Marion Cousin tisse depuis plusieurs années, avec grand soin et passion, le fil ancestral des folklores chantés de la péninsule ibérique. Après une première plongée dans les chants de travail des îles Baléares avec Jo estava que m’abrasava en 2016 (en compagnie de Gaspar Claus au violoncelle), est sorti l’an dernier Tu rabo par’abanico, qui s’attache, lui, à explorer ce qui se trame du côté des mystères de l’Estrémadure, région isolée d’Espagne au flanc collé à la frontière portugaise.
Pour cette fois-ci, le chant de Marion s’entoure des facéties électroniciennes virtuoses des deux lutins bienveillants du duo Kaumwald (Ernest Bergez a.k.a Sourdure, et Clément Vercelletto, vus aussi à deux dans le trio énergético-gnomatique Orgue Agnès), pour mieux fouiller le trouble du sens de ces romances initiatiques. À l’image de ce « Gerineldo Fils » coupable de mensonge et de défloraison — littérale et symbolique —, que nous cherchons des yeux tout comme le roi qui cherche à le confondre dans la chanson, au milieu des recoins d’une forêt impénétrable, filmée et rêvée entre chien et loup par Julien Ethoré-Bonet dans ce nouveau clip illuminé à découvrir ci-dessus.
Au sein de l’album, les personnages des ces fables traditionnelles glanées sur des chemins anciens dessinent des strates généalogiques envoûtantes, ce « Gerineldo Fils » étant le miroir d’un autre titre intitulé « Gerineldo Père », autre version du même mythe : « Ce qui m’intéresse beaucoup au sujet de ce Gerineldo Fils, c’est que ces chansons traditionnelles voyagent de terre en terre, s’incarnant sous différentes formes. Gerineldo est un exemple de chanson ayant de nombreuses variantes, tant et si bien que dans notre disque nous en avons enregistré ces deux versions. L’histoire qui s’y raconte est la même, mais les mélodies diffèrent et elles ont été collectées dans deux endroits distincts d’Estrémadure. Pour parler de généalogie, cela nous amusait de tracer une filiation entre ces deux morceaux et de désigner ce lien en français plutôt qu’en espagnol, parce que c’était une façon très subjective de les nommer, liée à l’enregistrement de ce disque même, et non plus à une tradition ou une transmission ancestrale. Mais on trouve encore beaucoup d’autres versions de “Gerineldo” dans d’autres régions de la péninsule ibérique. Actuellement, je travaille sur des chants du Tras-os-Montes, au nord du Portugal, et j’y ai retrouvé l’histoire de Gerineldo, avec encore une autre mélodie. » Alors, vite, vite, Marion, vivement la prochaine saison !