Cour de récré, s/t (Elefant)

« A chacun sa nouvelle vague,
mais la mienne est d’Hokusai »

C’est clair, fallait pas nous inviter : date de naissance – 1971, enfant conscient de 1977 à 1986, incollable pour déjouer toute la quincaillerie années 1980 brinquebalée par Cour de récré. D’abord les citations quasi texto (Le générique de Platine 45 dans Chanson cathartique, Le téléphone d’Elli & Jacno déguisé en Coeur cruel, Vice et Werther sous la mousse de Cache cache dans l’espace / Tétéou de Lio & Jacky), il ne manquerait plus que le disque sorte sur Vogue, ou que la pochette convoque Mondino ou Pierre & Gilles… Et puis ces sonorités à peine troublées par l’autotune (à moins qu’on ne soit en présence d’un vocodeur ?) sorties tout droit des compilations de technopop japonaise, produite par le YMO, Sakamoto, et les trucs catchy aussi bien chipés chez Dorothée, Indochine, Daho, Turboust que dans les tubes bizarres britanniques, « novelty », adorés par Lawrence. Bref, on est pas loin de la crise de foie, celle qui nous prenait après un anniversaire un peu trop arrosé de Fruité ou de Tang, un peu trop gâté de cigarettes en chocolat (celles qui avaient de la farine coincée entre le papier et le chocolat et quand on soufflait, ça faisait comme de la fumée, incroyable).

Cour de récré
Cour de récré / Photo : Marion Diaz

Mais comme dans ces boums où on repartait plein d’étoiles dans la tête pour Cathy E. ou Christelle C., la magie opère sous nos yeux ébaubis : une fois le toboggan des références dévalé cul nul (ça chauffe un peu), on se retrouve dans une caverne rose bonbon, en présence de petites chansons adorables et parfois poivrées comme il faut. On développe même une certaine addiction pour le chant voix-blanche de Chloé, à la fête sur Le jardin de Nobuko, ou quand ça chantonne en duo (le duo, mon cœur fond, il est vrai, et ici, c’est sur Le roi est mort que ça se passe). Cest vrai que l’habillage est risqué, mais le moteur révèle parfois des trésors de mélodies qu’il serait dommage de manquer : d’ailleurs, notre biais de génération X est loin d’être infaillible et n’est pas forcément une bonne entrée.

En effet, si les époques tendent à se confondre dans la grande machine à laver de l’internet, on peut même y trouver une forme d’hypermodernité, dans le même sens que les années mélangées (60-80) qui se dévoilent, recomposées, chez leurs amis de Boost 3000, disons quand le groupe domine son sujet de la tête et des épaules. Le Japon est d’ailleurs très présent dans les influences et les thèmes abordés, avec un certain sens de l’humour autoparodique. Les groupes japonais savent depuis toujours (depuis Hosono disons) manier ces degrés d’hommage et d’ironie, et combiner, recombiner saveurs et senteurs du passé avec des technologies de pointe survitaminées. Peut-être ce quelque chose à creuser chez Cour de Récré, instantané et léger comme un polaroid ou confortable comme un Vélover de Motobécane. Ou un beau sourire intemporel, tout simplement.


L’album éponyme de Cour de récré est sorti chez Elefant Records.

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