Peut-on chanter du Mercury Rev avec un rhume ? Et Voodoo de D’Angelo sous une matinée de givre, c’est toujours aussi sensuel ?
Climats met en avant disques et livres selon les aléas de la météo.
Papillon d’hiver
J’ai toujours aimé ces artistes qui ont privilégié leur vie à la loi du marché. Ce phénomène se fait plutôt rare et c’est tant mieux. Car lorsque l’on (re)croise leur route, c’est de manière inattendue et je dirai, presque inespérée. Une apparition, comme le revendiquait Antoine Doinel dans Baisers volés. Pour rester dans la sphère cinématographique, je vais vous parler d’une Bergsman. Non, je ne vais pas – encore – décrypter l’austérité tourmentée de mon cher Ingmar. Il s’agit de Victoria. Je crois que l’une des activités préférées de Nabokov était la chasse aux papillons. L’enjeu pour l’écrivain était le référencement et la rareté de l’espèce trouvée plutôt que la capture… quoique chez Nabokov tout est ambivalent… Mais ce n’est pas le sujet, il s’agit bien de Victoria Bergsman. Papillon rare, libre et secret. Souvent, je me perds dans des recherches très longues sur le net lorsqu’elle ne donne plus de nouvelles. Et puis ces derniers jours, j’aperçois sa frange noire coupée nette. Sa pose, langoureuse et mélancolique, me rappelle une autre icône. Le lien ne me vient pas immédiatement. Et puis j’entends Say You Don’t Mind. La pochette du disque One Year de Colin Blunstone se révèle à moi en un troublant jeu de miroir. Cela me fait penser à cette scène fameuse de Lady from Shanghaï où Orson Welles se perd, en compagnie d’une Rita Hayworth peroxydée, dans les reflets multiples de miroirs. C’est un peu ça que nous propose Victoria Bergsman : se perdre dans des variations pour élargir notre gamme de saveurs concernant la mélancolie. On a bien fait d’attendre.
Les pluies d’un monde qui n’existe plus
Dans la série des Martine, voici la collectionneuse. Rien à voir avec Rohmer, il s’agit plutôt de la Belle Époque. La comtesse de Béarn est une figure discrète, tellement, que lorsque l’on s’est intéressé à cette période où les poètes flamboyaient, jamais son patronyme ne fut retenu. Pourtant les vies d’un Paul Valéry ou d’un Henri de Régnier auraient été bien différentes sans elle. Jean David Jumeau-Lafond nous invite à la rencontre d’un esprit libre, esprit d’un temps où l’on dinait en compagnie de Colette et Willy dans un restaurant nommé le Rat Mort sur la butte Montmartre. Plonger dans la collection de Martine de Béhague, c’est donc revoir un monde qui n’existe plus. Cette mécène emportait avec elle Paul Valéry sur son yacht nommé le Nirvana. Dans ce catalogue : c’est kitsch, souvent d’une finesse de goût sans pareil, c’est corseté ou d’une liberté limpide. On voyage, emporté par les humeurs de la comtesse. Étourdissant voyage culturel qui nous permet de mieux saisir ce moment particulier que fut La Belle Époque.