Évènement du mois de janvier tout juste écoulé : Homework des Daft Punk fête ses vingt-cinq ans. Pour ma part, je fais partie de ces gens qui ont l’impression que les années 90 étaient il y a dix ans. Je suis sûr que vous aussi. Vous vous rappelez alors peut-être ce que vous faisiez cette années-là, et à quel moment précis vous avez entendu pour la première fois les Daft Punk. Peut-être faisiez-vous partie de ces happy few (un terme très nineties en lui-même) qui avaient eu la chance d’écouter le disque en avance ou entendu les premiers maxis du duo parisien chez Soma ? De mon côté, j’avais treize ans et j’ai découvert le groupe à la télévision. Quelques années, à l’échelle d’une vie, ne représentent pas tant que ça ; elles deviennent pourtant des montagnes à l’adolescence. À un an près, vous pouviez devenir fan ou non de britpop et cela aurait pu être Oasis ou Blur. Pour ma part, ma révélation musicale fut électronique.
Homework fut une des amorces, avec le big beat (Prodigy en tête). En quatrième, dans un collège de banlieue tranquille, j’étais déjà trop loin de l’épicentre et mes sources d’information passaient par le filtre des images et la presse lue par mes parents. À l’époque pas d’internet et les cassettes audio se faisaient rares. Bref, comme énormément de gens, j’ai découvert les Daft Punk avec leurs clips sur M6. Probablement un peu trop étranges pour mon âge, j’étais un peu circonspect en découvrant ceux de Da Funk (Spike Jonze) et Around the World (Michel Gondry). Revolution 909 (Roman Coppola) m’a finalement hameçonné et fait écouter l’album. Vingt-cinq ans plus tard, il n’a guère pris une ride. Il reste une décharge d’énergie presque rock ; de la musique électronique pour headbanger. J’ignorais alors le passé du duo français, leur phase shoegaze sous le nom de Darlin’ (et sur le label de Stereolab). Ils ont renoncé aux guitares et aux structures pop, pas à l’électricité. Elle se propage comme une onde de choc irrésistible. L’album est certes un peu long. Comme beaucoup de ses contemporains des grandes heures du CD, les 70 minutes ne nous ont pas été épargnées. Quelques fillers dispensables nuisent (un peu) à la force de l’ensemble. La succession de cartouches est cependant en or massif : Revolution 909, Da Funk, Around the World, Rollin’ & Scratchin’ ou encore Burnin’. Des morceaux où les synthétiseurs crient et vivent. Il était encore coutume d’entendre dans les années 2000, de la part de la vieille garde rock, que les machines n’avaient pas d’âme. Homework prouve pourtant tout le contraire. Disque singulier, il a un pied sur le dancefloor et l’autre dans le salon. Il excelle dans les deux situations. Daft Punk rend un hommage vibrant à la musique de club tout en évitant l’écueil de la compilation de maxis fonctionnels pour disc-jockeys. Au-delà d’être l’un des fleurons de la French Touch (Air, Etienne de Crécy, St Germain, Motorbass etc.) Homework s’inscrit aussi dans une reconnaissance plus globale de la musique électronique. À l’aube d’un nouveau siècle, elle fait son entrée dans les charts et représentent une certaine idée de la modernité. De leur côté Guy-Manuel de Homem-Christo et Thomas Bangalter s’en fichent, ils travaillent peut être déjà à une suite qui sortira quatre ans plus tard : Discovery. Les chemins divergeront alors entre les purs et durs et les autres. Homework sera, selon les cas, le début ou la fin de quelque chose mais indéniablement pour beaucoup, en plus d’être un grand disque, un souvenir de la fin des années 90, et un vrai marqueur de notre génération.