C’est au fil d’une quinzaine de sorties auto-produites, dans un élan créatif DIY inspiré par ses icônes d’adolescence – les ultra-prolifiques Anton Newcombe et Genesis P-Orridge – que Nathanaëlle Hauguel s’est dissociée de Valeskja Valcav, sombre duo électronique formé il y a près de dix ans avec l’artiste Rapport 1984, pour s’affirmer sous l’anagramme d’Ellah a. Thaun. Des albums concept intimistes et des trilogies, des vidéos et des artzines ; la rouennaise dépeint sans limite son monde intérieur, hanté par sa passion pour l’ésotérisme et fortement marqué par son identité queer, qu’elle aborde sans fard dans ses différentes productions. Les parisiens de XVIII Records accueillent son premier album enregistré en groupe, Arcane Majeur. Un singulier alliage d’anti-folk et de grunge lo-fi produit par le génial Mickey Young (membre, entre autres accomplissements, de ce groupe australien fascinant qu’est Total Control), dans lequel on retrouve ce penchant pour les sons synthétiques, les coups appuyés et les rondes motorik déjà révélé par Valeskja Valcav. Une pluralité d’influences particulièrement tangible dans Nuclear Kiss, odyssée de sept minutes flirtant tour à tour avec le rock psychédélique, le shoegaze et le krautrock. Le brouillage de la voix, l’utilisation abusive de la distorsion remémorent l’émoi de la découverte de Ty Segall en 2010 et les étés bercés par Holy Water Pools, l’album « kamikaze » de Heaters.
L’obsession pour les 90’s est prégnante : un relent de Come As You Are dans la simplicité d’un riff ostensiblement répétitif (Princest) ou une œillade au Doll Parts de Hole (Love Parts) dessinent une imagerie familière. Le clip de Ghost, sur fond de mapping vidéo vaporwave, ressuscite l’ère de la VHS.
Les guitares saturent, la charge est lourde ; pour le cœur aussi. Lors de rares accalmies, la voix d’Ellah se découvre et laisse passer un peu de lumière : la candeur de Supergirl (My Love Is the Sun), guitare-voix façon Scout Niblett, est bouleversante, quand la délicatesse de l’hallucinatoire Globelamp nous laisse sur une note d’espoir salvatrice. Un album-patchwork laissant deviner la richesse de l’univers d’Ellah a. Thaun mais ne suffisant en aucun cas à en démêler les mystères. Il faudra pour cela continuer à suivre l’artiste de près, dans les recoins du Net ou les plus fines programmations.