époques. Chaque chanson amène ainsi ses petites trouvailles rococo aux services de mélodies plus sucrées encore qu’un tocino de cielo (un flan décadent : ceux qui ont goûté savent). Si La Casa Azul est bien trop premier degré pour l’ironie du post-modernisme, il y a dans leur musique un art de la citation hors contextes des genres musicaux, proche du sampling. Pour le dire autrement, Guille Milkyway se sert un peu partout dans l’histoire (et l’arrière-boutique) de la pop afin d’ériger sa propre cathédrale. Cela part dans tous les sens, comme un final de feu d’artifices où les sens sont saturés et le cœur bat à la chamade devant l’intensité du spectacle. La démarche de la fausse formation catalane rappelle ainsi parfois les Japonais de Pizzicato Five (El Sol No Brillarà Mas) , les Britanniques de Stereolab, la Suède des Cardigans (la magnifique Vamos a Volar) ou, plus proche de nous, Tahiti 80. Comme eux, Guille Milkyway refuse de devoir choisir entre (supposée) bonne et mauvaise musique. La Casa Azul assume ses sentiments, les déballe au grand jour. C’est aussi excessif (Superguay) que galvanisant. Tan Simple Como El Amor est un album qui ne laisse pas indifférent. Il est facile de l’aimer ou le détester pour les mêmes raisons. Il n’empêche que sa candeur et sa fantaisie n’ont pas pris une ride en vingt ans.


Tan Simple Como El Amor par La Casa Azul est sorti sur le label Elefant en 2003.

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